BTP: la fédération en croisade contre les prix cassés
La fédération a envoyé une lettre circulaire à ses membres pour les sensibiliser sur la question des prix cassés, "cause immédiate d’importants dégâts dans le secteur".
Le secteur du BTP est en crise. Et ce n’est un secret pour personne. La morosité du secteur de l’immobilier ainsi que les difficultés d’accès aux marchés publics dont le volume stagne affectent fortement les opérateurs du secteur.
Mais ce n’est pas tant la conjoncture actuelle qui fait sortir la Fédération Nationale du Bâtiment et des Travaux Publics (FNBTP) de son silence.
Dans une lettre circulaire adressée à ses membres, la FNBTP explique que "les remontées de terrain sur la situation des entreprises montrent une montée des dégâts qui affectent notre tissu d’entreprises BTP. Faillites avec ou sans dépôt de bilan ; liquidations et redressements judiciaires ; poursuites pouvant aller jusqu’au pénal".
Le tableau que dresse le bureau de la fédération du BTP est fort inquiétant.
La cause de cette situation ? "La principale cause immédiate est cette spirale de la casse des prix qui prend des proportions inquiétantes pour la résilience et la survie de plusieurs entreprises de diverses tailles", écrit la FNBTP dans son courrier signé par le président de la fédération, El Mouloudi Benhamane.
Ce dernier tire la sonnette d’alarme sur cette situation qui « devient pandémique ».
La casse des prix une pratique qui se généralise ?
Ce phénomène n’est pas nouveau dans le secteur. A plusieurs reprises, la fédération a alerté sur cette pratique qui nuit à l’activité. Certains opérateurs n’hésitent pas à brader les prix quitte à travailler au prix coûtant pour remporter des marchés surtout publics où la règle est de retenir le moins-disant.
La décote pouvait atteindre les 20 à 25%, or la différence de prix « acceptable » d’un soumissionnaire à l’autre devrait être aux alentours de 5%.
La loi régule les offres anormalement basses. La notion des prix anormalement bas ou excessifs est régulée au niveau de l’article 41 du décret n° 2-12-349 relatif aux marchés publics.
Cet article dispose : "l'offre la plus avantageuse est considérée excessive lorsqu'elle est supérieure de plus de : - vingt pour cent (20%) par rapport à l'estimation du coût des prestations établie par le maître d'ouvrage pour les marchés de travaux, de fournitures et de services autres que ceux qui portent sur les études. Lorsqu'une offre est jugée excessive, elle est écartée par la commission d'appel d'offres.
"L'offre la plus avantageuse est considérée anormalement basse lorsqu'elle est inférieure de plus : - de vingt-cinq pourcent (25%) par rapport à l'estimation du coût des prestations établie par le maître d'ouvrage pour les marchés de travaux ; - de trente-cinq pourcent (35%) par rapport à l'estimation du coût des prestations établie par le maître d'ouvrage pour les marchés de fournitures et de services autres que ceux qui portent sur les études."
"Lorsqu'une offre est jugée anormalement basse, la commission d'appel d'offres demande par écrit au concurrent concerné les précisions qu'elle juge opportunes. Après avoir vérifié les justifications fournies, la commission est fondée à accepter ou à rejeter ladite offre en motivant sa décision dans le procès-verbal."
"Lorsque dans le cas d'un marché à prix unitaires, un ou plusieurs prix unitaire (s) parmi les prix figurant dans le bordereau des prix et/ou le détail estimatif de l'offre la plus avantageuse est anormalement bas ou excessif sur la base des critères fixés aux paragraphes 1 et 2 du présent article, la commission d'appel d'offres invite par écrit le concurrent concerné à justifier ce ou ces prix."
"Avant de décider du rejet ou de l'acceptation de l'offre anormalement basse ou comportant un ou des prix unitaire (s) excessif (s) ou anormalement bas, la commission peut désigner une sous-commission pour examiner les justifications fournies. Au vu du rapport établi sous la responsabilité de la sous-commission, la commission est fondée à retenir ou à écarter ladite offre."
Les exemples ne manquent pas
Il suffit de lancer une requête sur les moteurs de recherches « prix anormalement bas marché public Maroc » pour avoir des exemples.
Exemple concret. Sur l’extrait de PV d’un marché datant de 2015 pour les travaux de construction d'une bibliothèque, huit entreprises ont soumissionné.
L’une d’entre elles a été évincée à l'issue de l'examen des dossiers administratifs et techniques. Les sept autres restées dans la course ont toutes présenté leurs offres financières.
Les montants des actes d'engagement ont varié entre 1.613.862,00 DH et 1.057.195,20 DH. Une différence de plus de 550.000 DH pour la même prestation entre le moins-disant et l’offre la plus chère. Soit une décote de 34,4%.
Sur la base de la règle du moins-disant, l’entreprise qui a présenté la proposition à 1.057.195,20 DH, devait remporter le marché.
Mais la commission d’appel d’offres a considéré que cette proposition contenait des détails estimatifs (des prix unitaires) anormalement bas et d’autres prix excessifs, tout en invitant la société en question à justifier ses prix.
Le président de la commission a désigné une sous-commission technique pour l’étude et analyse des pièces ainsi que la réponse fournie par la société en question. Après débat, l’offre de cette entreprise a été rejetée. La commission est passée à l’offre suivante classée en 2ème position.
La FNBTP en appelle à la responsabilité des acteurs
Sachant que le cadre réglementaire est balisé dans ce sens, mais que son application reste à la discrétion des commissions d’ouverture des plis, la fédération n’a d’autres choix que d’en appeler à la responsabilité des entreprises.
Dans le courrier évoqué plus haut, le président de la FNBTP sensibilise "toutes les dirigeantes et les dirigeants de nos entreprises à revoir leurs politiques de prix et à soumissionner avec des prix raisonnables qui couvrent leurs charges et permettent de dégager des bénéfices nécessaires pour assurer la survie des entreprises avant qu’il ne soit trop tard".
Le 04 mars 2019
Source web : medias24
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