Au mépris du droit international: Arrestations et détentions arbitraires, violence, procédés irréguliers…
Au mépris du droit international: Arrestations et détentions arbitraires, violence, procédés irréguliers…
Les refoulements inhumains des migrants par les autorités algériennes et libyennes se poursuivent de plus belle. Et cela malgré les alertes et les critiques récurrentes des ONG et des organisations onusiennes.
Selon des chiffres récents de Médecins sans frontières, 14.196 migrants ont été expulsés de l’Algérie entre janvier et mai, parmi lesquels 139 femmes, 30 mineurs filles et garçons.
En détail, près de deux mille migrants sont mensuellement expulsés de l’Algérie et de la Libye, parmi lesquels on trouve des blessés graves, des femmes victimes de viols et des personnes souffrant d’importants traumatismes, abandonnés en plein désert à la frontière algéro-nigérienne, au lieu dit «Point Zéro», à 15 km de la ville d’Assamaka.
Algérie, le recours récurrent aux expulsions forcées
La même source a indiqué qu’en 2021, 27.208 migrants ont été expulsés de l’Algérie dans des conditions inhumaines vers Assamaka contre 23.171 personnes en 2020, soit une hausse de 17,40%. En 2019, le nombre total de ces renvois s’élevait à 22.631.
Pour plusieurs associations œuvrant dans le domaine de défense des droits des migrants, ces expulsions sont une pratique courante en Algérie où des dizaines de milliers de migrants sont refoulés depuis 2014. Il s’agit en majorité de migrants en situation irrégulière originaires d’Afrique centrale et de l’Ouest, principalement du Niger, de Guinée Conakry et du Mali, selon les Nations unies. Certains de ces migrants tentent de subsister en Algérie, mais un grand nombre cherche surtout à regagner l’Europe.
Ces migrants sont souvent arrêtés chez eux ou dans l’espace public. Et aucune région du pays n’est épargnée. Ils sont détenus en cellule durant plusieurs jours, voire des semaines, où ils font l’objet de traitements inhumains comme en attestent certains témoins.
Ces personnes sont renvoyées en groupe via des bus vers le désert, à la frontière entre l’Algérie et le Niger où elles doivent faire entre deux et six heures de marche pour entrer au Niger. Certaines n’arrivent pas puisqu’elles périssent en cours de route en raison de la fatigue ou d’autres facteurs.
Retours forcés, une pratique courante en Libye
En Libye, la situation des migrants cherchant à rejoindre l’Europe n’a rien à envier. Ils sont « régulièrement menacés d’expulsion arbitraire ou collective », selon un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH) publié l’année dernière. Ces renvois sont effectués sans prise en compte de cas par cas et sans considération de leur situation ou de leurs besoins de protection.
En effet, et contrairement aux obligations internationales de la Libye en matière de droits de l’Homme, la législation libyenne criminalise toute entrée, sortie et présence irrégulières dans le pays et impose des peines sévères, dont la détention obligatoire, des amendes et l’expulsion du pays, à tout migrant en situation irrégulière. Selon des données non officielles, le nombre de migrants s’élève à plus de 600.000 représentant plus de 44 nationalités dont beaucoup sont en séjour irrégulier et dans des situations d’extrême vulnérabilité. Des statistiques officielles publiées par la branche de Benghazi de la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM), qui dépend du ministère de l’Intérieur libyen, évoquent plus de 7.500 migrants expulsés entre 2019 et 2020. Des chiffres que les Nations unies et la société civile remettent en cause puisqu’ils ne tiennent pas compte des expulsions effectuées par les autorités de facto en Libye.
Ledit document a précisé, en outre, que des expulsions à grande échelle ont lieu sans évaluation des cas individuels et que les migrants se voient souvent refuser l’accès à une assistance juridique, à des interprètes et à d’autres garanties procédurales essentielles, notamment la possibilité de contester efficacement la légalité de l’expulsion.
A noter que des milliers de migrants sont arrêtés chaque année et placés dans des centres de détention insalubres, où ils sont soumis à de nombreuses violations des droits de l’Homme, notamment la torture, des violences sexuelles, des disparitions forcées, la traite et le déni systématique de leur droit à une alimentation adéquate, à l’eau et aux soins médicaux.
Certains centres de détention précédemment fermés en raison de violations généralisées des droits de l’Homme commises à l’encontre des migrants sont rouverts. Par ailleurs, de nouveaux centres de détention récemment inaugurés sont directement sous le contrôle de groupes armés affiliés au Gouvernement d’unité nationale, ce qui suscite de graves inquiétudes quant à la sécurité des migrants et à l’établissement des responsabilités concernant les violations commises à leur encontre, a souligné le rapport du HCDH.
Expulsions forcées, une violation grave des droits de l’Homme
Alger et Tripoli ont-elles le droit de procéder à de telles expulsions forcées ? Absolument pas puisqu’elles violent, directement et indirectement, tout un ensemble de droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux consacrés par les conventions internationales. Face à cette situation préoccupante, MSF appelle les autorités concernées et leurs partenaires à trouver des réponses humaines, urgentes, adaptées et pérennes à la souffrance des migrants refoulés de l’Algérie et de la Libye dans le désert du Sahel. «Notre objectif n’est pas seulement de tirer la sonnette d’alarme sur la situation des migrants. En tant qu’acteur humanitaire et témoin de la terrible souffrance de milliers de migrants dans cette région du Sahel, c’est notre devoir de dénoncer ce drame humanitaire», explique Jamal Mrrouch, chef de mission de MSF au Niger, dans un communiqué de presse. Et de conclure : «C’est aussi de notre devoir de lancer un appel aux autorités concernées, à l’Union européenne et aux partenaires humanitaies afin que des mesures immédiates soient prises pour le respect de la dignité humaine dans le contrôle des frontières. Nous ne pouvons plus continuer à simplement ignorer cette situation en pensant que le problème se résoudra de lui-même ».
Le 03/06/2022
Source web par : libération
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