La Chine de Xi Jinping attend Trump de pied ferme
Sur le front diplomatique, Pékin s'attend à un long bras de fer avec le nouveau président américain. Quitte à se lancer dans une guerre commerciale ?
Il existe de nombreux risques de confrontation entre les États-Unis de Donald Trump et la Chine, en pleine renaissance nationaliste sous la houlette du président Xi Jinping. Selon les astrologues chinois, ce 20 janvier n'est guère propice au lancement d'une nouvelle entreprise ou d'un « long voyage ». Ce sinistre augure reflète l'inquiétude de Pékin à l'heure de l'investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche. La seconde économie mondiale voit débouler dans le bureau ovale un trublion qui n'a cessé de la pointer du doigt durant sa campagne présidentielle au vitriol. En mai 2016, le milliardaire républicain n'a-t-il pas accusé la Chine de « violer » l'économie américaine, la rendant responsable de tous les maux qui frappent les États-Unis ? « Nous ne pouvons plus continuer de laisser la Chine violer notre pays. C'est ce qu'elle est en train de faire. C'est le plus grand vol de l'histoire du monde », avait-il osé lancer lors d'un meeting.
Donald Trump ose même remettre en cause l'unité de l'empire du Milieu en échangeant publiquement avec la présidente de Taïwan. Jamais, depuis la reconnaissance de la Chine populaire par Richard Nixon en 1972, l'arrivée d'un nouveau président américain n'a suscité autant de nervosité à Pékin. Et l'hostilité est de mise. « Trump est un élève de primaire qui doit faire un stage chez Poutine et Xi Jinping pour apprendre à gérer un grand pays », déclare au Point.fr Liu Mingfu, auteur d'un nouvel ouvrage au titre sans ambiguïté : Le Crépuscule de l'hégémonie.
Sur le style, comme sur le fond, Trump inquiète les stratèges de la « Chine rouge ». Son imprévisibilité, ses déclarations à l'emporte-pièce et sa manie du tweet donnent des sueurs froides à un régime adepte de la diplomatie feutrée derrière une porte close avec des partenaires patiemment apprivoisés. Un choc des cultures qui attise les risques de confrontation avec le géant asiatique émergent, en pleine renaissance nationaliste sous la houlette du président Xi Jinping. « Il est capable de faire une sortie folle, par exemple sur Taïwan, qui obligera la Chine à répliquer », explique au Point.fr Yang Yao, professeur à la prestigieuse Peking University. La conversation téléphonique entre Donald Trump et Tsai Ing-wen, la présidente de l'île rebelle, reste en travers de la gorge du Parti. Pire, le président exige des contreparties économiques et diplomatiques en échange du maintien de la politique de la « Chine unique » (qui consiste à respecter le principe d'une seule Chine dont feraient partie Taïwan, Hong Kong, le Tibet, Macao et le Xinjiang, NDLR). Or, c'est la pierre angulaire des relations sino-américaines depuis quarante ans. Ce principe est « non négociable », clame haut et fort la presse officielle.
Le régime chinois fourbit ses armes en vue d'une guerre commerciale, voire d'un affrontement plus global. « L'arrogante équipe de Trump a sous-estimé la capacité de représailles de la Chine. Nous achetons beaucoup de blé, de coton ou de soja aux Américains, ainsi que des Boeing », prévient un éditorial du Global Times, tabloïd qui suit la ligne éditoriale du Quotidien du peuple, journal officiel du Parti communiste. Trump a promis d'infliger des droits de douane de 45 % aux exportations chinoises, avec l'espoir de ramener dans le Midwest des emplois délocalisés. Une menace prise au sérieux à Pékin, depuis la nomination de Peter Navarro comme conseiller commercial à la Maison-Blanche. Mais les stratèges chinois pointent l'interdépendance des deux premières économies mondiales et doutent que le nouveau président impose des droits de douane sur des produits grand public, qui viendraient grignoter le pouvoir d'achat des consommateurs américains par un effet boomerang.
Trump, un « lapin fragile » ?
La meilleure défense est l'attaque ! Et Pékin a déjà marqué son territoire, avant même l'entrée en lice de Trump. En capturant un drone sous-marin américain dans les eaux disputées de la mer de Chine méridionale, en décembre 2016, l'Armée populaire de libération a envoyé un avertissement sans frais au nouveau « commander in chief ». Elle défendra par la force si besoin ses revendications territoriales, et la construction d'îles artificielles dans la zone, ouvertement critiquée par Trump. Au risque d'un dérapage. « Les Chinois vont le tester durant le début de son mandat, mais ils pensent qu'ils peuvent conclure un deal avec lui », juge Mathieu Duchâtel, expert au European Council on Foreign Relations (ECFR).
La première année du mandat de Trump s'annonce tendue, marquée par des possibles crises déstabilisatrices en Asie Pacifique, que ce soit en mer de Chine du Sud ou en Corée du Nord, où Kim Jong-un compte défier Washington en lançant un missile intercontinental. Mais les stratèges chinois espèrent remporter la mise sur la durée. « Trump joue au tigre, mais, en réalité, c'est un lapin fragile », affirme Liu Mingfu. Ce « faucon » pointe les fragilités du nouveau président sur le front intérieur, face à une opinion américaine divisée, sans compter les difficultés économiques à venir. Pékin se prépare donc à un bras de fer de longue haleine et mise sur une qualité qui fait défaut à son adversaire : la patience. Avec l'espoir que l'impulsivité de celui qui veut rendre « sa grandeur à l'Amérique » facilite au final l'avènement du « rêve chinois » annoncé par le timonier Xi Jinping.
Le 20 Janvier 2017
SOURCE WEB Par Le Point
Les tags en relation
Les articles en relation
Mort de Souleimani : Le Pentagone annule l’«African Sea Lion 2020» prévu le 8 janvier à Agadir
L’exercice naval maroco-américain, «African Sea Lion 2020» était prévu pour le 8 janvier à Agadir. A cet effet, le Bataan Amphibious Ready Group (ARG), ...
Coronavirus : le Maroc, comme le reste du monde, anticipe le pire
Un 6e cas de contamination au coronavirus a été confirmé au Maroc. Le royaume consolide ses mesures préventives contre le virus et a contrôlé jusqu’à p...
Michel Serres : «Il faudrait trouver un avocat à la nature»
L’historien des sciences Michel Serres, 88 ans, accuse l’économie de détruire la planète. Serge Picard pour Le Parisien Week-End ...
Grâce à la lutte d’arrache-pied, la Chine galope sur son chemin de développement
Le président chinois Xi Jinping a adressé le message du Nouvel An 2019 via China Media Group et Internet pour exprimer ses meilleurs vœux aux publics chinois...
Sahara. Après l'UE, la retentissante gifle de Washington à Alger et au polisario
Le polisario et l’Algérie se souviendront longtemps de ce début 2019 où ils enregistrent échec après échec s’agissant du dossier du Sahara marocain. ...
Taxation du numérique: le projet d'accord de l'OCDE attendu d'ici fin 2019
La France et l'OCDE ont annoncé jeudi avoir mis en place un groupe de travail incluant les Etats-Unis afin de faire aboutir d'ici la fin de l'anné...
#USA_BIDEN_TRUMP: Biden estime que Trump ne devrait plus recevoir les briefings du renseignement am�
Les anciens présidents ont traditionnellement accès à ces notes du renseignement, mais certains s'inquiètent que Donald Trump en profite pour révéler ...
La Chine adhère à l'initiative de l'OMS garantissant des vaccins aux pays pauvres
La Chine est à la pointe de la recherche sur les vaccins avec 11 projets en phase d'essais cliniques. Le gouvernement chinois a annoncé, vendredi 08 oc...
Quand les GAFA s’insurgent contre la France, c’est le branle-bas de combat
C’est à l’unisson que les géants d’internet, Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA) se sont élevés lundi dernier contre la taxe du même nom, Gafa (...
#USA_ELECTIONS_ARIZONA: Joe Biden remporte l’Arizona, consolidant sa victoire à la présidentiell
Même si les résultats sont encore attendus en Géorgie, le candidat démocrate dispose d’ores et déjà des 270 grands électeurs nécessaires pour accéder...
Révélations. Les nouvelles ambitions de Othman Benjelloun en Chine
ENTRETIEN EXCLUSIF. Une banque et une compagnie d'assurance en Chine, ouverture du capital de la BMCE à des investisseurs chinois. Révélations du présid...
#Somalie_RETRAIT_TROUPES_AMERICAINES : Donald Trump ordonne le retrait de la "majorité" des troupes
Donald Trump a ordonné le retrait de l'essentiel du contingent américain en Somalie, qui compte environ 700 hommes, a fait savoir vendredi le Pentagone. U...