Témoignages des élèves du bac : Pourquoi c’est dangereux
Trend ces derniers jours, les vidéos/témoignages des élèves du baccalauréat à la sortie des examens sont largement suivies. Elles ont fait le bonheur des web TV et des internautes mais à quel prix ?
C’est devenu désormais une habitude, chaque année pendant la période des examens du baccalauréat, on tend le microphone aux élèves à leur sortie des épreuves. Pleurs, désarroi, insouciance, amusement, assurance, incompréhension, attitude burlesque .... Les caméras traquent les émotions des futurs lauréats et le microphone captent leurs propos. Tout ceci pour amuser la galerie plus tard sur les sites d’information mais également, à coups de partage, sur les réseaux sociaux.
Et l’intérêt des élèves ?
Dans cette chasse effrénée aux clics, l’on oublie souvent l’intérêt de ces élèves. Qu’en-t-il de l’éthique journalistique ? Pourquoi pousser des mineurs inconscients des suites légales de leurs propos à s’exprimer en public et sans la permission de leurs tuteurs ? Sont-ils au moins briefés par rapport aux retombées de leurs propos ? Quel est le rôle des parents et de l’école pour protéger ces enfants d’eux-mêmes et d’une certaine presse opportuniste ?
Pourquoi ces vidéos sont-elles compromettantes ?
« L’examen aurait pu être moins difficile si les professeurs surveillants nous ont laissé tricher », « C’était trop cool et on a pu échanger les réponses », « Je n’ai pas pu répondre car le surveillant était trop sévère et ne m’a laissé aucune occasion pour sortir mon téléphone afin de chercher les réponses ! »... Ce sont des exemples de témoignages spontanés des élèves interviewés. Des aveux francs de triche et de fraude à l’examen qui seront diffusés sur les web TV mais également sur les réseaux sociaux.
Au-delà de l’amusement et des réactions ironiques que ces témoignages suscitent, ces vidéos sont franchement compromettantes... pour l’élève et pour la presse qui lui tend le microphone comme nous l’explique l’avocat Réda Mesnaoui. « La loi 02-13 relative à la répression de la fraude aux examens est entrée en vigueur en septembre 2016. Ce texte définit les différentes formes de fraude que ça soit de l’échange d’informations écrites ou orales entre les candidats dans les salles d’examen, la détention par le candidat d’un document se rapportant au sujet de l’examen, l’utilisation d’outils ou de documents non autorisés dans les salles d’examen, ou encore la détention ou l’utilisation de différents moyens technologiques », nous explique l’avocat.
Quand cette loi est-elle appliquée ?
« Le législateur définit le cadre précis dans lequel s’applique cette loi qui concerne en premier lieu les examens sanctionnés par un diplôme national, de l’enseignement secondaire ou universitaire. La loi 02-13 s’applique dans tous les établissements scolaires ou de la formation professionnelle, ainsi que dans les universités et les établissements d’enseignement privé », précise le juriste.
Une loi assez réprimante qui prévoit des sanctions allant du simple avertissement aux peines d'emprisonnement en passant par le retrait de la copie d’examen, la saisie de l’appareil utilisé pour tricher et l’interdiction de passer le bac pour une durée définie. « Les peines peuvent aller de 6 mois à 5 ans de prison et les amendes de 5.000 à 100.000 dirhams pour les cas de fraudes relatifs à la production ou l’utilisation de faux documents pour participer à l’examen, l’usurpation d’identité d’un candidat pour passer l’examen. Ou encore la fuite des sujets de l’examen par tout responsable intervenant ou participant à la rédaction, au transport ou à la protection des feuilles et des sujets des examens scolaires », détaille la loi.
« Les autorités compétentes sont habilitées à traduire devant la justice toute partie impliquée dans la divulgation de sujets d’examens, l’aide aux candidats, la participation ou la complicité », avertit l’avocat. Quant au fait d’avouer ouvertement avoir commis une fraude aux examens via des médias grand public, l’avocat estime que la loi est claire. « Ces élèves restent des mineurs et ne devraient pas être interviewés sans la permission de leurs tuteurs légaux. Dans ce cas de figure on se réfère plutôt au respect de l’éthique journalistique afin de protéger ces enfants d’eux-mêmes », note l’avocat.
Et le responsable est... ?
En vue d'informer les citoyennes et citoyens de la teneur de la loi 02-13, le ministère de l'éducation nationale a publié un communiqué explicatif au lendemain de son entrée en vigueur en 2016. Le ministère y détaille les sanctions disciplinaires et pénales qu'elle édicte.
Aussi une copie de la loi 02.13 relatif à la répression de la fraude aux examens scolaires est systématiquement transmise à tous les candidats au préalable. Ces derniers sont d’ailleurs appelés à présenter une déclaration sur l'honneur signée par eux-mêmes ou par leurs tuteurs, pour ceux âgés de moins de 18 ans, attestant de la prise de connaissance des dispositions de cette loi.
Les candidats et leurs parents lisent-ils pour autant la missive ministérielle et les termes de cette loi pour éviter d’éventuelles poursuites légales ? A en croire les témoignages trend de ces derniers jours, l’on doute fort. « L'ignorance de la loi n'excuse personne. Il faut s’informer tout simplement et ne jamais se prononcer en public lorsqu’il s’agit de comportements compromettants légalement. Les parents doivent avertir et surveiller leurs enfants », conseille Mesnaoui.
Le 24/06/2022
Source web par : lobservateur
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