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Ahmed El Jabri : La situation des métiers du tourisme est critique et alarmante

Ahmed El Jabri : La situation des métiers du tourisme est critique et alarmante

Secrétaire général du Syndicat national indépendant des guides de tourisme agréés du Maroc, Ahmed El Jabri vient d’être élu président de la Coalition nationale des professions du tourisme (CNPT), première instance du genre créée, le 23 février dernier, à Marrakech. Cette entité englobe l’ensemble des acteurs clés du tourisme qui s’estiment exclus de tous programmes étatiques dédiés au secteur. Il s’agit de ceux opérant dans le transport touristique, l’hôtellerie (3 et 4 étoiles), les maisons d’hôtes, la restauration, les agences de location de voitures et les agences de voyage, les guides, les taxis touristiques, les propriétaires de calèches et les artisans. Dans cet entretien, le président de la CNPT dresse un état des lieux des métiers liés au tourisme et la vision selon laquelle cette instance fraîchement créée compte défendre les intérêts de ses adhérents dans l’optique de développer ce secteur vital pour la cité ocre. Décryptage.

Le Matin : La Coalition nationale des professionnels du tourisme créée, qu'en est-il de la suite ? Notamment de la constitution du Bureau exécutif, des Commissions et des représentations régionales et provinciales ?

Ahmed El Jabri : Justement, mardi dernier, en tant que représentants des diverses professions de la chaîne des valeurs du tourisme et membres de la CNPT, nous nous sommes réunis pour constituer le Bureau exécutif. Cette opération s’est déroulée dans la transparence et la démocratie absolues qui constituent notre devise suprême. Nous avons veillé, par ailleurs, à ce que l’ensemble des métiers du tourisme, qui sont les composantes de la CNPT, soient représentés dans le Bureau exécutif majoritairement en tant que vice-présidents, sinon en tant que secrétaire général ou trésorier, ainsi que leurs adjoints ou conseillers chargés de missions diverses.

En outre, dans le cadre d’une bonne répartition des tâches et pour la bonne marche de la CNPT, nous avons créé quatre Commissions en nous basant sur la panoplie des objectifs tracés par les fondateurs de la Coalition et qui, en somme, englobent des volets importants tels que la communication, l’investissement et les relations institutionnelles, la santé et la solidarité sociale, les affaires culturelles et sportives et les finances, sachant que d’autres Commissions pourraient être créées si besoin est, au fur et à mesure que d’autres composantes de la chaîne des valeurs du tourisme rejoignent la CNPT.

Quant aux représentations régionales et provinciales, maintenant que nous avons formé le Bureau exécutif, une autre réunion sera tenue, après le dépôt du dossier de la constitution de la CNPT auprès des autorités compétentes, pour entreprendre cette démarche.

Quel diagnostic faites-vous, aujourd'hui, de la situation de tous ces métiers profondément ancrés dans l'activité touristique et que vous qualifiez de parent pauvre du secteur ?

C’est d’abord un diagnostic révélateur de dysfonctionnements structurels et organisationnels dont souffrent certains métiers. Par ailleurs, de manière générale, il va de soi que la situation des métiers liés directement ou indirectement au tourisme, qui se sont regroupés au sein de la CNPT, soit critique et alarmante. Ce sont des métiers que d’autres organismes sont censés défendre, ne serait-ce que par solidarité en ces temps de vaches maigres, mais qui ont, malheureusement, été livrés à leur sort.

D’ailleurs, la pandémie de la Covid-19 et la crise qui en a découlé ont révélé le haut degré de fragilité de l’ensemble de ces métiers, dont les acteurs ont aujourd’hui beaucoup de mal à survivre, et l’absence d’une stratégie à même de les accompagner et de les soutenir pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent actuellement. C’est, en effet, ce sentiment d’être profondément lésés et marginalisés qui nous a incités à créer notre Coalition, et ce, non seulement pour défendre les intérêts de nos métiers en tant que «parent pauvre» de la chaîne des valeurs du tourisme, mais aussi pour créer un contrepoids en matière de représentations des professions du tourisme.

À la lumière de ce constat, quels seraient les chantiers prioritaires de la CNPT ?

Bien que nous considérions tous les objectifs définis dans les Statuts de la CNPT comme étant prioritaires, certains peuvent revêtir un caractère urgent, à savoir l’engagement du dialogue avec le gouvernement pour la mise en place d’une stratégie adéquate qui tiendrait compte des multiples contraintes et problèmes sectoriels, et de lancer un programme de sauvetage des métiers que représente la CNPT. De plus, nous allons devoir procéder à la mise à niveau des composantes de certains métiers par le biais de programmes permanents de formation, afin qu’elles puissent répondre aux attentes et aux exigences des touristes et participer, ainsi, à la convalescence et à l’essor du tourisme, le tout selon une approche qui tiendrait compte des changements des attitudes des touristes et de la nouvelle donne «Post-Covid 19».

Votre slogan avant même la création de la CNPT se résumait au terme «exclusion». Comment expliquez-vous qu'il y ait exclusion de tous ces métiers des différentes politiques publiques, que ce soit en termes de programmes de développement, de soutien ou de subventions ?

L’on sait pertinemment que seule une poignée de représentations des métiers du tourisme, constituées d’hommes d’affaires et/ou du Patronat, bénéficie de la priorité des politiques publiques et des programmes de développement. Il est, par conséquent, tout à fait «normal» que cette poignée d'hommes d’affaires jouisse d’un large éventail d’avantages, surtout quand il s’agit de subventions. Quant aux autres métiers, eu égard aux faits qu’ils manquent de pouvoir et de moyens de persuasion, mais aussi parce qu’ils sont marginalisés, leurs desiderata et revendications légitimes se heurtent à un mur de silence et d’indifférence. Tout laisse croire, en conséquence, que ces métiers continueront à souffrir de cette politique discriminatoire, à moins qu’ils ne décident de s’organiser pour renverser la vapeur eux-mêmes. C’est, à juste titre, la raison pour laquelle la CNPT a été créée.

De quelle manière les actions de la CNPT seront-elles déclinées au niveau des différentes régions du pays ?

À mon humble avis, le meilleur moyen pour réussir cette démarche serait l’instauration d’un plan de communication externe à même de drainer et de fidéliser davantage d’adhérents et de sympathisants. C’est un grand défi que la CNPT va relever avec détermination, tout en comptant sur les représentations de certains de ses métiers déjà existants dans diverses provinces et régions du Royaume.

La CNPT devra, par la force des choses, travailler en étroite collaboration avec des instances et des organismes dédiés au tourisme, comme les CRT ou la CNT, et dont vous dénigrez la manière de travailler. Comment comptez-vous dépasser vos différends afin de les allier à votre cause ?

Certes, toujours est-il que ces instances et organismes devraient être prêts à se pencher sur les divers problèmes et doléances légitimes des métiers représentés par la CNPT, qui se veut une force de proposition et un partenaire fiable d’ores et déjà prédisposé à collaborer étroitement avec le Conseil communal, le Conseil de la région, le ministère du Tourisme, la CNT et le CRT. Autrement dit, la CNPT aspire à la concrétisation de partenariats gagnant/gagnant durables et fructueux avec toutes les instances et tous les organismes qui œuvrent pour le développement du tourisme, dans un esprit de transparence, d’équité et d’implication dans le processus des prises de décisions qui intéressent ce secteur vital, et ce, conformément aux dispositions de la Constitution qui prône la démocratie citoyenne participative.

Le 2 Mars 2022

Source web par : le matin

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