Guelmim-Oued Noun : l’attribution du PDR fait polémique

L'attribution du marché de PDR de la région Guelmim-Oued Noun au cabinet Southbridge est l'objet d'une polémique. Le prix élevé par rapport aux autres PDR du royaume et l'appartenance politique réelle ou supposée des acteurs, ont éveillé des soupçons de conflit d'intérêt. Premiers éléments de lecture.
Le montant de 14,5 millions de dirhams, annoncé pour l’élaboration du plan de développement régional (PDR) de Guelmim-Oued Noun, a suscité de nombreuses interrogations. Différents éléments ont semé le doute sur l’adjudication du marché au cabinet SouthBridge :
– L’offre financière de SouthBridge est 25% plus chère que celle de son concurrent, le groupement Valyans-Grant Thornton.
– Le montant global très élevé, même justifié par la durée de la mission d’accompagnement. Un montant au demeurant supérieur à celui de toutes les autres régions du Maroc, fussent-elles très bien dotées, comme c’est le cas de Casablanca-Settat.
– L’absence chez l’adjudicataire, d’une expérience suffisante en matière de développement territorial, qui aurait du logiquement tirer la note technique vers le bas. Cette accusation d’expérience insuffisante est catégoriquement démentie par Southbridge qui met en avant au contraire une longue pratique des projets et schémas de développement depuis de nombreuses années, y compris en partenariat avec d’autres cabinets connus. C’est ce qu’indique par ailleurs le site de Southbridge.
– L’existence supposée d’une situation de conflit d’intérêt. Le conseil régional est en effet présidé par le RNI, une formation à laquelle Hassan Belkhayat, dirigeant de Southbridge, a appartenu par le passé. Ce dernier a en fait démissionné du RNI depuis près de 5 ans (fin 2017), nos indique-t-on auprès de ce cabinet.
Médias24 a contacté Mbarka Bouaida, présidente de la région Guelmim-Oued Noun. Elle nous livre ses explications. Nous apportons, de notre côté, des éléments d’analyse supplémentaires.
Le Conseil régional manque de ressources humaines hautement qualifiées
L’appel d’offres concernant l’élaboration du PDR comprenait aussi l’accompagnement de la région pendant 22 mois, afin de réaliser des projets inscrits dans le contrat-programme avec l’Etat.
On nous explique désormais que cette deuxième mission est la plus importante de l’appel d’offres, et que l’élaboration du PDR ne constitue que 10% de la valeur totale du marché.
Si la région fait appel à une expertise externe pour l’aider dans la conduite de ses projets, c’est qu’elle manque encore terriblement de ressources humaines hautement qualifiées, assure Mbarka Bouaida. « La région est moins bien lotie que les autres. Si nous voulons rattraper le retard, il va falloir mettre les bouchées doubles », soutient-elle.
D’autant qu’à la différence de la plupart des autres régions, l’Agence régionale d’exécution des projets (AREP) n’y est pas encore opérationnelle, justifie-t-elle affirmant que « même d’autres AREP et régions ont eu recours à un accompagnement externe ».
Un choix qui reste discutable, que ce soit pour la région de Mme Bouaida ou pour les autres régions. Chaque région, en tant que collectivité territoriale, est désormais dotée de plus de prérogatives et de moyens, et est appelée à jouer un rôle majeur dans le développement territorial et pas ricochet du pays. Elles doivent se doter des compétences et des bons profils pour gérer ces chantiers structurants.
On peut se demander, donc, pourquoi Mbarka Bouaida, qui est à son deuxième mandat d’affilée à la tête de cette région, n’a pas œuvré à doter la région des profils capables de superviser des projets de développement qui s’étalent généralement sur plusieurs années et non pas 22 mois seulement !
SouthBridge est resté seul dans la course
Mbarka Bouaida précise également que le groupement Valyans-Grant Thornton a certes passé l’étape de l’acceptation de l’offre technique, mais qu’il a été disqualifié pour ne pas avoir respecté, dans son offre financière, une clause qui stipulait que la part du PDR dans le montant total ne devait pas dépasser un certain seuil.
Le règlement de consultation de l’appel d’offres, que nous avons consulté, confirme en effet que l’élaboration du PDR ne devait pas dépasser un plafond déterminé à 15% du montant total, et que la mission de cadrage et la feuille de route ne devaient, quant à elles, pas excéder 5%. Donc 80% de l’offre financière concerne effectivement l’accompagnement.
Contacté pour confirmer ou infirmer ce point, Valyans n’a donné aucune réponse.
En raison de la disqualification de ce groupement concurrent, le cabinet SouthBridge est resté seul dans la course. Son offre a par ailleurs été considérée comme étant la plus intéressante sur le plan économique, selon la présidente de la région Guelmim-Oued Noun.
Notons tout de même, que sur l’ensemble des PDR attribués, Southbridge a répondu à deux appels d’offres seulement : Celui de Guelmim-Oued-Noun qu’il a remporté et celui de l’Oriental pour lequel le cabinet a soumissionné en groupement avec BETAF et dont il a été évincé à l’issue de l’examen de l’offre technique.
Ci-dessous une compilation de différentes offres financières formulées par les différents cabinets soumissionnaires. En rouge, les adjudicataires de chaque marché. Précisons que Casablanca n’a pas communiqué les offres financières des concurrents non retenus.
Les appels d’offres favorisent la note technique au détriment de la note financière
Pour mieux comprendre comment les régions choisissent ces cabinets, nous nous sommes intéressés aux critères de sélection, notamment la composition de la note globale et la balance entre les notes techniques et financières.
La note globale se base sur l’addition des notes techniques et financières, selon des coefficients choisis par chaque région. La formule la plus prisée (6 régions sur 12) donne un coefficient de 0,8 à la note technique, contre 0,2 pour la note financière. C’est également celle adoptée par la région Guelmim-Oued Noun.
A l’autre extrémité, on retrouve la région Casablanca-Settat, qui donne un coefficient de 0,6 à la note technique, contre 0,4 pour la note financière. Les autres régions se situent à l’intérieur de cet intervalle.
La formule pour calculer la note financière est la suivante : 100 × (prix de l’offre du moins disant/prix de l’offre du candidat). Ceci donne un avantage aux offres les moins chères, notamment l’offre la moins disante qui aura une note de 100. Toutefois, vu les faibles coefficients accordés à la note financière, elle ne compte pas beaucoup dans la note globale.
Quant à la note technique, elle est sur 100 points et se calcule à travers une grille qui, pour simplifier, est partagée la plupart des cas principalement entre deux rubriques, l’offre méthodologique et la qualité des ressources humaines mobilisées. Une grande différence entre les régions est à relever à ce niveau.
La rubrique de l’offre méthodologique comporte principalement l’approche proposée par le prestataire pour conduire. Elle doit donc refléter la bonne compréhension de la demande formulée par l’appel d’offres et la pertinence de l’approche et des méthodes proposées. Elle peut même fournir des indices sur les orientations que pourrait prendre le PDR.
L’évaluation de la qualité des ressources humaines se fait principalement sur la base du profil des experts proposés. Des points sont octroyés à chaque profil à chaque fois qu’il coche des cases sur la grille de notation. Ces cases sont relatives aux diplômes dont dispose l’expert et à l’expérience qu’il a en termes de missions similaires à ce qui lui ai demandé.
Dans ces missions d’accompagnement stratégique où la matière grise et l’expérience sont prisées, l’évaluation aussi cadrée soit-elle comporte une part de subjectivité. Cette subjectivité, on la retrouve dans la clé de répartition de la note technique elle-même jusqu’à l’évaluation de l’équipe qui se fait sur l’étude des CV ou de la méthodologie adoptée.
Par exemple, sur les 100 points de la note technique, la part de la qualité des ressources humaines fluctue entre 25 points (Rabat-Salé-Kénitra) et 85 points (Béni Mellal-Khénifra). A Guelmim-Oued-Noun, cette part est de 40 points.
Notons aussi que pour réussir l’étape de l’étude du dossier technique et passer à l’ouverture des plis de l’offre financière, les cabinets doivent parvenir à un seuil qui, bien souvent, est défini à 70 points de la note technique. En dessous, ils sont écartés.
Médias24 suivra l’exécution de ce marché et l’accompagnement qui sera fait par le cabinet conseil, avec l’accord de ce dernier et de la région.
Le 01/07/2022
Source web par : medias24
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