Zone franche de Souss-Massa: les entrepreneurs craignent un faux départ
Le Conseil du gouvernement, tenu ce jeudi 22 novembre, a adopté le projet de décret portant création de la zone franche industrielle de Souss-Massa, qui s'inscrit dans le cadre de la déclinaison régionale du Plan d’accélération industrielle. Si les apports de cette nouvelle zone franche sont indéniables, des entrepreneurs de la région craignent un faux départ, principalement en raison des lourdeurs administratives, du manque de concertation et des contraintes logistiques.
C’est en janvier 2018 que huit conventions et protocoles ont été signés devant le Roi Mohammed VI, relatifs à la création d’une zone franche (ZF) industrielle à Souss-Massa, 1er jalon de la déclinaison régionale du Plan d’accélération industrielle.
Pour rappel, les activités de cette ZF s’articulent essentiellement autour de l’agro-industrie, le secteur naval, l’industrie chimique, la sous-traitance automobile, l’offshoring, le cuir, les matériaux de construction et la plasturgie. Avec au total la création de 24.000 postes d’emploi.
D’une superficie globale de 305 ha, la ZF de Souss-Massa accueillera dès 2019 ses premières entreprises au sein d’une tranche aménagée de 50 ha, tel qu’annoncé ce 22 novembre par Mustapha El Khalfi à l’issue du Conseil du gouvernement. Une 2ème tranche de 70 ha sera opérationnelle entre 2022 et 2025, tandis que les surfaces restantes seront aménagées à l’horizon 2030.
L’objectif en termes de chiffre d’affaires à l’export est compris entre 10 et 12 MMDH. «C’est réalisable mais pas pour demain, nous atteindrons cet objectif probablement sous une décennie», estime Majid Joundy, président de la CGEM Souss-Massa, qui espère voir la région contribuer à hauteur de 15% au PIB national à l’horizon 2030 contre 9% actuellement.
Les premières concrétisations industrielles ont trait, sans surprise, à la sous-traitance automobile. Avec des usines de fabrication de vitres automobiles ainsi que de coiffes pour sièges de voitures. Un autre projet, en cours de négociation, porte sur l’implantation d’un opérateur asiatique de câblage automobile.
L’agro-industrie est également dans le collimateur des investisseurs notamment asiatiques. Avec «un intérêt particulièrement prononcé pour l’industrie alimentaire», témoigne Majid Joundy.
«Agadir n’est pas Casablanca»
Tout en se félicitant de la dynamique impulsée à Souss-Massa, le président de l’antenne régionale de la CGEM regrette toutefois que les professionnels n’aient pas été suffisamment associés à la conception et au déploiement de cette zone franche industrielle. Il s’interroge également sur le choix des filières de production.
«Agadir n’est pas Casablanca. Si nous justifions d’une expertise certaine en agro-industrie, il en va autrement pour d’autres secteurs comme le textile. Afin d’en pérenniser l’existence, les investissements dans ce secteur devraient plutôt se concentrer sur le milieu et le bout de chaîne, car nous ne maîtrisons pas l’ensemble du process industriel».
Majid Joundy se fait également l’écho d’interrogations soulevées par des entrepreneurs de sa région. Notamment sur la disponibilité du foncier et les modalités de son subventionnement à hauteur de 250 DH/m², «plafonné à 1 hectare et débloqué seulement une fois que le projet est opérationnel», souligne Joundy.
Des interrogations similaires portent sur le montage financier des projets, qui innove notamment par son mécanisme faisant appel à un fonds régional d’investissement, comme résumé dans le tableau suivant:
Le président de la CGEM Souss-Massa, ainsi que les entrepreneurs de la région, souhaitent disposer de clarifications quant au financement des projets de la zone franche: les prêts seront-ils sujets à des taux bonifiés, et pour quels niveaux de garantie ? Les durées de remboursement seront-elles intéressantes ? Quel rôle jouera la Caisse centrale de garantie dans ce mécanisme ?... Autant de questions qui gagneraient à être explicitées auprès des entrepreneurs de Souss-Massa, afin de susciter un véritable effet d’entraînement auprès des investisseurs de la région.
Carences administratives et logistiques
A ce déficit de communication s’ajoute une réelle appréhension quant aux lourdeurs administratives, au manque de coordination entre les différentes administrations,… «Les entrepreneurs de la région demandent essentiellement deux choses. D’abord la sécurisation des investissements notamment au niveau règlementaire, afin de ne plus être à la merci des interprétations et des décisions administratives. La 2ème doléance a trait à la décentralisation. Il est aberrant de dépendre quasi-systématiquement du pouvoir central alors que les administrations régionales pourraient très bien faire le travail».
Certains de ces points trouveront probablement une solution dans le cadre de la nouvelle charte de l’investissement, qui devrait être adoptée d’ici la fin de l’année selon le ministère de l’Industrie. Mais les entrepreneurs de Souss-Massa craignent toutefois que l’apport de la zone franche soit minimisé par la qualité des infrastructures de la région.
«Le succès de la ZF dépend de la fluidité des flux import-export, qui repose essentiellement sur la logistique et les infrastructures au sens large. Sauf que le port d’Agadir est en train de péricliter d’année en année», fustige Majid Joundy qui estime «qu’il est bon d’améliorer son classement général au Doing Business, sauf que la réalité du terrain apporte bien des surprises, presque toujours en raison du facteur humain»…
Contacté par Médias24, le ministère du Commerce et de l'Industrie n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Le 21 novembre 2018
Source web Par Médias 24
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