Ceux qui dominent (vraiment) le Maroc

Al Hoceima. Neuf mois de surplace. On a déplacé la moitié d’un gouvernement, on a enquillé les promesses, on a laissé les vieux démons sécuritaires mordre sur la raison, on a aggravé la surcharge carcérale et, pendant ce temps, on tend l’oreille en direction des puissants, et qu’entend-on? Le bruit du silence. Ces nantis qui, d’un coup de baguette magique, peuvent transformer les troubles sociaux en mauvais souvenir, ces détenteurs du Graal: la capacité d’investir, ces grands patrons juchés sur leurs grands groupes, ces spécialistes de l’expansion continentale se font muets, rasent les murs, disparaissent dans les plis de l’irresponsabilité, se font ectoplasme, vapeur d’eau. Pourtant, eux, ce sont les siamois de la stabilité. Le cadre paisible du royaume arrange leurs affaires. Ils ont tout à perdre si le trouble venait à fissurer l’harmonieuse fresque sociale du plus beau pays du monde. Et pourtant, il ne bronchent pas, ils ne «font pas péter» la machine à projets, ils se barricadent dans la bulle des grosses boîtes du MASI/MADEX, qui, au terme d’une année de PIB cadavérique (1,2%), ont explosé leurs bénéfices (14%). Ils évoluent dans un méta-pays de télétubbies dans lequel les profits servent à rembourser les banques qui prêtent à nouveau de quoi générer de la rentabilité, des dividendes, et bis repetita, comme dans une corne de l’abondance s’autoalimentant à l’infini. Leur argent fait des petits dans la discrétion capitonnée des banques privées où les macarons Dalloyau et le thé au jasmin (champagne Taittinger si affinités) sont proposés à jet continu par des serveurs blanchement gantés. Le dominant n’est pas partageur. Voyez les barons du carburant, cet élixir de la mobilité qui coule dans les veines de tout Marocain actif, il en a fallu enquêtes et rapports pour convaincre le gouvernement qu’il y a eu captation indue des marges, permise par l’effondrement des cours du Brent. Or, rien n’y fait, le lobby est simplement trop puissant, plus puissant que nous tous réunis. Son intérêt particulier prime sur l’intérêt général. La politique comme le foot est un sport élémentaire, il y a des joueurs, une géographie, un arbitre, mais c’est toujours l’Allemagne qui gagne, sauf qu’au Maroc, l’Allemagne, ce sont des dominants qui roulent en Mercedes Benz, édition AMG. L’oligarchie des affaires dispose d’une belle économie, comme un fruit juteux, qui gicle du rendement en pressant le citron-citoyen des classes moyennes et populaires. Les dès sont pipés en sa faveur, pourquoi, dès lors, bâtir, innover, être compétitif, contre qui au juste affuter ses arguments de vente? Un cacique multi-industriel, trônant sur une fortune à elle seule apte à faire pousser 100 centres d’oncologie suréquipés à Al Hoceima, avoue: «S’il se figurent que je vais placer mes billes dans ce pays, il se foutent le doigt dans l’œil bien profond, c’est simple, l’Etat ne fait rien pour moi, je ne fais rien pour l’Etat». Cynisme du conquérant, narcissisme de l’époque, égoïsme qui, tel le lierre, grimpe le long du corps social, s’insinue dans ses cavités, l’étouffe, le tue. L’incivilité des nantis est un mal autrement plus profond que celui des gens de peu, car les premiers peuvent tout, les seconds strictement rien.
D’autant que le peuple est devenu une abstraction, juste une idée, une théorie un peu vague. Au fond, qui est-il ce peuple qui ne vote pas, qui ne s’engage pas, qui ne croit plus en rien, qui rejette parlementaires, caïds, moqaddems, maires, présidents de communes, société civile? Ce peuple qui annule les corps intermédiaires mérite-t-il que l’on gouverne pour lui? Suffit qu’on le recense une fois tous les dix ans pour lui annoncer qu’il a vieilli et ça s’arrête là. Au fond, existe-t-il vraiment ce peuple? La superstructure administrative, les hauts commis, les gens du pouvoir ne peuvent le servir s’il n’a pas de visage. En revanche, les dominants, eux, ont un visage qui emprunte sa «dureté» au titane; ils ont des exigences en pagaille, des confédérations aguerris aux «monologues sociaux», des joues couperosées de s’être trop enivrés de pouvoir, d’influence, de «feuilles de route». Et cet Etat que le dominant méprise, et bien cet Etat lui mange dans les mains. Pour obliger les caprices des puissants, l’Etat a tué le débat public. Le peuple-abstration fait de la figuration dans sa grosse production hollywoodienne. Le dominant profite d’un bac à sable où les grandes décisions se prennent dans un carré VIP inaccessible aux intrus. A-t-on jamais débattu de la décompensation des hydrocarbures? Avait-on débattu dans le temps du démantèlement des barrières douanières, véritable génocide industriel? A-t-on débattu du nouveau régime de change attendu avec piaffement par les dominants, qui déjà, spéculent sur la chute spectaculaire du dirham? A-t-on débattu de l’intégration à la Cédéao qui prévoit, sachez-le, la disparition des frontières et une monnaie unique… Cela le dominant le sait, il en tirera bénéfice, mais vous, le saviez-vous? D’ailleurs. Ne le prenez pas mal. Une question. Juste entre nous.
Le 18 août 2017
SOURCE WEB Par Economie-Entreprises
Les tags en relation
Les articles en relation

Gouvernance: ce que préconise le ministère de l'Economie
Dans une étude assez pointue, le ministère de l’Économie identifie les cinq leviers prioritaires pour améliorer la gouvernance du pays. Les détails. M...

Des condamnés du Hirak et de Jerada parmi les graciés par le roi
A l'occasion de l'Aïd Al Fitr, le roi Mohammed VI a accordé sa grâce à 755 personnes, dont 60 membres du Hirak rifain, 47 ayant participé aux manif...
![Le regard de la presse internationale sur la crise du Rif, un nouveau printemps arabe ? [Vidéo]](/images/actualite/rif-hirak.jpg)
Le regard de la presse internationale sur la crise du Rif, un nouveau printemps arabe ? [Vidéo]
L'ébullition dans le nord du Royaume et l'accélération des tensions à Al Hoceima n'ont pas échappé aux radars de la presse internationale qui ...

Sa Majesté le Roi Mohammed VI décide de mettre fin aux fonctions de plusieurs responsables minist�
• Suite au rapport présenté devant le Souverain par Driss Jettou, qui vient compléter celui de l’Inspection générale de l’Administration territoriale...

Al Hoceima : De nouvelles têtes tombent
Les tensions que connaît la province d’Al Hoceima continuent de provoquer des remous au sein des départements ministériels extérieurs. Après l’évictio...

Le roi nomme les membres du gouvernement
Le roi Mohammed VI et Moulay El Hassan entourés des membres du gouvernement El Othmani nommés ce 5 avril à Rabat. Le roi Mohammed VI a reçu, ce mercredi ...

Ceux qui dominent (vraiment) le MarocAl Hoceima.
Al Hoceima. Neuf mois de surplace. On a déplacé la moitié d’un gouvernement, on a enquillé les promesses, on a laissé les vieux démons sécuritaires mor...

Le Roi va nommer une autre personnalité du PJD à la tête du gouvernement
Un communiqué du cabinet royal est venu ce mercredi 15 mars mettre fin à l'attente. Abdelilah Benkirane est déchargé par le Roi de sa mission de fomatio...

Nouveau modèle de développement du Maroc: Voici la vision de l’Istiqlal
Après des mois de réflexion, de concertations et de travaux, le Parti de l’Istiqlal a finalisé sa vision pour un nouveau modèle de développement du Maroc...

Légalisation du Cannabis : Al Hoceima et Chefchaouen militent pour leur spécificité
Les agriculteurs de chanvre indien des provinces d’Al Hoceima et Chefchaouen ont créé un comité de coordination des zones d’origine de la plante du canna...

Gouvernement : Ce qui se profile derrière la nouvelle architecture
Trente neuf ministres ! Voici donc le chiffre des membres du nouveau gouvernement nommés hier mercredi par Sa Majesté le Roi ! Voici surtout la fin d’un lon...

#MAROC_GROUPE_HOTELIER_RADISSON: Le groupe hôtelier Radisson réaffirme ses plans d’expansion au
Radisson Hotel Group et Madaëf, sont fiers d’annoncer la signature de sept hôtels au Maroc, dont quatre qui ouvriront leurs portes courant juillet, dans les...