LES CAHIERS CDS DU TOURISME (VI):Développement touristique : 2 poids, 2 mesures
Comment faire coïncider les 12 régions et les 8 territoires touristiques ? C’est un peu compliqué.
L’expérience client, le positionnement sont les plus importants. Quel positionnement choisit-on pour nos destinations touristiques ? Quelle offre proposée selon telle ou telle région ? L’offre de Fès n’est pas celle d’Essaouira, qui n’est pas celle d’Ouarzazate…
Cette expérience va déterminer quels sont les marchés que nous allons attaquer pour amener les bons clients aux bons endroits et leur offrir leur meilleur séjour qui va leur permettre de revenir.
Certaines régions entendent développer, chacune dans son petit coin son Tourisme, sans concertation avec l’Institution Centrale. Mais avec quel marketing de territoire spécifique ?
Comment commercialiser les destinations, une fois identifiées par produit et dotées d’une marque ? L’expérience de destinations concurrentes peut-elle être calquée sur le Maroc ? Les Autant d’interrogations auxquelles se propose de répondre Fouad Chraibi, l’un des grands observateurs et consultants en développement touristique.
« Aujourd’hui, il y a vingt ans qu’on a commencé à réfléchir avec Si Mohamed Benamour à la vision 2020, exactement vingt ans, travail que l’on a remis en chantier fin 1998 avec l’arrivée du Gouvernement de Si Youssoufi. C’était quoi une vision, à l’époque ? Il fallait une vision, il fallait une volonté qui a été portée au plus haut niveau par Sa Majesté qui a réitéré sa volonté d’en faire un secteur prioritaire pour le développement du pays.
La vision c’était de montrer que c’était un secteur transversal. Preuve en est, c’est l’implication des différents départements ministériels : dix ou onze Ministres ont signé cette vision.
Tout le monde était impliqué et à partir de là, nous avons assisté à une mobilisation générale du public, du privé, une dynamique qui a démarré, avec plus ou moins le succès, selon les chapitres de la vision… Nous avons assisté à une augmentation des capacités à partir de 2003/2004. Vint le reflux : les nuitées ont stagné ensuite et on s’est retrouvé à faire une vision 2020 sans avoir vraiment tiré de leçon de la vision 2010. Le bilan de 2010 n’a pas vraiment été fait avant de faire la vision 2020. C’était sans doute l’occasion de poser la question de fond : en quoi consiste une stratégie ? Une stratégie de développement d’un secteur sert d’abord à créer de l’emploi : pour moi il y a 3 fondamentaux, créer de l’emploi ; augmenter les investissements locaux ou internationaux pour amener les devises, et augmenter la part du secteur dans le PIB.
La part des recettes et devises, a plutôt baissé dans le global puisque les exportations ont beaucoup augmenté et le Tourisme n’a pas augmenté. Qu’est-ce que cela implique? Cela implique de la part du Gouvernement une bonne allocation des ressources foncières.
Cela a-t-il été le cas quand on sait qu’il y a eu un problème des territoires, problème sur lequel on a un peu buté avec la création des territoires dans la vision 2020. La cartographie des régions qui a suivi ne correspondait pas.
Le retour des touristes, qui apprécient telle ou telle destination, est très important.
Enfin, respecter l’environnement, mettre en place pour l’investissement un bon environnement des affaires, ce qui a été fait mais il y a encore énormément à faire avec la
Charte de l’Investissement. Pour mener à bien cette stratégie, il faut que chacun assume son rôle. Or il y a énormément de confusions de rôles à jouer en défaveur de la vision. Le secteur public doit faire ce qu’il a à faire : les infrastructures, la mise en place des standards de la durabilité, des différents classements, encourager la formation et mener à bien l’immense chantier des ressources humaines que nous avons, (selon moi), raté jusqu’à maintenant, améliorer les domaines de la sécurité et de la santé (éléments déterminants), organiser et financer la promotion et le marketing (ça c’est le rôle de l’État d’abord). Le privé doit faire de son côté l’investissement, les hôtels, les animations, organiser les voyages pour faire venir les touristes et faire sa part de la commercialisation.
Pour faire la promotion, on ne peut pas compter que sur l’État, l’Office du Tourisme ou le Ministère le privé peut aussi s’investir dans la commercialisation. Si chacun fait ce qu’il a à faire, on peut espérer arriver au succès. Et l’un des facteurs déterminant du succès ce sont les ressources humaines. Ce chantier a été délaissé comme celui de la gouvernance, qui n’a absolument pas fonctionné ni dans la première vision, ni dans la deuxième vision.
Autre déficit, celui de la commercialisation qui a pris du retard dans l’échéancier de la vision : retard également dans la digitalisation.
Tous ces éléments expliquent en partie l’absence de rentabilité des investissements.
Aujourd’hui, la majorité des opérations investies depuis la vision 2010, ne sont pas rentables. On ne peut pas être rentable quand on a un taux d’occupation moyen nationale de 42% et que même à Marrakech ce taux est à 50% ou à Casablanca à 52%. Le manque de rentabilité a des conséquences sur l’attractivité des investissements. Si les indicateurs économiques globaux ne sont pas positifs, s’il n’y a pas de rentabilité, les investisseurs ne seront pas au rendez-vous. La première chose que regarde un investisseur, quand il vient c’est la rentabilité. L’observatoire fournit des données sur les taux d’occupation et les capacités, mais nous n’avons pas de données sur les recettes moyennes, on n’a pas de GOP, on n’a pas les indicateurs qu’il faut. Là encore, il faudra combler le déficit en statistiques et en données chiffrées.
Très rapidement, aujourd’hui, nous avons un réel problème de Gouvernance et de coordination.
Je ne veux pas revenir sur l’exemple de la Turquie que nous citons souvent et qui est un bon exemple de développement. Mais juste rappeler qu’il y a 25 ans, nous étions à peu près au même niveau. Aujourd’hui malgré tout le contexte régional, et le problème de saisonnalité, ils font des chiffres incroyables alors que nous avons moins de saisonnalité. En effet le M.I.C « Meeting Incentive Congrès » n’a pas été bien développé car c’est le rôle de l’État d’investir dans les infrastructures au Congrès, ce n’est pas au privé d’investir dans les Palais des Congrès, dans les halls d’expositions etc… C’est le rôle de l’État et ça n’a pas été fait jusqu’à maintenant. Il faut attirer plus de marques internationales. Aujourd’hui nous n’avons aucune marque marocaine qui se trouve à l’international et nous avons très peu de marques Internationales qui sont au Maroc, espagnoles certainement mais en tout il y en a moins de 50 alors que normalement on devrait en avoir beaucoup plus. Ce travail a commencé depuis une vingtaine d’années dans les années 60. Les résultats ne sont pas au rendez-vous, il faut donc redévelopper les marques Internationales, éléments fondamentaux de l’attractivité du secteur ».
Publié le 29/05/2019
Source web Par Premiumtravelnews
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