L’ONU appelle à renoncer à l’agriculture industrielle
Les pesticides, bientôt de l'histoire ancienne? [Wisconsin Department of Natural Resources/Flickr]
La rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation de l’ONU dresse un réquisitoire des conséquences délétères des pesticides sur la faune, la flore et l’être humain. Un article de notre partenaire, Le Journal de l’Environnement.
«Être tributaire de pesticides dangereux est une solution à court terme qui porte atteinte au droit à une alimentation suffisante et au droit à la santé des générations actuelles et des générations futures.» Hilal Elver n’a pas la notoriété d’un Olivier De Schutter ou l’aura d’un Jean Ziegler, mais, tout comme ses prédécesseurs au poste de rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, cette juriste turque a la plume acérée. Dans un rapport consacré aux méfaits écologiques, sanitaires et sociaux des pesticides, elle dresse un réquisitoire implacable contre ces substances. Certes, elles ont «sans conteste contribué à permettre à la production agricole de faire face à des hausses sans précédent de la demande alimentaire», mais au prix de désastres sur «la santé humaine et l’environnement». Un procès à charge contre les transnationales, dont certaines activités devraient être pouvoir être encadrées et, le cas échéant, sanctionnées.
Toxiques, mais légaux
200.000. C’est le nombre de personnes qui, chaque année, meurent d’intoxication aigüe, dont 99% surviennent dans les pays en développement, «où les réglementations dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’environnement sont plus souples et appliquées moins rigoureusement». Les preuves des effets à moyen et long terme des pesticides, sur le vivant en général et l’être humain en particulier, sont plus ardues à apporter, d’autant que «l’ampleur des dommages causés par ces produits chimiques est systématiquement contestée [par l’industrie des pesticides et l’industrie agroalimentaire]». Et d’égrener la liste des pathologies, de mieux en mieux connues, imputables aux pesticides: Parkinson, Alzheimer, troubles hormonaux, troubles de la fertilité, etc. Avec quelles conséquences, en termes de politique publique? Les États du monde entier semblent sur la même ligne: celle de l’inaction. «Bien que les graves risques pour la santé que présentent nombre de pesticides soient clairement établis, ceux-ci sont encore utilisés», constate la rapporteuse.
Droit à une alimentation sans pesticides
Le droit à une alimentation suffisante, reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’homme, s’arrête-t-il là où commence la contamination par les pesticides? Oui, considère le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, «car ce droit englobe le droit à une nourriture exempte de substances nocives». Pour aujourd’hui et pour demain, insistent ces représentants de l’ONU. Or, avec des eaux de ruissellement contaminées, des populations de ravageurs perturbées, des écosystèmes déstabilisés et des sols privés de vie dont les rendements s’effondrent, les générations futures sont lésées. «Les arguments selon lesquels les pesticides seraient indispensables pour préserver le droit à l’alimentation et à la sécurité alimentaire entrent en contradiction avec le droit à la santé, compte tenu des nombreux impacts sanitaires associés à certaines pratiques d’utilisation des pesticides.»
Transnationales dans l’impunité
Derrière les États défaillants se dressent les multinationales toutes-puissantes. «L’industrie des pesticides est dominée par quelques sociétés transnationales qui exercent un pouvoir extraordinaire sur la recherche agrochimique, les initiatives législatives et les orientations en matière de réglementation au niveau mondial, dénonce le rapport. Elles ont aussi des responsabilités en termes de droits de l’homme.» Et c’est là tout le nœud du rapport: comment les rendre comptables et responsables de leurs agissements?
Des États trop bienveillants
Certes, il existe bien des traités, comme la convention de Stockholm ou celle de Montréal, qui ont débarrassé le monde (au moins sur le papier) d’affreux polluants. Mais pour des centaines de pesticides -très dangereux, mais qui n’entrent pas dans les clous de la réglementation- les étapes cruciales de leur cycle de vie échappent à toute réglementation. Et ces instruments juridiques recèlent quantité de subtilités (clauses d’exemption, règles de vote léonines…) qui permettent à des Etats de laisser sur le marché des produits toxiques, comme le Paraquat par exemple. Quant aux règlementations nationales, outre qu’elles sont fondées sur des études scientifiques discutables, elles sont peu mises en œuvre et peu contrôlées, faute de moyens. Résultat, des pesticides interdits au Nord finissent souvent dans les pays en voie de développement sans que personne n’y trouve à redire.
Renoncer à l’agriculture industrielle
Le 28 février, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) alertait sur l’impossibilité, pour un monde en expansion démographique incontrôlée et aux rendements agricoles stables, de combattre la famine dans les décennies à venir, mais elle ne préconisait pourtant pas de réelles pistes pour tenter de sortir de la crise. Hilal Elver, elle, achève son réquisitoire sur une série de recommandations très fermes en direction des États. Car c’est à eux qu’il appartient de soutenir une agriculture libérée des pesticides dangereux et l’agroécologie, de protéger les femmes enceintes et les enfants de l’exposition à ces produits toxiques, de financer des études indépendantes sur leurs effets potentiels, de cesser de les subventionner et renforcer leur taxation ou de promouvoir une alimentation issue de l’agriculture biologique. Mais interdire et réglementer ne suffit plus: le moyen le plus efficace à long terme de réduire l’exposition à ces produits chimiques toxiques «est de renoncer progressivement à l’agriculture industrielle», conclut la rapporteuse.
Le 08 Mars 2017
SOURCE WEB Par Euractiv
Les tags en relation
Les articles en relation
La BM, l’ANDZOA et la FAO se mobilisent pour un développement durable des Oasis
La Banque Mondiale (BM), L’Agence Nationale pour le Développement des Zones Oasiennes et de l’Arganier (ANDZOA), et l’Organisation des Nations Unies pour...
La création d’emplois décents dans l’agriculture réduirait la migration des jeunes La FAO app
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a affirmé récemment que les entreprises agricoles peuvent contribuer à enra...
Le Maroc réduit son taux de sous-alimentation mais reste derrière l’Algérie et la Tunisie
Le Maroc se taille la 42e place dans l’indice de la faim dans le monde, rendue publique ce mois-ci. Malgré des efforts en matière de sous-alimentation, le r...
Corne de l’Afrique : « Le dérèglement climatique accentue les invasions de criquets »
L’invasion massive de criquets pèlerins qui frappe les pays de la Corne de l’Afrique, d’une ampleur hors norme, a été accentuée par les conséquences ...
Tunisie : des potagers de la mer « uniques au monde »
En Tunisie, un ingénieux système d'agriculture perdure depuis le XVIIe siècle. Il s'étend sur 200 kil dans les lagunes de Ghar El Melh, et a été r...
Vidéo. Sidi Ifni: 2,5 millions de dollars pour le développement de l’aquaculture
L’ambassadrice de Norvège au Maroc, Merethe Neergaard, la représentante de la FAO, Florence Rolle, et la directrice de l’Agence nationale pour le dévelop...
Agriculture : la production durable, au cœur de la stratégie marocaine, expliquée à une confére
Lors d’une conférence internationale à Berlin, le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki, a présenté la stratégie marocaine en ce qui concerne la pr...
La faim dans le monde continue à augmenter, selon l’ONU
La faim dans le monde a augmenté en 2017 pour la troisième année consécutive, alimentée par les conflits et le changement climatique, selon un rapport publ...
Impacts du changement climatique sur l'agriculture marocaine
Les projections confirment la baisse des précipitations et l'augmentation des températures Les résultats montrent que le changement climatique impacte...
Les Provinces du Sud du Maroc, nouveau hub des investisseurs britanniques
Le 4 novembre 2022, à la veille de la célébration de la Marche verte, l’ambassade du Maroc à Londres, a réuni une centaine d’investisseurs britanniques...
Michael Hage, le nouveau coordinateur du Bureau de la FAO pour l’Afrique du Nord
Le Libanais Michael George Hage vient d'être nommé Coordinateur du Bureau sous-régional de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation e...
Sidattes-Erfoud 2023 : Près de 230 exposants attendus
Le 12ème Salon revient du 3 au 8 octobre Evènement Ce 12ème Salon qui sera déployé sur une superficie de 40.000 m2 vise à mettre en avant l’import...


mardi 14 mars 2017
0 
















Découvrir notre région