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Comarit Comanav Les raisons dun naufrage annoncé

Comarit  Comanav   Les raisons dun naufrage annoncé

Une succession d’erreurs stratégiques du management Beaucoup de concurrence et pas d’agressivité commerciale Les compagnies marocaines, engluées dans des schémas archaïques Info L'Economiste Avant la crise, la Comarit détenait presque 50% de l’offre transport maritime des voyageurs. Elle opérait sur 7 lignes maritimes partant de Tanger Med, Tanger ville, Nador et El Hoceima à destination d’Algéciras, Sète, Gène et Almeria. Elle jouissait d’ailleurs de l’exclusivité sur les liaisons Tanger Med-Sète et Nador-Sète. Le groupe Comarit-Comanav est à l’agonie. S’il coule, le groupe sera l’une des faillites les plus retentissantes de l’histoire de l’économie nationale. La situation est critique depuis le début d’année suite au blocage des bateaux de la société dans les ports européens. L’espoir de voir régler le problème pour la haute saison, s’est éteint en avril dernier lorsque le plan de sauvetage piloté par Toufik Ibrahimi ex PDG de la Comanav a essuyé le refus des banques pour un plan de restructuration des dettes. Ce dernier avait mis en place une société spécialisée dans le transport maritime qui devait se substituer à Comarit-Comanav pendant la saison estivale. Une négociation de la dernière chance est actuellement menée pour une ultime tentative de renflouement de l’entreprise. En attendant, à partir du samedi 9 juin, le dernier navire de la compagnie (Bissat) naviguant sur la ligne Tanger ville-Tarifa n’était plus autorisé à exploiter la ligne: La durée de la concession accordée par l’administration espagnole a expiré. Etant acquis dans le cadre d’un contrat leasing, le Bissat n’avait pas été jusqu’ici saisi par les créanciers du groupe. Le retour des MRE durant la saison estivale (l’été représentant près de 50% du transit annuel des passagers) se passera néanmoins dans des conditions décentes. L’armateur italien « Grandi Navi Veloci » (GNV), a obtenu l’autorisation provisoire des autorités marocaines pour reprendre les liaisons maritimes Sète-Tanger Med et Sète-Nador, assurées par le groupe Comarit-Comanav Ferry. Un triste dénouement pour cette compagnie et pour les milliers de MRE du fait du lien sentimentale conférée au retour au pays à bord d’un navire battant pavillon national. Comment en est-on arrivé là ? Selon nos investigations, l’endettement de la compagnie serait dû à un effet de boule de neige, une succession d’opérations stratégiques mal maitrisée. Des erreurs de gestion qui ne pouvaient que faire couler la compagnie. Selon des sources proches du dossier, le management de la société avait multiplié les bourdes tout au long des cinq dernières années. A commencer par le rachat des parts des Norvégiens Fred Olsen dans la Comarit (55% du capital) en 2008. Le PDG du groupe, Ali Abdelmoula, s’était associé dans les années 80 à la société norvégienne pour donner un coup de fouet à son activité. La cession des dites parts en 2007 s’est faite pour l’équivalent de 700 millions de dirhams et aurait affaibli la stabilité financière du groupe. Quelques mois plus tard, la Comarit procède également au rachat de la Comanav Ferry. Le groupe Comanav a été privatisé en 2007, après le rachat des participations de l’Etat par le groupe français CMA-CGM. Celui-ci a scindé l’entreprise en deux pôles : un pôle fret et un pôle ferry. En février 2009, la Comarit est devenue actionnaire majoritaire dans la Comanav après le rachat de la part ferry du groupe français pour l’équivalent de 80 millions d'euros (près de 900 millions de DH). Selon les professionnels, il s’agissait là d’une mauvaise opération pour le groupe qui a hérité de facto d’une demi-douzaine de bateaux âgés et aux coûts de maintenance démentiels. Par cette acquisition, la compagnie a également hérité du personnel de la filiale qui représentait plus que les effectifs qu’elle employait à l’époque. Les conséquences de cette opération ont été fatales pour la Comarit qui s’est lancée dans une lourde et tardive restructuration dont l’axe majeur était la réduction des effectifs. Dans la foulée de ces opérations, et malgré une situation financière chancelante, la compagnie a procédé à la construction d’un nouveau siège à Tanger et à l’installation de la station Cap Radio, supposant un investissement de plusieurs millions de DH. Enfin en 2010, la Comarit soumissionne à un appel d’offres de l’Autorité Portuaire de la Baie d’Algésiras (APBA) pour disposer d’un quai au port de Tarifa en vue d’exploiter la ligne maritime « Tanger ville-Tarifa ». La seule compagnie opérant sur cette liaison jusqu’ici était le groupe FRS. Cette opération nécessitait un investissement important lié au coût de la concession du quai accordé pour une durée de 2 ans. En outre, cette intégration supposait l’acquisition de deux navires à grande vitesse pour faire face à la concurrence de l’opérateur existant. Comarit a acquis les deux navires : Boraq et Bissat, pour 10,9 millions d’euros chacun. De surcroît, «le secteur du transport maritime au Maroc a été marqué par une conjoncture difficile durant les dernières années», témoigne un armateur. En Méditerranée, les compagnies marocaines Comarit, IMTC et FRS Maroc devaient faire face à une concurrence très rude menée notamment par Acciona, Balearia, FRS Iberia et GNV, pour ne citer que les principales. Ces sociétés disposant de flottes beaucoup plus modernes et des équipes bien rodées, réussissent naturellement de meilleurs taux de remplissage. En outre, le secteur a dû s’adapter à une hausse continue du carburant depuis 2007, multipliant au passage les difficultés des armateurs. Autre raison souvent invoquée : les prix de plus en plus attractifs des avions low-cost, a motivé beaucoup de clients à changer leurs habitudes de transport. Selon les échos du marché, certaines sociétés nationales tiennent encore bon, mais seraient déjà dans le rouge. A qui le tour? Manque d'agressivité La Comarit est-elle la seule à blâmer pour cette situation ? Pour l’essentiel, sans aucun doute. Mais dans le secteur, des voix s’élèvent pour reprocher aux pouvoirs publics d’avoir dilué l’avantage accordé au pavillon national. La stratégie mise en place par l’ex ministre de l'Equipement et des Transports, Karim Ghellab prônait la libéralisation du transport des marchandises et des voyageurs. Ce qui tranchait avec la politique de traitement au «cas par cas» qui favorisait à l’époque l’entreprise nationale face aux compagnies étrangères. «Force est de constater que face à la concurrence, les armateurs marocains sont restés sur des schémas archaïques», explique un expert. Cette situation a porté par la même occasion un coup fatal à la flotte maritime commerciale du pays qui n’est plus aujourd’hui que de 23 navires alors qu’elle frôlait la cinquantaine dans le début des années 2000 et bien plus dans les années 80. A croire que le problème de la Comarit n’est qu’un mauvais présage de ce qui attend le secteur dans les prochaines années. SOURCE WEB Par Ayoub NAÏM L’Economiste