La Chine a mieux géré que les pays occidentaux la crise sanitaire et la crise économique qui lui est associée.

La production chinoise profite des politiques menées aux États-Unis et en Europe pour soutenir le revenu et la dépense des ménages, dont une partie est satisfaite par des exportations chinoises. La Chine n’a pas eu à trop stimuler son économie en 2020, les autres le font à sa place. C’est le contraire de 2008.La Chine siphonne la relance du reste du monde
Dès la fin janvier, la Chine a expérimenté les effets dramatiques du confinement sur l’activité économique. En mars, avec un peu d’avance sur le reste du monde, elle a entamé la phase de rebond. En mai-juin, la reprise chinoise a marqué le pas sans doute parce que la demande extérieure venait justement de s’effondrer. Désormais, la production chinoise profite des politiques menées aux États-Unis et en Europe pour soutenir le revenu et la dépense des ménages, dont une partie est satisfaite par des exportations chinoises. La Chine n’a pas eu à trop stimuler son économie en 2020, les autres le font à sa place. C’est le contraire de 2008.
LA CHINE SORT RENFORCÉE DE LA PANDÉMIE
Le 23 janvier, à la veille des fêtes du Nouvel An chinois, la ville de Wuhan était mise en quarantaine pour stopper la propagation du coronavirus. Dans les jours suivants, les autres grandes métropoles imposaient à leur tour des mesures de confinement. Effet immédiat: l’activité économique s’est effondrée. Le point bas a été touché en février. La croissance du PIB réel est ressortie à -6,8% sur un an au premier trimestre et +3,2% au deuxième, chiffres à comparer avec une tendance pré-crise de 6%. En mars, l’Europe et les États-Unis ont suivi une séquence semblable: confinement, chute de la production, réouverture, vif rebond technique. Si l’on s’en tient à la datation du choc, la Chine a deux mois d’avance sur les autres grandes zones. Comme les dernières statistiques chinoises (pour août) ont montré que la reprise prenait de la vigueur, il est tentant de conclure que la même chose nous attend d’ici peu. Toutefois, il est important de souligner d’autres différences entre la Chine et le reste du monde.
Tout d’abord, il faut noter que l’offre et la demande n’ont pas réagi de manière uniforme au choc. En Chine, la production industrielle a moins baissé que les ventes au détail pendant le confinement, et par la suite, a bien plus vite rebondi. La priorité en Chine a été donnée à la relance de la production, non au soutien des ménages. On observe l’inverse dans les pays occidentaux (graphe de gauche). En août 2020, les ventes au détail chinoises viennent à peine de dépasser leur niveau d’il y a un an (+0,5%). Elles se situent donc toujours 7% sous leur tendance pré-pandémie.
Une autre illustration du même phénomène nous est donnée par l’évolution du surplus commercial chinois (graphe de droite). Dans la crise actuelle, il s’est nettement accru, au contraire de ce qui s’était produit après la crise financière de 2008. À l’époque, les exportations chinoises avaient durablement souffert de la chute de la demande dans le reste du monde. Cette fois-ci, bien que le commerce mondial soit toujours déprimé, les exportations chinoises (exprimées en dollars) ont déjà effacé tout le choc et ressortent en août près de 10% au-dessus de leur niveau un an plus tôt. La Chine montre ici qu’elle a un avantage très net dans la remise en route de son appareil productif et dans sa structure d’exportations. Les biens dont la demande mondiale a été la plus stimulée par la pandémie sont justement fabriqués ou assemblés en grande partie en Chine: masques, équipements médicaux ou produits électroniques. De leur côté, les importations chinoises sont encore en repli de 2% sur un an. Une partie de cette baisse s’explique par un effet-prix sur les matières premières. Les importations chinoises restent solides dans plusieurs domaines, par exemple le secteur des biens d’équipement (relance de l’offre) ou, plus anecdotique au plan macroéconomique, celui du luxe (dépenses compensant la chute du tourisme à l’international).
Comment expliquer ces écarts entre la Chine et les pays développés? Avant tout par l’orientation respective des politiques budgétaires entre ces régions et, en amont, par la réponse à la pandémie elle-même. A l’heure actuelle, d’après les données officielles, le coronavirus ne circule plus en Chine. Le régime a d’ailleurs mis en scène sa victoire sur la pandémie. C’est le résultat d’une politique rigoureuse de test et d’isolement dès qu’un nouveau foyer apparaît (exemple de Pékin au début de l’été). On ne peut pas en dire autant de la plupart des pays développés. Tant que le risque sanitaire reste présent – et le bruit médiatique est assourdissant sur ce sujet – il va de soi que les conditions de production et de consommation ne peuvent être normalisées.
Concernant l’impulsion budgétaire, les différences d’amplitude sont considérables. En Occident, où la priorité a été de protéger le revenu ou l’emploi des consommateurs (via des transferts publics, une hausse des indemnités de chômage ou des systèmes activité réduite), le déficit budgétaire va se creuser d’environ 10 à 15 points de PIB cette année. En Chine, la relance budgétaire n’est pas négligeable, loin s’en faut (4,5% du PIB), mais représenterait deux à trois fois moins qu’en Europe ou aux États-Unis, avec des mesures concentrées sur la hausse des dépenses publiques et des aides aux entreprises plutôt que des aides directes aux ménages. Là encore, on ne peut manquer de noter la différence avec la crise de 2008-2009. À l’époque, les déficits publics s’étaient creusés entre 6 (Europe) et 9 points de PIB (États-Unis) alors que le stimulus budgétaire chinois avoisinait 12 points. La réaction de la Chine s’était aussi manifestée alors par une forte stimulation du crédit bancaire à l’économie, avec des conséquences dommageables à moyen terme (hausse de l’endettement des entreprises, fragilité du système financier) que les autorités chinoises actuelles veulent de toute évidence éviter.
Au-delà de l’économie, l’ambition de la Chine de Xi est surtout géopolitique, ce qui ne peut manquer d’accentuer les frictions avec les États-Unis.
Du côté monétaire, la PBoC a mené des opérations spéciales de refinancement et ajusté les taux de réserves obligatoires afin que les banques ne manquent pas de liquidité, mais s’est abstenue de se lancer dans un assouplissement agressif. Son action apparaît timide en comparaison de la Fed ou de la BCE. Là encore, en référence à la situation postérieure à la crise de 2008, il s’agit sans doute d’éviter certains excès (par exemple, dans le secteur de l’immobilier) qui réclament par la suite des mesures de restriction. La banque centrale chinoise continue de piloter la devise afin de la garder relativement stable face à un panier de devises (le yuan est en hausse face au dollar, en baisse face aux autres devises). La hausse du surplus commercial aurait pu provoquer une appréciation de la devise, mais on constate que dans le même temps la Chine a augmenté ses réserves de change (+100 milliards de dollars environ en six mois).
En somme, il apparaît que la Chine a mieux géré que les pays occidentaux la crise sanitaire et la crise économique qui lui est associée, sans avoir à mobiliser autant de ressources au plan monétaire et budgétaire. A court terme, la Chine ressort relativement renforcée de la pandémie. Dans la Chine de 2009, après la crise financière, la priorité était donnée à la croissance à tout prix, y compris au risque de créer des excès financiers, sources de fragilités ultérieures. Dans la Chine de 2020, la croissance reste une nécessité, il va sans dire, mais cet objectif est balancé par le souci de ne pas accumuler des déséquilibres pouvant compromettre la poursuite du développement à moyen terme.
À partir de 2011, l’économie chinoise s’est engagée dans un processus de rééquilibrage de sa croissance, moins centrée sur l’exportation, davantage sur le marché intérieur. En 2012, pour la première fois, la part du secteur tertiaire (services) dans le PIB a égalé celle du secteur secondaire (industrie, construction) à 45% du total environ. Leurs parts respectives sont aujourd’hui de 54% et 39% (l’agriculture fait le reste). Ce rééquilibrage n’a pas suivi toutefois ce que les Occidentaux espéraient, à savoir la libéralisation du régime politique et le basculement vers une forme moins étatique du capitalisme. Il n’en a rien été. Au contraire, le président Xi n’a pas cessé depuis son accession au pouvoir en 2012, non seulement de renforcer sa fonction (abandon de la collégialité) mais aussi de contrôler plus directement l’économie pour la rendre plus efficace (moins d’autonomie administrative dans les régions).
Au-delà de l’économie, l’ambition de la Chine de Xi est surtout géopolitique, ce qui ne peut manquer d’accentuer les frictions avec les États-Unis. La «guerre tarifaire» initiée par Donald Trump depuis 2018 n’a pas mis la Chine à genoux et n’a d’ailleurs pas bénéficié à l’économie américaine. C’est dans le domaine technologique que la confrontation se poursuit. Sur ce point, il y a aux États-Unis un large soutien de l’opinion publique et de la classe politique, républicains et démocrates confondus, pour la fermeté à l’égard de la Chine. On ne doit pas s’attendre à un apaisement immédiat au cas où l’administration américaine changerait de tête. De manière générale, aux États-Unis et en Europe, l’opinion des gouvernements vis-à-vis de la Chine est certainement moins naïve qu’il y a vingt ans, lors de son accession à l’OMC. La Chine est un compétiteur dans tous les domaines, mais aussi un maillon dont on ne peut pas se passer, soit comme marché d’exportation, soit comme maillon-clé des chaînes de production.
Le 24/09/2020
Source Web Par Allnews
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