Nicolas Bulte : Le Polisario n’a pas vocation à représenter de manière exclusive les populations du Sahara
Le Polisario impliqué dans le crime transfrontalier.
Les dirigeants du Polisario sont consternés par la décision de la Commission européenne d’intégrer le Sahara dans les accords agricole et de pêche en cours de négociation avec le Maroc. Ce sont là les termes usités exprimés par Mohamed Sidati, prétendu ministre chargé de l’Europe suite au débat très animé, jeudi dernier, entre des membres de la CE et des eurodéputés. Ces derniers ont tenté vainement de convaincre la Commission européenne de se conformer aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2016 et de 2017, puis de reconnaître le Front comme «seul représentant du peuple sahraoui».
Face à de telles demandes, les représentants de la commission ont riposté en brandissant, à leur tour, l’arrêt de la même juridiction daté du 16 février 2016 ayant tranché la question de l’irrecevabilité de la demande du Polisario d’annuler l’accord agricole et que les séparatistes et le groupe d’eurodéputés qui partagent leurs thèses passent intentionnellement sous silence.
Au grand dam de Mohamed Sidati, les représentants de la Commission européenne ont veillé, au cours du débat, à qualifier le «Sahara» de «provinces». Ils ont également choisi de désigner les habitants de la région de «population locale» au lieu du «peuple du Sahara».
Dans un communiqué, le prétendu ministre s’est emporté en indiquant que «l’usage d’un langage provocateur et l’adoption du récit marocain affaiblissent la position diplomatique de longue date de l’UE» sur ce dossier.
Selon lui, la nouvelle approche de la Commission européenne constitue une «tentative de déformer la réalité sur le terrain et de marginaliser le représentant légitime du peuple saharaoui, le Front Polisario». Cette question de soi-disant «légitimité» taraude les hauts cadres du mouvement, au point qu’ils ne ratent aucune occasion d’y insister dans leurs interventions publiques. Le dernier discours de Brahim Ghali à Tifariti à l’occasion du 20 mai a fourni l’exemple.
Mais de fait, l’UE n’a fait que réaffirmer une position qui a toujours été sienne et que Nicolas Bulte, représentant du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), organe qui régit les relations diplomatiques de l’UE avec les pays non membres et qui mène la politique étrangère et de sécurité de l’Union, a rappelée le 17 mai en déclarant que «le Polisario n’a pas vocation à représenter de manière exclusive les populations du Sahara».
Pour lever toute ambiguïté sur cette question, il a rappelé que même l’avocat général de la Cour de justice de l’UE (CJUE) l’a clairement souligné dans son avis sur l’accord agricole. De même, a-t-il ajouté, dans le dernier arrêt de la CJUE sur l’accord de pêche du 27 février, il n’est nullement fait mention du Polisario.
Répondant également à des députés qui insistaient sur le consentement des populations pour toute négociation commerciale entre le Maroc et l’UE, Nicolas Bulte a expliqué que des consultations avaient été menées avec un large éventail de représentants des populations locales, notamment les élus, la société civile et les différents acteurs concernés.
« Notre responsabilité est de s’assurer du bénéfice des populations et c’est ce que nous avons fait», a-t-il précisé, balayant ainsi d’un revers de main les élucubrations de l’Algérie et du Polisario.
Des élucubrations que la réalité du terrain ne cesse de mettre à nu.
En effet, l’Algérie a eu beau tenter de présenter le Polisario comme un mouvement fréquentable, rien n’y fit, puisqu’il demeure pointé du doigt pour ses accointances avec le terrorisme au Sahel, comme en atteste un récent rapport européen.
Financé par la Commission européenne, ce document a explicitement mis le Polisario en cause, aux côtés du MUJAO et d’Ansar Eddine, dans les violences qui ont eu lieu dans la zone sahélo-saharienne entre 2010 et 2016.
Fruit de recherches internationales sur l’accès des terroristes au commerce illégal des armes, « Project Safte», a été publié le 18 avril par l’Institut flamand pour la paix.
Il rappelle, entre autres, que le chaos politique et le désordre sécuritaire qui ont suivi la chute du régime Kadhafi en Libye, ont ouvert l’important arsenal libyen à toutes sortes de groupes terroristes et séparatistes des pays limitrophes, dont le Polisario qui s’est largement fourni en armements.
Intitulé «Marchés illicites et acquisition d’armes à feu par les réseaux terroristes en Europe», le document alerte sur le risque que «certaines de ces armes finiront également dans l’Union européenne » et sur le fait que «le Polisario dispose désormais de suffisamment d’armes pour en vendre et approvisionner le marché régional» grâce à d’efficaces réseaux de trafic et de vente d’armes.
Dans ce même cadre, l’académicien argentin Alberto Carlos Agosinio, spécialiste des relations internationales et auteur de l’ouvrage «Géopolitique du Sahara et du Sahel» a considéré que l’implication du Polisario dans des actes terroristes n’est pas récente. Il précise à ce propos que dans les années 70 et 80, les miliciens du Polisario avaient exécuté des opérations terroristes contre des navires qui pêchaient dans les eaux marocaines au large des côtes du Sahara. Ces opérations s’étaient soldées par la mort de plus de 300 innocents.
Dans un article publié par l’agence argentine «Total News» sous le titre «Condamnation croissante des activités terroristes du Front Polisario», il a indiqué qu’il existe des preuves de complicité de responsables algériens avec les dirigeants du Polisario et qu’il n’y aura pas de réelle sécurité dans la zone sahélo-saharienne tant que le Polisario maintient les habitants des camps de Tindouf dans une situation telle qu’ils n’auront d’autre perspective que de se laisser embrigader par les organisations terroristes ou de s’adonner au trafic.
Le 27 Mai 2018
Source Web : Libération
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