Mariage précoce des filles : entretien avec Bouchaib Fadlaoui, Président de l’Association nationale des adouls

«A Casablanca, 3 à 4% des mariages contractés concernent des mineurs».
La Vie éco : Le mariage des mineurs est une pratique encore courante malheureusement au Maroc… Comment expliquez-vous cela ?
Le code de la famille dans son article 19 détermine l’âge de la capacité matrimoniale aussi bien pour les filles que les garçons. Ce qui est une avancée par rapport à la pratique d’avant 2004 où les mariages pouvaient se faire à moins de 15 ans. Néanmoins, le même texte permet au juge d’autoriser le mariage des mineurs après avoir entendu les parents du mineur ou son représentant légal, et après avoir eu recours à une expertise médicale ou procédé à une enquête sociale. Voilà en ce qui concerne le volet juridique. Mais, d’un point de vue social, ce type d’union est encore répandu dans plusieurs régions du pays, en particulier les zones enclavées et pauvres, en raison de la pauvreté et du poids des traditions…
L’article 16 de la Moudawana favorise également le mariage des mineurs…
Cet article est adopté afin de permettre la régularisation des mariages contractés par la Fatiha à travers ce que l’on appelle «Toubout Zawjia». Et la pratique permet en effet de constater qu’il est utilisé par des personnes, pas toujours de bonne foi, pour contracter des mariages avec des mineurs ou bien pour la polygamie. Pour mettre fin aux abus, c’est au juge d’apprécier la situation…
Et c’est au juge également que revient la décision finale d’autoriser un mariage précoce…
En effet, le juge peut à titre exceptionnel autoriser un mariage précoce. Mais il doit impérativement le motiver. Et pour cela, il doit diligenter une expertise médicale et une enquête sociale pour déterminer la situation des jeunes filles…
Quels sont les motifs souvent invoqués par les juges ?
n Ils se basent essentiellement sur les résultats de l’expertise médicale qui permet de connaître l’état de santé de la jeune fille et ses capacités physiques à supporter des rapports sexuels ainsi que l’enfantement. Ensuite, il y a l’enquête sociale qui permet de cerner la situation socio-économique de la jeune fille. Parfois, le juge autorise le mariage précoce dans le but de sauver la jeune fille de la pauvreté.
Le juge a-t-il les moyens nécessaires pour mener ces enquêtes ?
Le travail se fait en général en partenariat avec les assistantes sociales qui exercent dans les tribunaux de famille. On peut retenir qu’au niveau de Casablanca plus de 70% des mariages sont autorisés sur la base de l’expertise médicale. L’enquête sociale intervient dans 20% des mariages. Parfois au-delà des conclusions de ces enquêtes, le juge tranche au cas par cas, il en a le pouvoir discrétionnaire.
Vous exercez à Casablanca, peut-on alors avoir une idée sur le nombre de mariages de mineurs contractés dans la ville?
Nous n’avons pas de statistiques précises, mais on peut retenir que 3 à 4% des mariages contractés sont des unions précoces. Mais, globalement, il n’y pas de grande différence entre le milieu rural et les villes où cette pratique est encore souvent de mise…
Le 07 Avril 2018
Source Web : La Vie Eco
Les tags en relation
Les articles en relation

Une alerte du parquet : comment des familles contournent la loi et marient leurs enfants mineurs
La présidence du parquet appelle à ériger cet agissement en infraction pénale. Le mariage coutumier des mineures, des "chiffres noirs" qui échappent aux ra...

Mariage des mineures : un fléau qui a la peau dure
Le Maroc célèbre ce 25 mai la Journée nationale de l’enfant, l’occasion pour confirmer l’engagement national soutenu en faveur de la promotion des droi...

Entre adultes consentants
En matière de consommation d’alcool comme de sexe, force est de constater qu’on s’accommode très bien du «je pratique sans pour autant approuver ce que...

Portrait-robot des mineures mariées au Maroc
Âge, situation familiale, éducation, santé… le détail d’une étude du parquet Le parquet met le phénomène du mariage des mineures à la loupe. Le m...

Femmes Adouls : Le prochain concours leur sera ouvert
Après l’annonce de la semaine dernière, les faits. Le prochain concours pour le recrutement de 800 Adouls sera annoncé dès la semaine prochaine et ouvert ...

Le mariage forcé a la peau dure au Maroc
Au cours de ce mois d’aout, la région d’Imintanout a vécu une affaire où une jeune fille a fugué le soir de ses noces pour se voir ensuite condamnée pa...

Maroc : le projet de société existe et il est islamiste...
Dès lors qu’on a supprimé l'enseignement de la philosophie et de la sociologie dans les facs de sciences humaines pour y installer des centres islamique...

8 mars: le combat n’est pas terminé, il faut choisir son camp
Le 8 mars, qui s’est imposé comme une fête internationale, a deux versants. Un versant glamour et disons marketing et un versant politique, de combat et de ...

Des femmes « Adoul » au Maroc !
Pour la première fois, le département de la Justice oermet aux femmes candidates de passer l’examen professionnel de Adoul. Ce concours va s’organise...

Abdellatif Ouahbi défend la réforme du code de procédure civile face à la résistance des avocat
Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a récemment déclaré que le débat tendu avec les avocats sur la réforme du code de procédure civile est loin ...

Sidi Kacem : sa famille voulait l’obliger à se marier, elle se suicide
Le mariage précoce continue de sévir et de tuer dans certaines régions du pays. Dans la commune de Zaggota, relevant de la province de Sidi Kacem, une lycée...

Finance participative : Ce que demandent les Adouls
Alors que la finance participative va faire ses premiers pas au Maroc, les Adouls entendent participer à ce nouveau chantier. Ces derniers demandent l’accél...