2017 n’aura pas été l’année des droits de l’Homme au Maroc

Les mouvements sociaux qui ont secoué plus d’une région ont contribué à noircir le tableau
«Désespéré», «catastrophique», «calamiteux», etc. C’est ainsi que plusieurs activistes et militants ont qualifié le bilan des droits de l’Homme durant l’année 2017. Pour eux, le Maroc qui célèbre aujourd’hui et à l’instar d’autres pays, la Journée internationale des droits de l’Homme, jour anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l’Homme en 1948, est loin du compte.
Ainsi, pour Mohamed Nouhi, président de l'Instance marocaine des droits de l'Homme (IMDH), l’année en cours a été marquée par des régressions dangereuses en matière des droits de l’Homme. Notamment au niveau des droits politiques et civils. « Nous avons enregistré l’augmentation du nombre de détentions politiques notamment celles liées aux événements du Rif. Aujourd’hui, on parle de 500 personnes arrêtées dont certaines d’entre elles ont fait l’objet de torture comme il a été confirmé par plusieurs rapports dont le rapport médical de la CNDH », nous a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Les conditions dans lesquelles ont été jugées ces personnes ont péché par l’absence de conditions de jugement équitable comme en attestent les jugements des activistes du Hirak du Rif ou certaines personnes qui ont soutenu ce mouvement de protestation. Les détenus de Témara sont l’exemple typique de l’absence de conditions du jugement équitable puisque l’un des détenus a été condamné à un mois de prison et à une pénalité pour avoir uniquement soutenu le Hirak ».
Mais, il n’y a pas que ces violations qui ont entaché le tableau des droits de l’Homme au Maroc, notre source a pointé du doigt le refus des autorités locales de délivrer un récépissé définitif de la déclaration de création ou de renouvellement des bureaux ainsi que les arrestations de journalistes et bloggueurs notamment suite aux événements du Rif. « Les personnes en situation de handicap qui restent privées de leurs droits tout comme les femmes victimes de violence et de discrimination, les droits sociaux et économiques bafoués et les discriminations territoriales dans plusieurs régions du Maroc laissent penser qu’on est encore loin du compte malgré le discours sur les réformes ou les politiques publiques annoncées en matière des droits de l’Homme ».
De son côté, Aziz Idamine, militant des droits de l’Homme, estime que le bilan de l’année est catastrophique. « D’abord au niveau des pratiques conventionnelles, le passage de Mustapha Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies réuni pour sa 36ème session en mai et septembre lors de l'Examen périodique universel du Maroc, a été calamiteux comme en atteste sa déclaration concernant l’attachement du Maroc à sa spécificité et à la religion islamique précisant qu’il n’est pas question de remettre en cause ces deux principes et soulignant son refus des 44 recommandations relatives aux libertés individuelles, l’égalité homme-femme, l’abolition de la peine de la mort ... », nous a-t-il précisé. Et de poursuivre : «Au niveau législatif, 2017 a été une année blanche puisqu’il n’y a pas eu promulgation de nouvelles lois. Ceci d’autant plus qu’il y a du retard au niveau de la promulgation de certaines lois. Tel est le cas de la loi encadrant le CNDH qui a été pourtant approuvée par le gouvernement et le Parlement et de la mise en place du Mécanisme national de lutte contre la torture censé être opérationnel il y a plus de trois ans».
Notre source nous a déclaré qu’au niveau pratique, le tableau n’est pas si rose. «Nous avons constaté l’usage disproportionné de la force au cours de cette année, dans la dispersion de certains rassemblements comme c’était le cas à El Hoceima et la répression des mouvements sociaux comme c’était le cas à Zagora, Béni Mellal et Khénifra. L’approche sécuritaire a été omniprésente au détriment de l’approche des droits de l’Homme », nous a-t-elle indiqué.
Aziz Idamine ne pense pas que cette situation va changer en 2018. « Il n’y aura pas de changement majeur puisque le contexte international ne semble pas prêt à donner la priorité à l’approche des droits de l’Homme notamment avec l’administration américaine et la lutte contre le terrorisme. Idem au niveau national. Le Maroc a plus de contraintes de développement et géostratégiques et le dossier des droits de l’Homme n’aura plus la priorité ».
Pour sa part, Ahmed El Hayej, président de l’AMDH, pense que le bilan des autorités marocaines en matière des droits de l’Homme a été contradictoire. « En règle générale, le Maroc a opté pour le choix de la promotion et de la consolidation des droits de l’Homme. En fait, le Royaume a approuvé et signé plusieurs accords et protocoles internationaux et d’autres sont dans l’attente d’être signés. Le corpus juridique national au niveau des droits de l’Homme est important malgré les réserves et les oppositions comme c’est le cas du projet de loi de lutte contre la violence faite aux femmes. Mais, malheureusement, le chemin vers la mise en œuvre de ces accords est marqué par des lenteurs et tergiversations», nous a-t-il déclaré. Et de conclure: « Nous avons constaté des régressions et des violations graves se rapportant notamment aux droits de manifestation, d’association, de rassemblement… Les manquements ont également concerné l’équité des jugements, les droits économique, social et culturel. L’interdiction et les restrictions constatées envers les activités de certaines associations, syndicats ou instances politiques font aussi partie du lot».
Le 09 Décembre 2017
Source Web : Libération
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