L’innovation territoriale et le Nouveau Modèle de Développement
Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani (TSGJB) "solution"
Parmi les orientations des thématiques-clefs du Nouveau Modèle de Développement adopté par le Royaume du Maroc (mai 2021) figure la question des territoires, considérée par le Rapport comme un axe stratégique de transformation visant « un ancrage dans les territoires pour renforcer la résilience et la durabilité ».
Investir les territoires dans une perspective de développement intégré et durable constitue l’un des principaux chantiers de cette feuille de route nationale pour les quinze années à venir, à laquelle les acteurs de sa mise en œuvre devront s’atteler, face aux nombreuses attentes du terrain : disparités régionales, enclavements géographiques, articulation entre urbain et rural, sous-équipement et fracture urbaine…
Autant de contraintes et de dysfonctionnements que les axes stratégiques retenus veulent transformer pour : des opportunités d’inclusion pour tous et un lien social consolidé ; un capital humain renforcé et mieux préparé pour l’avenir ; une économie productive et diversifiée créatrice de valeur et d’emploi de qualité.
L’ancrage dans les territoires constituant la composante complémentaire de ces axes.
La Commission « estime que pour un Maroc durable, il est nécessaire de renforcer le rôle des territoires comme lieu d’ancrage de la dynamique de développement, de construction d’un cadre de vie de qualité pour le citoyen et de préservation de la durabilité ».
Une telle démarche suppose le recours à des méthodes et des instruments renouvelés, opérationnels, partagés et comptables, à même de faire émerger des dynamiques spatiales nouvelles.
Participant d’un volontarisme politique en vue d’un renouvellement du Pacte national, « en mettant l’humain au cœur des priorités des politiques publiques », c’est à travers une vision actualisée que pourront s’opérer les mutations escomptées à l’horizon 2035 en matière territoriale. Une vision qui doit apporter des réponses novatrices à moyen terme, face à des problématiques à identifier collectivement à l’échelle des territoires.
A cet effet, l’innovation territoriale comme axe stratégique doit tirer parti des problématiques territoriales – notamment à travers des diagnostics territoriaux participatifs –, en vue d’apporter des réponses et des cadres de propositions consensuels. Tout comme elle doit faire appel à l’intelligence collective pour créer les conditions et les capacités à même de répondre aux besoins spécifiques des territoires (contexte, statut, échelles, ressources, potentialités…).
Dans un processus où la démarche a pour vocation d’être partagée, le principe de co- construction et de coproduction doit apparaître comme l’un des éléments marquants de l’innovation territoriale et ce, en vue de répondre au projet de Pacte national préconisé par le Nouveau Modèle de Développement.
Enfin, la démarche de l’innovation territoriale doit traiter des enjeux et défis auxquels font face des espaces marqués par « les inégalités territoriales en termes d’accès aux services publics de base et de création de richesses », pour lesquels « la Commission prône un renouveau de la gouvernance des territoires ».
Cinq axes de travail devraient guider un processus innovant au niveau territorial :
L’intégration économique, sociale et environnementale, ou comment construire des territoires productifs économiquement, inclusifs socialement et durables Cela fait appel au caractère intégré du développement et de sa diffusion à l’échelle des territoires, par la mobilisation et l’implication des acteurs locaux autour des problématiques et des contraintes vécues au quotidien, ainsi que par la prise en compte de l’égalité d’accès aux ressources liées au processus d’innovation (renforcement des capacités, participation, accès aux moyens…).
L’équité territoriale, qui intègre la dimension spatiale de la justice sociale et dont l’objectif est d’apporter les corrections nécessaires, dans des contextes marqués par l’injustice spatiale. Elle intègre en particulier une dimension sociopolitique en tant que processus centré sur la construction des nouvelles aspirations sociales à l’échelle locale, dont l’une des expressions est l’amélioration des conditions de vie et le mieux-vivre
La réduction de la fracture territoriale et de la pauvreté, dont les expressions les plus fortes sont le sous-équipement et la carence en services de base et en logements, l’enclavement et les faibles taux de desserte, l’accessibilité et la mobilité, et les contraintes structurelles de l’économie Cela implique un rééquilibre des territoires où les espaces de relégation soient progressivement intégrés selon des cadres d’interventions prioritaires, par une approche des territoires aux fonctions complémentaires.
Un tel processus passe – aux différentes échelles spatiales et selon des dynamiques locales – par la promotion des écosystèmes économiques locaux, le renforcement des capacités, des compétences et la formation, et par la question cruciale de la mise à niveau des infrastructures et des services essentiels qui font toujours défaut à nombre de territoires.
L’attractivité et la compétitivité territoriale. Elles font appel, pour la première, au dynamisme des relations économiques, à la qualité des services publics et au niveau d’encadrement ; pour la seconde, à la capacité du territoire à préserver ou conforter sa position face à la concurrence d’autres espaces. Des axes qui sont à développer, dans une optique de renforcement des potentialités économiques existantes, de réduction des déficits qui entravent la production de richesses (infrastructures, éducation et formation, emploi), pour créer les synergies nécessaires avec les territoires à effet d’entrainement.
L’innovation territoriale doit pour cela encourager le principe de solidarité entre les territoires : promouvoir, par des relations d’appui et de complémentarité, une armature territoriale moins marquée par les inégalités.
La capacité de résilience face aux mutations et aux Dans un contexte de changement climatique, d’accroissement des risques naturels, d’épuisement des ressources et de développement des crises sanitaires, les territoires sont appelés à s’organiser, en vue d’en atténuer les effets. Face à l’accroissement des risques, les territoires les moins dotés sont les plus exposés aux risques récurrents dont ils ne peuvent assurer l’anticipation, encore moins la gestion.
En présence d’une telle donne, le rôle des collectivités locales s’avère crucial pour l’accompagnement, la gestion des situations à risques et leur incidence sur les populations, par le développement d’instruments d’apprentissage, d’adaptation et d’encadrement, en vue de créer les conditions d’une résilience locale.
L’innovation territoriale : un processus de mise en œuvre volontariste et collectif
Le processus d’innovation territoriale se mesure à la capacité d’apporter des réponses nouvelles aux besoins spécifiques des territoires et de leurs populations. C’est un processus qui doit être partagé et validé par la collectivité, avec pour objectif l’amélioration des conditions de vie.
Il est également pluriel, au vu des enjeux du terrain et de la nature des interventions : multiformes (technologique, industrielle, numérique…) ; multi-acteurs (économique, social, environnemental) ; multi-scalaires (local, régional, national, urbain, rural).
Autant de facteurs qui renvoient l’innovation territoriale et la gestion du cadre spatial de manière générale au cadre institutionnel et réglementaire qui régit les territoires et leurs différentes échelles.
Aborder la question de l’innovation territoriale et des différentes formes de créativité qu’elle sous-tend renvoie à la question du volontarisme politique, dont se veut porteur le Pacte national proposé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Ceci implique aussi bien un changement de paradigme que de posture de la part de l’Etat et des services publics dans la manière de traiter les structures spatiales aux différentes échelles du territoire national.
Autrement, comment faire mieux ensemble à partir de l’existant, ou comment faire de plus d’efficience dans la manière de construire collectivement, un projet de territoire renouvelé.
Dans ce processus, où le cadre institutionnel doit être tout aussi volontariste que facilitateur, il s’agit d’intégrer l’innovation territoriale comme une composante à part entière du développement local, tout en construisant un nouveau schéma conçu comme un instrument de solidarité par l’engagement collectif et la mobilisation des acteurs locaux.
Au plan pratique, il s’agit de rompre avec des usages qui ont montré leurs limites en termes de retombées, où « le secteur public fonctionne selon un mode centralisé top-down, à faible logique de résultat, et ne développe pas une vision stratégique (…) dans l’amorçage et l’accompagnement des multiples chantiers de transformation », pour privilégier des modes opératoires associant l’ensemble des parties prenantes aux dynamiques locales et territoriales. C’est-à-dire sortir d’un environnement cloisonné par la chaîne des intervenants, vers la capacité à construire un faire ensemble, dans un cadre de confiance entre populations, gestionnaires et usagers des territoires, et la mise en œuvre d’une dynamique réellement innovante.
La Région : un espace propice à l’innovation territoriale
Parmi les principaux points d’ancrage spatiaux propices à l’innovation territoriale, figure la Région et son corollaire « la régionalisation comme vecteur de progrès », pour « un équilibre créatif entre les politiques nationales portées par l’Etat dans la durée et la dynamique régionale et locale ».
Portée par la Constitution de 2011, la Région bénéficie d’attributions, de compétences et de prérogatives propres à générer de nouvelles dynamiques territoriales, notamment à travers « les principes de libre administration, de coopération et de solidarité » (Article 136), mais aussi en termes de mécanismes de participation, de dialogue et de concertation 1 portés par les instances élues locales.
Un tel processus doit se projeter selon une approche concertée, pour asseoir les bases d’une innovation territoriale qui intègre :
L’introduction de modes d’interventions nouveaux, dans une relation entre démocratie représentative et participative ;
L’encouragement de la dimension collective et coopérative entre les acteurs, propre à faire émerger les facteurs d’innovation et leur diffusion ;
La promotion du capital humain par la mobilisation des savoirs et des compétences, le renforcement des capacités et la formation ;
L’adéquation avec la demande territoriale, notamment en termes de projets de développement ;
L’intégration de la chaîne territoriale dans sa dimension économique, sociale, culturelle et environnementale ;
L’engagement collectif des collectivités locales mais aussi des citoyens, et la mobilisation des ressources aux différentes échelles, en orientant la fiscalité vers le niveau local.
Une telle démarche se veut inscrite sur le moyen terme, que le Nouveau Modèle de Développement peut ériger en bonne pratique et faire de l’innovation territoriale, à l’horizon 2035, un instrument avéré et reconnu des politiques publiques à l’échelle du Royaume.
*Expert international en planification urbaine et développement territorial
1 « Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils régionaux et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des projets de développement. » – Article 139 de la Constitution du 1er juillet 2011.
Le 24 Novembre 2021
SOURCE WEB PAR Maroc-Diplomatique
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