A la découverte d’un tourisme en friche : Les atouts mal exploités de l’offre cyclotouristique dans le Haut Atlas
Un milieu touristique incomparable alliant à la fois plaisirs et sports toniques
Trait d’union entre l’Anti Atlas et le Moyen Atlas, le Haut Atlas est un massif montagneux d’une altitude pouvant dépasser les 4000m. Sa grande diversité de paysages, son climat relativement humide et sa forte nature sauvage, en font un milieu touristique incomparable alliant à la fois plaisirs et sports toniques. L’homme l’a domestiqué pour en faire un terrain de jeu incomparable. Et l’activité cyclo-touristique, communément connue sous le nom de Rando VTT, est l’un de ces nombreux instruments de conquête.
La volonté de faire découvrir à nos lecteurs cet usage montagnard méconnu, nous a poussés à réaliser une analyse de l’offre cyclotouristique dans le Haut Atlas, à travers une exploration de la chaîne de prestations.
En partant du principe que toutes les offres de randonnée VTT sur le territoire du Haut Atlas sont déclinées par des agences touristiques privées, nous avons pris contact avec Mohamed Imharkan, un guide de montagne diplômé. Il est à la tête de l’agence touristique Terre d’âme Trekking et VTT. Son expérience nous a été précieuse pour saisir les subtilités des prestations, d’autant plus qu’il est propriétaire du gîte Tawada, dans la vallée d’Aït Bouguemez, un haut lieu de l’activité cyclotouristique en altitude.
Transport et accès
Bien que l’aéroport et l’autoroute les plus proches soient à moins de 100 km (Marrakech, Béni Mellal, Ouarzazat) du Haut Atlas, les cyclotouristes, désirant accéder à ce massif montagneux n’ont d’autre choix que les routes nationales ou régionales. Dans le cas des transports publics, on peut y accéder en empruntant un autocar ou par taxi. Cependant, l’option la plus prisée est le transport privé.
Le client a la possibilité de louer un 4x4 et traverser les routes de montagnes. Mais le plus souvent, il est pris en charge par l’agence touristique dès son arrivée à Marrakech. Comme nous le confirme Mohamed Imharkan: « En effet, les offres comprennent généralement un transfert de l’aéroport de Marrakech en minibus vers le lieu d’hébergement. Idem pour le trajet retour».
Hébergement et restauration
Entre les auberges, maisons d’hôtes ou autres gîtes, l’Observatoire national du tourisme recense 63 structures d’hébergement dans le Haut Atlas. 19 dans le Toubkal, 29 sur le versant nord du Haut-Atlas central et 15 sur le versant sud. Pour avoir une idée du nombre de nuitées enregistrées, nous allons nous fier au témoignage d’Imharkan Mohamed, car les statistiques officielles sont tout bonnement inexistantes. Le gîte Tawada dont il est propriétaire, au centre de la vallée d’Aït Bouguemez, a enregistré, l’année précédente (2016), entre 20 et 30 nuitées.
Néanmoins, ces chiffres sont quelque peu altérés par la nature itinérante de l’activité cyclotouristique. En effet, lors d’une Rando VTT, le peloton de vététistes a l’occasion de passer la nuit dans plusieurs structures d’hébergement. « Il nous arrive de dormir dans des gîtes d’étapes ou autres maisons d’hôtes, mais le type d’hébergement privilégié reste les bivouacs», affirme Imharkan.
Pour les repas, impossible de mettre la main sur un quelconque recensement des différentes sources de restauration dans le Haut Atlas. A base de plats traditionnels, cet aspect est assuré par les structures d’hébergement. M. Imharkan ajoute une précision supplémentaire: « Dans le véhicule d’assistance qui suit le peloton de vététistes, en plus d’un cuisinier, il y a tout l’attirail nécessaire pour préparer les repas ».
Les itinéraires de randonnée VTT
Suite à une analyse non-exhaustive des itinéraires proposés par les agences touristiques, nous avons retenu trois principaux itinéraires de Raid VTT. Les traversées respectives du Haut Atlas, du Haut Atlas Sud-Nord (hautes vallées du Haut Atlas) et du Haut Atlas central.
Au départ de Marrakech, ces itinéraires permettent de sillonner les sentiers du Haut Atlas, en long et en large. On constate aussi qu’il se dégage une tendance à privilégier certaines destinations. La vallée d’Aït Bouguemez, le Toubkal, le M’Goun, Zaouiat Ahensal, la vallée des Roses et la vallée de Dadès.
Mohamed Imharkan nous éclaire sur le fait que ces itinéraires ont été créés par les guides de montagne : « Dans le Haut Atlas, j’ai l’habitude d’emprunter trois circuits. Il m’arrive aussi de créer des itinéraires ».
Alors, quels sont les critères nécessaires pour la création d’un itinéraire? «Premièrement, il faut emprunter à 90 % les sentiers, afin de s’éloigner de la civilisation et s’enfoncer dans les massifs montagneux. Deuxièmement, il est préférable de ne pas dépasser les 70 km par jour. Il ne faut pas également programmer plus de deux cols de 2500m d’altitude par étape. S’il y en a par exemple quatre, ça peut rapidement devenir infernal pour un certain type de clients. Pour les sportifs, c’est no-limit, sans oublier de prendre en considération les lieux de campement et de bivouac».
Une dernière option s’offre aux cyclotouristes: les itinéraires à la carte, mais sous certaines conditions « Il y a des clients qui nous proposent des circuits selon leurs envies. Je les analyse et le plus souvent je les modifie. Dernièrement, un groupe de Bataves m’a proposé un itinéraire qu’ils avaient tracé sur Google Maps. Après analyse, il s’est avéré que les étapes étaient plus longues sur le terrain. Je leur ai expliqué que leur demande tenait du surhumain. La réalité n’a rien à voir avec une carte », nous explique notre source. En outre, il existe un autre type d’itinéraires consacré au Trail d’enduro et d’All Mountain Bike, proposé par les Renards de l’Atlas, contrairement aux panneaux de signalisation relatifs aux itinéraires touristiques et encore moins au Mountain Bike.
Les rares panneaux en vigueur sont fréquemment détruits, à cause de leur faible résistance aux facteurs naturels. La solution à ce problème se présente par exemple sous forme de panneaux plus grands, avec des cartes détaillées, qui renforceront par la même occasion le sentiment d’immersion du touriste.
Entretien et location de vélo
A ces altitudes, il n’y a aucun magasin spécifique pour la location de VTT, le client a le choix entre venir muni d’un vélo, ou en louer un. En cas de panne lors d’une Rando VTT, le guide de montagne est absout de cette tâche « Je suis obligé d’y affecter une personne à temps plein. Ça m’évite de me prendre la tête. Des fois, il arrive qu’il n’y ait absolument rien à faire. Mais ça permet de créer un emploi en plus », souligne Mohamed Imharkan.
Marketing et communication
Il est vrai que l’offre du Haut Atlas, n’est que très peu connue et elle est moins mise en avant par l’Office du tourisme. Un inconvénient atténué grâce aux nouvelles technologies d’information et de communication, notamment à travers la création de sites web et l’utilisation des différents réseaux sociaux. Outre les demandes de renseignements, cette communication digitale propre aux agences touristiques permet aussi la réservation directe.
Profil type des cyclotouristes du Haut Atlas
Difficile de se targuer d’avoir réalisé une analyse complète de l’offre Rando VTT dans le Haut Atlas, sans avoir au préalable étudié le profil des cyclotouristes. Nous avons tenté de récolter des informations sur cette gamme de clients, en se basant sur des témoignages informels de cyclotouristes remontant à plus d’un an, consécutifs à l’une de nos Randos VTT, nous permettant de dresser une esquisse de portrait.
Il faut tout d’abord souligner que la France, les Pays-Bas et la Belgique sont les principaux pays pourvoyeurs de cyclotouristes dans le Haut Atlas. On peut aussi y rencontrer, dans une moindre mesure, des Britanniques et des Espagnols.
La durée de leur séjour est généralement proportionnelle à la durée de la Rando VTT. Ces cyclotouristes dépensent rarement plus que le prix relatif à l’activité VTT. Un phénomène compréhensible au vu de la nature Al-Inclusive de l’offre.
En général, entre une organisation de qualité, un authentique dépaysement, et une atmosphère conviviale, la clientèle est plutôt satisfaite de l’offre Rando VTT dans le Haut Atlas.
Néanmoins, certains couacs sont notifiés. L’image du touriste qui a envie de vivre coupé du monde a la dent dure, mais elle est trompeuse. Bien qu’ils soient à la recherche d’authenticité, la majorité des clients déplorent l’absence de connectivité. En effet, sans parler d’une connexion Internet, les vallées du Haut Atlas ne disposent même pas d’un réseau téléphonique performant.
Sans oublier qu’à cause de l’absence des panneaux de signalisation, le client manque de repères, ce qui diminue son immersion dans le voyage. Et puis, par moments, il arrive que deux disciplines différentes soient organisées lors du même voyage; le client se trouve dérangé par la multiplication des véhicules (4x4), et une caravane beaucoup trop imposante.
En guise de conclusion, il nous est paru judicieux de proposer quelques recommandations sur la base de différents témoignages informels recueillis sur le terrain.
En considérant les itinéraires existants dans le Haut Atlas, les cyclotouristes remarquent qu’ils sont surtout dédiés à un public sportif, plus précisément, aux cyclo-sportifs.
C’est pourquoi il serait favorable d’étudier et de mettre sur pied de nouveaux itinéraires ayant des niveaux de difficultés différents quand bien même les vélos à assistance électrique se démocratisent de plus en plus. En amont, il serait également nécessaire d’améliorer les parcours existants en les aménageant. Si les agences touristiques sont désireuses de développer le cyclotourisme comme produit phare dans le Haut Atlas, il conviendrait de mettre en exergue la possibilité de développer des itinéraires plus faciles qui seraient accessibles aux touristes, d’étoffer l’offre d’itinéraires à un niveau plus élevé et de prôner la mise en place d’une meilleure signalisation.
Au niveau de l’information et de la communication, l’Office du tourisme aurait tout intérêt à accorder plus de place à l’offre d’activités cyclotouristiques dans le Haut Atlas. Néanmoins, les acteurs et prestataires doivent également faire un effort et collaborer ensemble afin de décliner une offre cohérente telle que souhaitée par les cyclotouristes.
Le 01 Août 2018
Source web par : Libération
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