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Imbroglio autour du statut de «Capitale culturelle d’Afrique»

Imbroglio autour du statut de «Capitale culturelle d’Afrique»

Marrakech perd sa position pour 2020, Rabat prend le relais

Une décision inattendue et «non justifiée»

Les professionnels se disent atterrés     

Cérémonie de signature, entre Larbi Belcaid le maire de Marrakech et les responsables du CGLU Afrique, de la convention liant la ville et l’institution panafricaine pour la désignation de la ville ocre «Capitale de la culture africaine pour 2020» (Ph. DR)

Coup de tonnerre dans le milieu de la culture!!! La ville de Marrakech, désignée capitale de la culture africaine pour 2020, qui s’apprête à lancer les festivités en grande pompe le 31 janvier, s’est vu damer le pion par la capitale Rabat! L’annonce est tombée comme un cou­peret, laissant sans voix toutes les per­sonnes impliquées dans l’organisation de cet évènement majeur depuis au moins 6 mois.

«C’est une décision brutale, absurde et sans queue ni tête», s’exclame atterré l’artiste visuel et écrivain Mahi Binebine, président d’honneur de l’évènement. Il y a quelques jours, le 15 janvier, Binebine, accompagné par l’agence «Dantsu» cin­quième agence de communication au niveau mondial et partenaire du projet, annonçait le programme de cette première édition devant le gotha de la presse inter­nationale.

Le Times, Le Monde, La Republican , El Pais, La Croix… les plus grands médias du monde s’étaient fait l’écho de cette première africaine. «Pour la pre­mière fois, l’Afrique (et le Maroc) était à l’honneur d’une manière extrêmement positive dans les médias internationaux. Nous avons donné l’image d’un continent responsable, qui se prend en charge et qui donne à découvrir à ses enfants le meilleur de sa culture… Aujourd’hui toute cette image est réduite à néant!» confie l’artiste.

La date du 31 janvier, avait été choisie pour symboliser le retour du Maroc au sein de l’Union africaine et du discours du Roi Mohammed VI prononcé en 2017 à Addis Abeba. Un véritable programme de festivités avait été mis en place, avec une grande cérémonie populaire d’ouver­ture, dans un grandiose spectacle de rue. Le tout en parfaite coordination et avec l’implication effective de la Mairie, la Wilaya, la Région et l’ensemble des au­torités de la ville.

Pourquoi un tel revire­ment de situation? Cela reste un mystère! Aucune explication officielle, sinon un message laconique de Mahi Binebine sur les réseaux sociaux le 22 janvier au soir, qui a fait l’effet d’une bombe: «Marrakech capitale africaine de la culture n’est plus. J’ai le triste regret de vous annoncer qu’il a été décidé (pour des raisons incompré­hensibles) et après plusieurs mois de préparation intense, que la ville ocre se désis­tait au profit de Rabat. Mon mandat de président d’honneur de cette grande fête se termine donc ce soir».

Selon plusieurs sources le maire de la ville de Marrakech a envoyé une lettre de désistement au pro­fit de la ville de Rabat au CGLU Afrique (Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique), qui aura été suivie d’une lettre de son homologue de la capitale, accep­tant de prendre le relais.

«Or la décision de nommer la ville de Marrakech «Capitale africaine de la culture» a été voté par quelque 3.000 maires du continent, que faire de cette décision?» Que faire égale­ment avec toutes les personnes (artistes, médias internationaux…) engagées à travers le monde qui ont déjà pris leurs billets d’avion, réservé leurs chambres à Marrakech? Que faire également avec les artistes marrakchis, atterrés par la nouvelle, qui attendaient de pied ferme cette manifestation prestigieuse dans leur ville.

Aujourd’hui, plusieurs regards se tournent vers Mehdi Qotbi. Certains sont vite allés en besogne en insinuant que le président de la Fondation nationale des musées, était à l’origine d’une véritable OPA sur la manifestation. Ce que dément formellement l’intéressé.

«J’ai appris la nouvelle comme tout le monde. Je tiens à signaler que je ne suis ni de près ni de loin mêlé à cette affaire. Nous sommes d’ailleurs très occupés avec l’ouverture du nouveau musée de la photographie et avec le reste des chantiers déjà entamés. Je tiens éga­lement à préciser que nous travaillons à la Fondation, pour l’ensemble du Maroc et non pour une ville ou une autre», précise le président.

Quoi qu’il en soit, il est techniquement impossible à la ville de Rabat d’assurer l’ouverture officielle de l’évènement dans les délais (31 janvier) au cas où le CGLU Afrique valide cette décision, ce qui n’est pas encore acquis. Ce qui fait dire à Mahi Binebine: «nous avons le génie de créer des crises complètement inutiles et largement évitables». Le désormais ex-président assure tout de même que certains évènements seront maintenus, malgré le désistement de la mairie.

Historique d’un projet mort-né

Désignée en 2018 à l’occasion du sommet Africités «Capitale africaine de la culture», la ville ocre devait inau­gurer une grande première sur le conti­nent. Le 22 novembre 2018, lors du 8e sommet Africite?s, le secre?taire ge?ne?ral de CGLU Afrique, Jean Pierre Elong Mbassi, le pre?sident du comité? d’orga­nisation des Capitales africaines de la culture, Adama Traore?et le président de la commune de Marrakech, Mohamed Larbi Belcaid, officialisent la naissance des capitales africaines de la culture et déclarent Marrakech première capitale africaine de la culture. Plus tard, le 22 février 2019: Les capitales africaines de la culture et la commune de Marrakech signent la convention Marrakech 2020 capitale africaine de la culture.

Pour le pilotage du programme, CGLU Afrique a mis en place un comité directeur dont le secrétaire général de CGLU Afrique est le président honoraire. Le comité directeur a désigné Khalid Tamer, chorégraphe et fondateur du festival Alwan’art des arts de la rue. Younes Ajjaraï, ex responsable du pôle culturel au CCME, sera nommé directeur artistique et Mahi Binebine à la présidence d’honneur.

«J’ai mouillé ma chemise, j’ai consacré six mois de ma vie à activer mes réseaux dans le monde et toutes les ressources nécessaires pour ce projet, qui finalement n’aura pas lieu. Je vais de ce pas me reposer à Essaouira et oublier cette histoire» confie l’artiste avec son humour légendaire qui ne cache pas une certaine amertume.

Le 25/01/2020

Source web Par L’économiste

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