Ahmed Arahmouch: Observations autour de la circulaire d’El Otmani sur l’Amazigh
70 jours se sont écoulés depuis la publication au Bulletin officiel (BO) de la Loi organique 26.16 fixant les étapes de la mise en œuvre du caractère officiel de la langue Amazighe et les modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les différents secteurs prioritaires de la vie, et 110 jours nous séparent de la fin des délais prescrits par le texte de loi.
C’est la date choisie par le Chef du gouvernement pour enfin publier une circulaire adressée uniquement à ses ministres et à leurs délégués afin de lui communiquer leurs plans d’action pour activer le caractère officiel de Tamazight, en application des exigences de l’Article 32 de la loi. Quelles sont observations, mais aussi les attentes de tissu associatif Amazigh qui appelle depuis plusieurs années à appliquer en bonne et due forme les dispositions de la Loi suprême du pays ?
Contacté par Hespress FR, l’avocat au barreau de Rabat et président du Réseau Amazigh pour la citoyenneté (plus connu sous le nom d’Azetta), Ahmed Arehmouch, met en évidence un ensemble de constats par rapport à la circulaire (n: 19/2019) que Saâdeddine El Otmani a adressé aux membres de son gouvernement. Il espère de prime abord que l’Exécutif « tienne compte » d’un ensemble de constats préalables.
Car avant de procéder à la publication de la circulaire 19/2019, une Commission devrait être créée pour faire le suivi de l’avancement de l’application de la Loi organique 26.16, conformément aux exigences de son Article 34. C’est une « priorité », signale Ahmed Arahmouch, « et tant qu’il ne le fait pas, je ne pense pas que sa circulaire ait un impact immédiat sur les autorités auxquelles il s’adresse«.
Le même document est jugé « restreint » par l’avocat de profession, dans la mesure où le Chef du gouvernement a omis ou négligé de le transmettre aux institutions de gouvernance, en plus des deux autorités (le justice et les forces de l’ordre) concernées par les exigences de l’Article 30 de la même loi.
Enterrer les anciennes « méthodes de travail »
De même que les secteurs concernés, lorsqu’ils initieront les directives définies par le Chef du gouvernement, se doivent de respecter la méthode de la démocratie participative, « afin d’éviter le retour des arbitrages politiques unilatéraux adoptés dans le passé par le gouvernement Benkirane dans l’élaboration de la loi question, en juin 2016«.
Le militant du Mouvement culturel Amazigh fait également savoir que les secteurs concernés doivent être conscients qu’ils sont en train d’élaborer un plan pour une loi organique et non pour une loi ordinaire. « Il est nécessaire de travailler sur le traitement du plan pour être complet, non conditionné par le contexte politique ou idéologique, avec des indicateurs productifs, et sans faire l’objet d’accords qui violent l’équité, l’efficacité de la loi et ses résultats escomptés », dit-il.
Ahmed Arahmouch estime en conséquence que « tout plan qui n’a pas l’intention de réaliser la justice linguistique et l’incorporation réelle et réaliste de la langue, de la culture et de la civilisation Amazighes n’aura aucun effet dans la réalité« . Il préconise donc une « approche des droits de l’Homme et du développement » dans la préparation des plans par les départements ministériels concernés.
Justice linguistique
L’auteur des « Valeurs de justice dans les droits positifs Amazigh » aborde ensuite la question du Pouvoir judiciaire marocain qui, en plus du Ministère de l’Intérieur, de la Justice, de la Communication et de l’Education nationale « ont la part du lion » par rapport aux plans nécessaires à l’activation complète des disposition de la loi. Pour cette raison, il voit que le ministère de la Justice est tenu, d’une part, « de programmer toutes les lois devant être révisées et valables depuis juillet 2011 à ce jour afin de se conformer aux exigences de la loi organique sur Tamazight«, en plus de « préparer un projet pour intégrer la langue Amazighe dans le système judiciaire avec tous ses services ».
Il en va de même pour l’Intérieur, avec son autorité de tutelle sur les Collectivités et les Administrations territoriales. En donnant son avis sur cette question, Arahmouch considère « nécessaire » la mise à disposition des moyens d’étendre l’utilisation de la langue, de la culture et de la civilisation Amazighes dans les diverses structures centrales, locales et régionales du ministère. Idem pour ce qui est de fournir les outils et moyens logistiques en langue Amazigh, au service des communes des Administrations territoriales. C’est sans oublier le rôle de l’Intérieur, en exhortant les Collectivités territoriales à respecter le patrimoine culturel local dans tout ce qui peut être décidé par rapport à la personnalité juridique des citoyens et des espaces publics au niveau local.
Rectifier le tir dans les écoles et les Médias
S’agissant des médias, ll ne fait aucun doute, selon le président d’Azetta, que Tamazight souffre à son tour, dans le pôle public, de l’exclusion et de la marginalisation. « Le gouvernement et les responsables du secteur doivent mettre fin au retard dans l’élargissement de la couverture horaire de la télévision et de la radiodiffusion et faire le nécessaire pour étendre le réseau de la 8e chaîne et de la radio Amazighe de la SNRT au niveau central et régional« , explique le militant associatif.
Quant à l’Éducation nationale, Aziz Arahmouch assure que son département gouvernemental a « établi un record ces dernières années dans le retardement de l’enseignement de l’Amazigh et de ses enseignants« . Il propose en ce sens « un plan mesurable, de rupture avec le système d’El Hogra (mépris, NDLR), en généralisant l’amazigh dans l’enseignement public en un an au lieu de cinq ans, s’il y a une volonté politique«.
Le 13 décembre 2019
Source web Par hespress
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