Le Maroc empêtré dans ses mesures racistes de vigile de l’Europe

L’affaire du contrôle au faciès et du contrôle des titres de séjour imposés aux Subsahariens dans les gares routières du pays démontre les dérives de la politique de traque des migrants menée par Rabat avec la bénédiction de l’Union européenne qui a engagé 140 millions d’euros en 2018 pour la « gestion des migrations au Maroc »
Nouveau dérapage de Rabat dans sa lutte monétisée contre les migrants qui affluent à travers son territoire dans le but de rallier l’Eldorado européen. Les récentes mesures de discrimination à l’endroit des subsahariens dans les transports interurbains par autocars, ont provoqué un tollé au sein de l’opinion publique.
Des affichettes placardées dans certaines agences de la CTM, principale compagnie de transport par route du pays ont dévoilé la mise en place d’un contrôle au faciès et d’une vérification des titres de séjour des passagers ordonné par les autorités gouvernementales, en l’occurrence le ministère des Transports.
Malgré les dénégations peu convaincantes de la CTM, des témoignages recueillis notamment par Yabiladi ont prouvé que les autorités ont bel et bien demandé à divers transporteurs publics et privés de se substituer à la force publique dans un rôle d’auxiliaire de la police des frontières.
Une mesure illégale et raciste
Une mesure illégale documentée par ailleurs par des associations de défense de migrants qui a poussé le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a ouvrir une enquête tandis que le gouvernement par la voix de son porte-parole rétropédalait en condamnant une mesure « raciste » émanant pourtant de l’un de ses départements ministériels.
Aïcha Lablak, présidente du groupe parlementaire PPS, a requis jeudi dernier de Abdelkader Amara, ministre PJD des Transports de faire la lumière sur cette affaire et annuler sans tarder cette initiative « basée sur des considérations racistes qui n’ont rien à voir avec les principes constitutionnels relatifs à la lutte contre toutes formes de discrimination ».
Le Maroc a bénéficié en 2018 d’une enveloppe totale de 140 millions d’euros de la part de l’Union européenne pour lutter pour « la gestion des migrations », principalement par voie maritime vers l’Espagne à travers le Détroit de Gibraltar.
En juin dernier, à l’occasion de la visite à Rabat du ministre espagnol des Affaires étrangères, Joseph Borell, le Maroc a qualifié de « réussie » sa réduction du nombre de flux migrants en Europe, revendiquant ouvertement son rôle de gendarme de l’Europe.
Selon Nasser Bourita, le chef de la diplomatie marocaine, le nombre de traversées a chuté de 40 % par rapport au même mois de l’année dernière pour ce qui est des migrations vers l’Europe, passant par l’Espagne. Le ministre a rappelé que le Maroc avait réussi à démanteler plus de 60 réseaux de trafic et arrêté plus de 30 000 tentatives de franchissement.
Un « intérêt commun » entre Madrid et Rabat Du côté espagnol, Borrell avait indiqué que les fonds fournis à Rabat pour la lutte contre l’immigration clandestine s’avèrent toujours aussi insuffisants, tout en soulignant qu’ils sont en nette augmentation par rapport au passé. « C’est une coopération qui permet aux deux parties de trouver un intérêt commun », avait-il précisé.
Les arrivées de migrants par la mer en Espagne ont en effet nettement diminué cette année, le Maroc ne laissant plus autant d’embarcations quitter ses côtes, après avoir conclu avec Madrid et Bruxelles des accords assortis d’aides, constatent observateurs et experts. De janvier à septembre, 15 683 migrants sont arrivés en Espagne par la mer, selon le ministère espagnol de l’Intérieur qui confirme les statistiques avancées par Rabat.
Après l’accord Turquie-UE sur l’immigration de 2016, puis la fermeture des ports italiens en 2018, la route migratoire maritime vers l’Espagne était devenue la plus fréquentée l’an dernier.
Ce n’est plus le cas : les passages vers l’Europe sont de nouveau plus nombreux par l’est de la Méditerranée, vers la Grèce, selon l’Organisation pour les migrations internationales (OMI).
Les forces marocaines « empêchent le départ des embarcations alors qu’avant, elles les laissaient partir », constate Jose Encinas, un responsable du syndicat de gardes civils AUGC en Andalousie, région où débarquent la plupart des migrants en Espagne.
Selon un expert en migrations d’un organisme international, requérant l’anonymat, « la police maritime marocaine a mis en place tout un dispositif, surtout dans le nord, aux points stratégiques » pour freiner les départs.
Pour Eduard Soler, spécialiste espagnol de la géopolitique en Afrique du Nord au sein du think tank CIDOB, « le Maroc a constaté que la carte migratoire est un instrument de pression très utile ». Depuis des années, « les moments où les relations bilatérales Maroc-Espagne étaient difficiles ont coïncidé avec une augmentation des arrivées (de migrants en Espagne) et ceux où elles s’amélioraient avec une baisse drastique », dit-il.
Arrivé à la tête du gouvernement espagnol en juin 2018, alors que les arrivées d’embarcations étaient déjà en nette hausse, le socialiste Pedro Sanchez a envoyé ses ministres à de multiples reprises à Rabat avant de s’y rendre lui-même en novembre, pour s’entretenir en particulier avec le roi Mohammed VI. Puis le roi d’Espagne Felipe VI y a effectué en février une visite d’Etat attendue, présidant la signature de onze accords bilatéraux.
« Une baisse radicale du nombre d’arrivées en Espagne s’est alors produite », de 4 104 en janvier 2019 à 936 en février selon l’OMI, souligne Soler. « Cela ne semble pas un hasard », ajoute ce chercheur pour qui « le Maroc a décidé de changer de politique ». « Quand le Maroc veut plus d’argent, il ouvre le robinet de l’émigration et quand il reçoit l’argent, il le ferme », affirme de son côté Jose Encinas.
L’Espagne a ainsi accordé en août au Maroc 32 millions d’euros pour le contrôle de l’immigration clandestine, après l’octroi en juillet de 26 millions d’euros pour « la fourniture de véhicules au ministère de l’Intérieur marocain ».
Les relations entre Bruxelles et Rabat se sont aussi particulièrement réchauffées depuis que le Parlement européen a validé en février un accord de pêche renégocié entre l’UE et le Maroc. Rabat avait obtenu que le texte inclue explicitement les « eaux adjacentes du Sahara occidental », territoire disputé.
En visite à Rabat en septembre dernier, le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska a souligné la « diminution notable » des arrivées de migrants, en vantant « la coopération policière », lors d’une septième réunion avec son homologue marocain. Il a assuré que Madrid « continuait d’insister auprès des institutions de l’UE sur l’importance cruciale du Maroc comme partenaire stratégique en matière de migrations et autres ».
« Et cela nous semble peu », a assuré le 29 août la vice-présidente du gouvernement espagnol, Carmen Calvo, plaidant que « l’Europe devra continuer à faire un plus grand effort envers le Maroc ».
Si les deux pays se félicitent de leur coopération, les défenseurs des droits humains dénoncent, à l’exemple d’Amnesty International, la politique « d’externalisation des contrôles » des frontières menée par l’Europe, les récents « renvois à chaud » de migrants vers le Maroc et les « déplacements forcés » pratiqués par les autorités marocaines pour éloigner les migrants des côtes.
L’Espagne a ainsi accordé en août au Maroc 32 millions d’euros pour le contrôle de l’immigration clandestine, après l’octroi en juillet de 26 millions d’euros pour « la fourniture de véhicules au ministère de l’Intérieur marocain ».
Les relations entre Bruxelles et Rabat se sont aussi particulièrement réchauffées depuis que le Parlement européen a validé en février un accord de pêche renégocié entre l’UE et le Maroc.
Lire aussi notre reportage : Le Maroc fait la chasse aux migrants
Le 02.11.2019
Source web Par le desk
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