Brexit Vers une désintégration de l’UE, si l’émotion l’emporte sur la raison
Le Royaume-Uni compte un passé impérial prestigieux, il est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et il est classé cinquième économie mondiale. Ph. Fotolia
Pour les eurosceptiques, certes, après deux guerres dévastatrices et pas moins de 45 ans de dictatures communistes dans plusieurs pays de l’Est, l’Europe est bien arrivée à se mettre d’accord sur un destin commun. Néanmoins, ces dernières années et sur un fond de crises multiples, les États membres commencent à se diviser sur les valeurs démocratiques et sociales.
Le cas grec a déjà été un révélateur du malaise profond d'une union en perte de vitesse dont les États membres n'arrivent pas à respecter les principes. Car la Grèce n'est pas la seule à souffrir : derrière elle, il y a les indignés espagnols, les Italiens qui connaissent de plus en plus de difficultés et les Français qui battent le pavé régulièrement. Et il est certain que l'un de ces pays exprimera bientôt publiquement ses difficultés, ce qui mettra l'Europe encore plus à mal.
Rappelons ici qu'à l'origine, le traité de Maastricht imposait un déficit budgétaire à ne pas dépasser pour construire une union monétaire solide. Il faut voir dans cette situation les conséquences de l'adhésion de plusieurs pays aux politiques économiques et budgétaires différentes et auxquelles il est difficile d'imposer une conduite à tenir pour des questions de souveraineté.
La vision britannique de tout ce débat sur l’Europe est plus émotionnelle que rationnelle. Même au niveau politique. Avec la montée de l’euroscepticisme, David Cameroun en a fait l’enjeu de sa réélection en 2015. Une fois reconduit au 10 Downing Street, le chef de la droite britannique a tenu sa promesse par l’annonce de la tenue de la consultation par referendum sur le traité de Lisbonne avant fin 2017.
Certains y voient un chantage pour que le pays de David Cameroun bénéficie de davantage d’exceptions aux règles européennes et recouvre certains pouvoirs transférés à Bruxelles. Les revendications du leader du parti conservateur se rapportent à quatre principaux aspects : l’immigration, la souveraineté, la gouvernance économique et la compétitivité. Ne faisant pas partie de la zone euro, la Grande-Bretagne réclame des garde-fous pour écarter l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, et si tel est le cas ce sera au prix d’exigences telles que formulées par David Cameroun, à savoir : une ligne plus dure sur l’immigration, un transfert de pouvoir vers les États et moins de réglementation pour une Europe plus compétitive. On voit bien qu’il s’agit d’exceptions aux règles européennes. Éviter un vote britannique favorable au Brexit se fera en arrachant un maximum de concessions à l’Union européenne.
On est là en présence d’une crise existentielle britannique qui trouve son essence dans le fait que les Britanniques ont toujours voulu faire partie d’une zone économique et, pour eux, il n’est pas question d’être membre d’une union politique.
Le 29 février dernier, les 28 dirigeants de l’UE se sont accordés sur un compromis en vue de renouveler le pacte avec le Royaume-Uni. Un compromis que le premier ministre juge suffisant pour recommander le maintien de son pays dans l’UE lors du prochain référendum. Le Royaume-Uni a obtenu gain de cause en février dernier relativement à l’approfondissement du grand marché et au maintien des exemptions obtenues par le Royaume-Uni quant à la question de son appartenance à l’Union monétaire et à l’espace Schengen et quant à préserver la City des régulations excessives de la zone euro.
Dans un tel cas, l’UE n’incarnerait plus un modèle uniforme. Ce qui suscite plusieurs interrogations : l’UE est-elle prête pour adopter plusieurs niveaux d’adhésion ? L’UE fera-t-elle preuve de flexibilité ? L’UE accordera-t-elle les mêmes privilèges à tous les pays membres ? Concernant, cette dernière question, on constate que contrairement à la Grèce menacée par des exclusions de tous genres (exclusion de la zone euro, de l’espace Schengen, voire de l’UE) par ses partenaires européens, la Grande-Bretagne voit le tapis rouge déroulé pour elle par l’UE pour renégocier et trouver un accord avec le Premier ministre britannique, qui écarterait la sortie de son pays de l’Union.
Le deux poids, deux mesures sera toujours de mise au sein de l’UE. Car au moment où certains pays brandissent le spectre de quitter l’UE, d’autres s’y accrochent. Tel est le cas des pays de l’Europe de l’Est qui ne souhaitent en aucun cas quitter l’UE et veulent de surcroît rejoindre la zone euro et être associés de manière active et étroite aux différents mécanismes de défense considérés comme gage de protection et de sécurité face à une puissance militaire russe qui gagne de plus en importance.
De toutes les problématiques que traverse l’Europe, l’issue positive du référendum sur le Brexit changera de façon radicale le destin de l’UE en entravant son évolution future.
Le Royaume-Uni compte un passé impérial prestigieux, il est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et il est classé cinquième économie mondiale. Si le non l’emporte, certes, les conséquences dépendront du type d’arrangement, mais ce qui est sûr c’est que les mouvements sur les marchés financiers seront d’une grande ampleur. Il faut aussi s’attendre à des répercussions sur la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union européenne. Une telle situation ne manquerait pas d’affecter l’orientation structurelle et l’avenir de la communauté en dégradant cette dernière au niveau d'une autorité de second plan, puisqu’elle aurait moins de poids politique et ne serait plus capable de parler d’une même et unique voix. Il s’agit ici d’une des craintes formulées par l’administration Obama. Pour l’establishment américain, l’Europe doit être plus forte pour pouvoir assumer ses responsabilités et faire face aux menaces dans son espace géopolitique.
Les États-Unis d’Amérique étant assez occupés pour établir la paix et la sécurité dans plusieurs régions du monde ne souhaitent pas endosser le fardeau d’une UE disloquée.
L’erreur serait de négliger les retombées géopolitiques du Brexit dans l’espace européen. Si le Royaume-Uni devait sortir de l’Union européenne, cela donnerait certainement des idées aux indignés espagnols et à leurs confrères italiens et français qui souffrent de l’austérité. Le risque de contagion aura pour principale conséquence de rendre encore plus actifs et plus motivés les mouvements nationalistes «souverainistes» et «populistes» au sein de l’UE, entrainant ainsi l’accélération de l’affaiblissement des solidarités géopolitiques européennes en érigeant une Europe des nations fédérées, pour l’instant, autour de l’euroscepticisme et des récriminations à l’encontre de l’UE.
La grande crainte est qu’une fois que plusieurs pays membres auront quitté l’UE, le vieux continent se retrouve face à ses vieux démons : les conflits identitaires et territoriaux.
C’est donc à terme le modèle européen qui serait remis en cause et qui risquerait tout simplement d’exploser avec des conséquences fâcheuses aussi bien au niveau économique que géopolitique pour une région souvent citée en exemple pour avoir réussi son intégration.
Grexit
Un «non» plus ou moins attendu
Il s’agissait plutôt d’un refus de la politique d’austérité que le peuple subissait depuis cinq ans et qui n’avait jusque-là donné aucun résultat tangible. Si le «non» n’était donc pas une surprise pour la Grèce et pour l’ensemble des peuples européens qui avait soutenu son choix, à travers des marches et des messages sur les réseaux sociaux, il l’aurait été en revanche pour la classe politique européenne qui avait espéré un «oui» aux réformes. Car au-delà du cri du cœur du peuple, qui est somme toute compréhensible, il y avait la dure réalité économique : la Grèce devait rembourser 312,65 milliards d’euros de dettes, dont une partie (52,9 milliards d’euros) a été prêtée directement par les États européens. Et pour ces derniers, le «oui» avait garanti le remboursement de leurs créances sur la Grèce dans un avenir plus ou moins proche – il ne fallait pas oublier que ces pays ont été eux-mêmes endettés pour prêter à la Grèce et qu’ils n’étaient pas en très grande forme économiquement parlant –, mais également le maintien de la Grèce dans la zone euro, qui semblait être pour elle la seule véritable voie de sortie.
Un «non» à l’austérité, mais pas à l’euro
Comme l’avait dit le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, lors de son discours devant le Parlement européen mercredi 8 juillet 2015, le peuple grec avait dit «non» aux mesures d’austérité qui le mettaient à genou, mais pas à l’euro qu’il souhaitait garder.
Pour le Premier ministre, les discussions devaient donc continuer, mais avec des conditions plus souples : l’homme avait notamment plaidé pour une restructuration de l’économie de son pays avec entre autres la lutte contre la corruption généralisée et une meilleure répartition de la dette entre les 10% de Grecs riches et les 90% de Grecs pauvres.
Un discours louable en pensée, mais qui restait difficilement applicable, du moins à court terme. De l’aveu même du premier ministre, l’évasion fiscale était un phénomène difficile à combattre et cela malgré toute la bonne volonté des fonctionnaires grecs.
Alors, comment l’Europe pourrait-elle changer ce que même les Grecs n’arrivaient pas à changer depuis plusieurs années ? Comment pourrait-elle réformer l’économie en profondeur à la place des Grecs eux-mêmes ? Cela n’était pas possible et en réalité, l’Europe avait déjà fait tout ce qu’elle pouvait faire et si l’austérité n’avait pas fonctionné, il fallait d’abord y voir une profonde défaillance structurelle de l’économie grecque, mais aussi un climat de récession générale qui frappe l’ensemble du continent. Mais alors, si l’ensemble des mesures économiques a été épuisé, la sortie de la Grèce de l’euro serait-elle inévitable ? Pour le moment, nul ne peut l’affirmer avec certitude. Car derrière l’économie, il y a d’autres raisons stratégiques qui interviennent.
Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.
Le 19 Juin 2016
SOURCE WEB Par Le Matin
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