Règle n°1 : ne rien céder aux Marocains

La réaction des patrons à la tête des marques visées par le boycott ne laisse aucun doute sur la coupure radicale qui sépare désormais le Marocain moyen et l’élite des affaires. Les Français de Centrale Danone, mus sans doute par une rationalité toute occidentale, ont tenté de donner le change, de signifier une compréhension, de prendre langue avec leur consommateur. Or, lorsqu’on contrôle 65% du marché, on peut faire davantage qu’une remise circonstancielle d’1 misérable dirham, limitée dans le temps et conditionnée à l’achat de deux cartons de lait. Bref, dire que la réaction n’aura pas été à la mesure de l’attente est un euphémisme.
Quant aux deux autres marques, le mutisme pour l’une, le procès en fiscalité excessive fait aux autorités pour l’autre, démontrent le désir indécrottable de ne pas fléchir, de tenir mordicus. Nous assistons donc à la résistance inexpliquée, incohérente, de marques jouissant de positions dominantes, mais prêtes à bousiller leur business histoire d’éviter de perdre la face devant le peuple.
Ce dialogue jamais ouvert avec les classes moyennes et populaires met à nu le degré saisissant de mépris auxquels les thuriféraires du grand capital, les rentiers, les grands de ce pays tiennent les gagne-petit, les anonymes, les sans-dents. Il n’est et ne sera jamais question de partager les richesses. Les nantis se sentent investis d’un droit légitime de thésaurisation, d’enrichissement suprême, presque sacré, dérivé de leur extraction sociale, de leur culture, de leur supériorité assumée et bien comprise. D’ailleurs, à observer les taux de distribution de dividende des entreprises cotées, on est stupéfaits de noter que plus de 90% des bénéfices vont aux actionnaires, au mépris des revalorisations de salaires ou autres investissements. Entre 2003 et 2017, le PIB du Maroc a doublé. En parallèle, le salaire moyen n’a augmenté que de 10% et le SMIG est mis sous scellé par la CGEM. Où vont les richesses ? La réponse crève les yeux.
Ployant sous les coups de boutoir des spéculateurs fonciers et financiers, étranglée par l’hyper-endettement, l’impôt, la facture électrique, le privé scolaire et médical, les forfaits data, les traites et les loyers, la classe moyenne a rendu gorge. Elle est contrainte à présent d’arbitrer sur la base d’1 dirham pour acheter son eau minérale, son lait et son diesel. Le détournement massif de la valeur ajoutée a réduit les « Moyens » à glaner les restes des rentiers protégés par l’Etat, à grappiller quelques centimes ici et là dans l’espoir de finir un mois qui s’étale à l’infini.
Dans le même temps, alors que le Marocain (sur)vit avec un salaire de Marocain dans un pays où les prix renvoient au standard de vie suisse, les barons du carburant, rendus voraces par la levée aussi écervelée que coupable des subventions (faute grave dont quelqu’un devra rendra compte (ou pas)) se sont tus sur un enrichissement immoral, permis par la cécité criminelle du gouvernement et l’effet d’aubaine que l’élite économique guette sans relâche.
Qu’on se le dise, les marques ciblées par le rejet populaire ne bougeront pas, elles ne donneront rien, ne céderont sur rien. Ainsi vont les nantis dans ce pays : plutôt crever, plutôt disparaître que se plier à la volonté des va-nu-pieds. C’est une question de dignité, d’amour propre, d’appréciation de soi. C’est l’héritage mental d’un féodalisme perpétué par un système de privilèges légaux, par une discrimination tolérée, voulue. Si la haine du riche est immense, la haine du pauvre l’est tout autant. Le grand patron ne plaisante pas avec sa supériorité de sang et de neurones. Celle-ci se doit d’être préservée. Et ces gavroches braillards n’y feront rien.
Cela fait soixante ans que les milieux d’affaires triomphent du pauvre, qu’ils fixent leurs prix, qu’ils obtiennent des concessions séculaires. La parole retrouvée du consommateur jadis muet sur Facebook n’est, pour eux, qu’une simple passade. Demain sera un autre jour. Ils feront le dos rond en attendant que les boycotteurs du dimanche dont la mémoire est si courte émergent de leur étourdissement. Et quand bien même poursuivraient-ils leur folie que L’Etat, convulsant pour son « Doing business » tel de Funès répétant : « Les poumons, les poumons », trouvera bien le moyen de les amener à consommer derechef ces mêmes produits. De gré ou de force. Le gouvernement est du côté des puissants, c’est avec lui qu’ils négocient, c’est leur allié le plus fidèle. Ils sont confiants et ne lâcheront rien, jamais, advienne que pourra…
L’heure est pourtant à la redistribution, à l’équité, au partage
L’entreprise qui se gargarise de citoyenneté, de responsabilité sociale a tombé les masques. Sa solidarité claironnée à coups de plans com’ n’était qu’un leurre : le travestissement d’une réalité que voici, dans sa crudité, dans son extrême laideur:
Le 01 Juin 2018
Source Web : Ecologie
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