Le réchauffement climatique rend les feux de forêts plus fréquents en Méditerranée

Lundi 24 juillet 2017, un violent incendie avait déjà brûlé plus de 400 hectares dans le massif du Luberon (Vaucluse). Une fréquence de feux de forêt accrue dans le sud de la France qui est à la fois conséquence et facteur aggravant du changement climatique, comme nous l'expliquaient des chercheurs de l'Irstea d'Aix-en-Provence.
Feu de forêt
Les feux de forêts qui frappent le sud de la France n'ont rien de commun par leur étendue avec ceux observés en Australie, au Canada ou encore aux États-Unis (photo ci-dessus). Mais la proximité humaine les rend tout aussi dangereux.
CERCLE VICIEUX. Pas de doute, le réchauffement climatique se fait déjà sentir sur le pourtour méditerranéen... et en particulier le sud de la France. Les canicules, plus fréquentes, entraînent des conditions climatiques sèches et chaudes qui favorisent la survenue de feux de forêts dans la région, comme le feu de Rognac en 2016. Ou plus récemment, le 24 juillet 2017, un feu qui a ravagé plus de 400 hectares de massif forestier à la Bastidonne (Vaucluse), près de Pertuis. Or ces feux relâchent, en retour, quantités de carbone dans l'atmosphère qui viennent contribuer plus encore à l'effet de serre. Explications du phénomène et de ses impacts sur les écosystèmes avec des chercheurs spécialistes de l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture).
Les feux contribuent autant au réchauffement climatique que les voitures
"Par feu de forêt, on entend tout feu touchant une étendue plus ou moins densément boisée, ce qui peut aller de la forêt humide à la garrigue jusqu'au désert", rappelle Thomas Curt, directeur de recherche à l'Irstea Aix-en-Provence. Dans ces conditions, tous les milieux naturels et tous les continents sont affectés, y compris dans les zones boréales, situées au nord : "Amérique du Nord, Canada, Afrique, Australie, Indonésie, Russie, mais aussi la Méditerranée, comme l'ont rappelé il y a peu les violents incendies au Portugal, énumère le chercheur. Et leur impact global est considérable, puisque certaines études estiment les feux émettent autant de carbone que tout le secteur des transports !
Surface brûlée par continent en 2014 / Source : GlobalFireData.org
9000 ha / an. Pourquoi les forêts brûlent-elles dans le sud de la France ? "Il y a une conjonction de 3 facteurs : un réchauffement du climat, des types de végétations plus riches en combustibles et facilement inflammables (comme par exemple les pins ou les cyprès), ainsi qu'une densité de population accrue", explique Thomas Curt. En effet, 90% des départs de feux sont d'origine humaine (cigarette négligemment jetée, barbecue mal éteint...), une cause naturelle (ignition par un orage, par exemple) n'intervenant que dans 10% des cas. "En France, 9000 hectares partent en moyenne en fumée tous les ans".
Des conditions de plus en plus favorables au feu en Méditerranée
En fait, le réchauffement climatique se fait déjà sentir dans le sud de la France. "Depuis 1959, nous avons montré que la température a déjà grimpé de 2,5°C dans les 15 départements du sud-est de la France, alerte Thomas Curt. Cette augmentation s'élève à 1,9°C dans les Alpes françaises, contre 0,9°C ailleurs dans le monde." Or si le climat est plus chaud, la végétation sèche plus facilement et dispose de réserves hydriques moindres en sous-sol. En fait, "la période à risque d'incendie s'allonge : auparavant limitée aux seuls mois de juillet/août, elle débute désormais dès juin pour parfois s'achever en septembre, et la zone à risque s'étend également vers l'arrière-pays", observe Thomas Curt. "Nous ne sommes pas à l'abri de feu de très large échelle tels ceux ayant touché le Portugal", avertit Michel Vennetier, ingénieur forestier à l'Irstea.
CONDITIONS. Un accroissement du risque qui ne se traduit pas nécessairement par une augmentation du nombre de feux (90% étant imputables à la négligence humaine), mais qui se répartit en deux sous-types caractéristiques, relate le chercheur en présentant ses travaux, publiés en 2016. "Nous avons étudié les grands feux, qui ne représentent que 5% des incendies mais plus de 75% de la surface brûlée, et nous avons observé que 40% d'entre-eux suivaient des modèles météorologiques assez clairs : la première moitié (20%) est aggravée par le vent de type Mistral, tandis que la seconde le sera par la sécheresse, par corrélation avec des températures élevées. Or, ce type de feu de chaleur est en nette augmentation depuis 1975."
Conditions climatiques liées au vent et à la chaleur donnant lieux aux grands feux de forêt en Méditerranée (Source : J.Ruffault et al.)
IFM (Indice forêt météo). Pour évaluer le risque d'incendie, Météo France se base sur cet indice, calculé à partir des conditions météorologiques telles que le vent, la température, l'hygrométrie, ou encore le nombre de jours sans pluie. "Il y a risque d'incendie lorsque l'IFM dépasse la valeur de 15", explique Thomas Curt.
Abandon agricole et changements de végétations
L'abandon agricole dans la région est aussi en cause, déplore Michel Vennetier : "Les champs permettaient d'endiguer la propagation des feux, il y avait rupture dans la continuité de la végétation." Aujourd'hui, il faut de plus composer avec l'urbanisation diffuse qui pénètre de plus en plus les forêts, et qui vient adjoindre aux habitations de la végétation ornementale, "qui jouent un rôle-clé dans la propagation du feu", décrit Anne Ganteaume, chercheuse à l'Irstea Aix-en-Provence.
ECOSYSTÈMES. Et pour peu que le débroussaillement soit mal géré, les branches et la matière organique morte vont s'accumuler et venir ajouter à la charge de combustible. "La répétition des sécheresses rend l'écosystème méditerranéen plus vulnérable au feu", indique Michel Vennetier. Des modifications qui peuvent être quantitatives, mais aussi qualitatives. "La première des modifications, c'est le type de végétaux qui va réoccuper la surface brûlée : dans la région, cela se traduit par une diminution du nombre de chênes blancs et de chênes Kermès au profit du pin d'Alep, mieux adapté aux incendies fréquents car c'est le dernier arbre que l'on trouve avant le désert ! Mais même ces pins souffrent de plus en plus de la sécheresse, ce qu'on voit par exemple à travers le raccourcissement de leurs épines d'année en année."
Le 24 Juillet 2017
SOURCE WEB Par Sciences Et Avenir
Les tags en relation
Les articles en relation

Environnement Agadir peaufine ses préparatifs pour le sommet mondial "Climate Chance"
Le comité de pilotage du sommet "Climate Chance" s’est réuni récemment à Agadir pour peaufiner les préparatifs de ce conclave des acteurs non-étatiques ...

Ilyas El Omari : Les organes élus et les collectivités locales ont un rôle central dans l’atté
Les organes élus et les collectivités locales sont appelés à jouer un rôle central dans l’atténuation et l’adaptation aux effets des changements clima...

Changement climatique Appel pour la mise en place d’une feuille de route de l’économie verte
Cette rencontre a été marquée par la participation de hauts responsables des départements ministériels et institutions nationales et internationales concer...

Mémoire de glace : à la découverte de vestiges exceptionnels libérés par la fonte des glaciers
Le chapeau en feutre trône au milieu de la vitrine. Déformé et partiellement déchiré, il semble avoir quitté la tête de sa propriétaire depuis des déce...

#COP26_GLASGOW: Les ministres se réunissent à Milan pour des discussions préalables à la COP 26
La pré-COP s’est ouverte le 30 septembre à Milan, en Italie, en préparation à la COP 26, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ...

Action climatique mondiale Un Sommet aux États-Unis pour la mise en œuvre d'une initiative de la C
Systèmes énergétiques sains, croissance économique inclusive, gestion des terres et des océans et investissements climatiques novateurs sont à l'ordre...

COP25: adoption d’un accord appelant à une augmentation de l’ambition climatique en 2020
La 25è Conférence des parties de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP25) a clôturé, dimanche à Madrid au niveau des n...

Dubai: SAR la Princesse Lalla Hasnaa représente SM le Roi au COP28
Son Altesse Royale la Princesse Lalla Hasnaa représente Sa Majesté le Roi Mohammed VI aux travaux du Sommet mondial de l’Action climatique, organisé dans l...

Climat : l'accord de Paris signé par 175 pays
A New York, 175 pays ont signé l'accord de Paris sur le climat, qui avait été conclu en décembre. Un évènement qui coïncide avec la Journée de la Te...

Souss-Massa-Tata face aux changements climatiques: La rareté de l’eau, le grand défi de la régi
L’étude commandée par le Conseil régional du Souss-Massa-Tata pour l’adoption du Plan territorial de lutte contre le réchauffement climatique (PTRC) fai...

L'axe de la Terre se déplacerait plus rapidement en raison du changement climatique, selon une étu
La fonte des glaciers contribue à l'élévation du niveau de la mer, mais elle pourrait aussi avoir comme conséquence d'accélérer le déplacement de...

Après le succès de la COP22, Bab ighli, un site approprié pour accueillir un Centre de Congrès
Ville touristique par excellence, la ville ocre est aussi une destination prisée depuis fort longtemps pour de grands événements internationaux à caractère...