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"La schizophrénie des Britanniques continue" : le Royaume-Uni s'oriente-t-il vers un Brexit sans accord après le vote de mardi ?



Christian Lequesne, professeur à Sciences Po et spécialiste des questions européennes, commente le vote d'un amendement au Parlement britannique, mardi, réclamant de modifier l'accord négocié avec l'UE sur le Brexit.

La Première ministre britannique, Theresa May, lors d'un débat au Parlement britannique, à Londres, le 29 janvier 2019.

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C'est un énième rebondissement dans les tractations autour de l'accord sur le Brexit. Les députés britanniques ont voté, mardi 29 janvier, un amendement soutenu par le gouvernement, proposant de renégocier le fameux backstop. Ce filet de sécurité, présent dans le traité de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, vise à éviter le retour d'une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Bruxelles a aussitôt opposé une fin de non recevoir à cette renégociation. Christian Lequesne, professeur à Sciences Po et spécialiste des questions européennes, commente cette nouvelle passe d'armes pour franceinfo.

Franceinfo : Quelle était la stratégie du gouvernement britannique avec l'adoption de cet amendement ?

Christian Lequesne : Cet amendement porté par Graham Brady, membre du parti conservateur, est une façon d'appuyer la stratégie souhaitée par la Première ministre. Theresa May tente d'obtenir un nouvel accord avec les 27 sur la question de la frontière nord-irlandaise et notamment sur le caractère provisoire de l'inclusion de l'ensemble du Royaume-Uni dans l'union douanière, le compromis actuel figurant dans le traité.

Pourquoi cette union douanière voulue par Bruxelles cristallise tant les crispations ?

Ce compromis gêne les "brexiteurs" et le DUP, le parti nord irlandais unioniste, dont madame May a besoin pour garder la majorité à la Chambre des communes. Selon eux, cette union douanière (qui régit les accords commerciaux entre l'UE et les Etats tiers) empêcherait le Royaume-Uni de négocier seul des accords avec les grands partenaires économiques de ce monde, tels que la Chine et les Etats-Unis. L'idéologie derrière tout cela est celle de la dérégulation. Les pro-Brexit se disent "si nous ne sommes plus soumis aux règles de la politique commerciale commune, nous pouvons avoir des standards environnementaux et sociaux inférieurs et donc être plus compétitifs".

La réaction, négative, de Bruxelles ne s'est pas fait attendre. Une inflexion est-elle possible ?

La proposition initiale faite par l'Europe était de garder l'Irlande du Nord dans le marché unique (à la différence de la Grande-Bretagne). Cela a provoqué un tollé dans le camp unioniste qui a dit "pas question, on veut le même statut que le reste du Royaume-Uni, car on est Britanniques". C'est une réaction liée à l'identité et à l'accord de paix irlandais de 1998, que personne ne veut remettre en cause. L'UE a alors proposé cette union douanière englobant l'ensemble du Royaume-Uni en attendant de trouver un accord sur les futures relations entre le pays, devenu Etat tiers, et l'Union européenne. Et c'est ça qui bloque car les brexiteurs les plus durs ont peur que cette concession sans date devienne du provisoire qui dure. Mais Bruxelles ne veut pas toucher une ligne des 595 pages de l'accord négocié. On est donc dans une situation de blocage.

S'oriente-t-on inexorablement vers le "no deal", c'est-à-dire une sortie sèche, sans accord, du Royaume-Uni de l'UE ?

La schizophrénie des Britanniques continue à ce sujet. Avant l'amendement Brady, le Parlement britannique a adopté un amendement des députés Spellman et Dromey rejetant la perspective d'un "no deal". C'est ahurissant car les députés ont ensuite voté cet amendement sur la renégociation du backstop, qui ne convient pas à l'UE et qui favorise donc l'option de la sortie sèche. En outre, l'amendement d'Yvette Cooper sur l'extension de l'article 50 sur la sortie, qui permettrait de prendre un peu plus de temps pour revoir l'accord, a été rejeté. Je me demande si la stratégie de Theresa May n'est pas désormais d'aller vers le "no deal" et de l'assumer. Ce serait le seul moyen pour elle de s'en sortir politiquement, avec une issue brutale, mais une issue.

Le 28 janvier 2019

Source web Par France Tv Info

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