L’OMC, une fois de plus théâtre de la guerre économique entre Airbus et Boeing

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) estime illégales certaines mesures fiscales dont a bénéficié Boeing pour son 777X. Un nouvel épisode dans l’interminable bras de fer que se livrent Airbus et Boeing.
Difficile d’y voir clair, tant ce dossier politico-économico-juridique traîne en longueur. Sans compter l’art des deux forces en présence, les avionneurs Airbus et Boeing, de brouiller les pistes. Il n’y a qu’à voir des éléments issus de leurs communiqués publiés lundi 28 novembre. "L’OMC frappe un grand coup et rend un jugement historique contre les subventions records octroyées à Boeing", selon Airbus. Réaction de Boeing le même jour : "La décision d'aujourd'hui est une victoire absolue pour les États-Unis, l'État de Washington et Boeing". Engagée depuis 2004, la guerre économique entre Airbus et Boeing, menée par gouvernements interposés, oblige l’Organisation mondiale du commerce à multiplier les rapports.
Le point de litige cette fois-ci ? Des aides reçues par Boeing pour son 777X de la part de l’Etat de Washington. "Compte tenu de la nature de la subvention prohibée dont l'existence a été constatée en l'espèce, le Groupe spécial [le panel d'experts chargé de trancher le litige, ndlr] recommande que les États-Unis la retirent sans tarder et dans un délai de 90 jours", peut-on lire dans le rapport de plus d’une centaine de pages. Dans le détail, il s’agit d’une réduction du taux d’imposition sur une taxe payée par les industriels. Autrement dit, un avantage fiscal de réduction du taux d’imposition sur les recettes du 777X, dont la production démarrera en 2017.
Un conflit qui a débuté en 2004
De quoi réjouir le camp européen, qui chiffre à 8,7 milliards de dollars le montant total des aides publiques accordées au 777X. Si Boeing fait part de sa satisfaction, c’est que sur les sept aides mises en cause par l’Union européenne, une seule a in fine été retenue par l’OMC. "Je ne comprends pas comment Airbus calcule dans la mesure où les avantages fiscaux s’appliquent sur le chiffre d’affaires et que les premiers exemplaires du 777X ne voleront qu’en 2020", s’interroge une source proche du dossier. "Les futures incitations fiscales non autorisées ne dépasseront pas les 50 millions de dollars par an", a précisé Boeing. L’avionneur américain pourrait faire appel de cette décision, ce qui pourrait reporter le verdict à 2018 ou 2019.
Cette annonce de l’OMC n’est que le énième épisode d’un conflit larvé entre les deux avionneurs entamé en 2004. A cette date, les Etats-Unis tirent un trait sur des accords bilatéraux établis en 1992 entre les Etats-Unis et l’Union européenne : ils établissaient les règles visant à équilibrer les aides financières versées par le gouvernement américain à son industrie aéronautique, ainsi que les prêts remboursables accordés à l'industrie aéronautique européenne. Dans la foulée, les Etats-Unis portent plainte à l’OMC, puis l’Union européenne embraye quelques semaines plus tard. Un troisième plainte sera lancée en 2014, encore côté européen, concernant le 777X : c’est celle-ci qui vient de faire l’objet de recommandations de la part de l’OMC.
Des industriels émergents aidés par leurs pays
Depuis, l’organisme distribue les bons et les mauvais points. En septembre dernier, l’OMC a condamné les aides européennes octroyées à Airbus, en particulier celles qui ont permis à l’avionneur de développer l’A350 (concurrent du 777X). Les deux avionneurs se battent à coup de milliards, arguant que les aides obtenues par le camp adverse représentent un manque à gagner pour leurs propres ventes. En décembre, l’OMC pourrait rendre des recommandations sur la plainte déposée en 2004 par Airbus.
Bien malin qui pourrait prédire l’issue de cette confrontation. Entre les procédures d’appels et les possibles nouvelles plaintes, le tout brouillé par les effets d’annonces des industriels, impossible de prévoir comment se réglera ce conflit. Seule certitude : pendant que les deux avionneurs s’écharpent, de nouveaux acteurs de l’aéronautique biberonnés aux aides d’Etat se déploient. C’est le cas du canadien Bombardier, qui a reçu pour 1 milliard de dollars d’aides publiques pour son programme CSeries, mais aussi du chinois Comac et de son C919. Comme Boeing, qui a attendu qu’Airbus lui fasse de l’ombre pour attaquer, les deux géants restent pour le moment silicencieux vis-à-vis de ces acteurs émergents.
Le 29 Novembre 2016
SOURCE WEB Par Usine Nouvelle
Les tags en relation
Les articles en relation

Boeing accusé d’avoir caché des documents cruciaux sur le 737 MAX
La crise du 737 MAX s’est aggravée ce vendredi. Le régulateur de l’aérien américain a en effet accusé Boeing de lui avoir caché des documents import...

Aéronautique : Implantation de la société canadienne Shimco au Maroc
Un accord de partenariat a été conclu à Rabat vendredi entre la Plateforme industrielle intégrée - Midparc et la société canadienne spécialisée dans le...

Boeing ne participera plus à la certification des 737 MAX
WASHINGTON (Reuters) - L'autorité américaine de l'aviation civile (Federal Aviation Administration, FAA), a informé mardi Boeing qu'elle serait l...

San Francisco a failli vivre "la plus grande catastrophe de l'histoire de l'aviation"
L'agence Fédérale Américaine De L'aviation a annoncé mardi l'ouverture d'une enquête après qu'un avion d'Air Canada, qui transport...

Airbus en juillet : 401 commandes, 46 livraisons et plus rien pour Qatar Airways
Airbus a enregistré le mois dernier 401 commandes, principalement en Chine, et livré 46 avions à 30 compagnies aériennes et sociétés de leasing. Mais il a...

Transport aérien : en l'absence du Boeing 737 MAX, l'été sera chaud
La suspension des livraisons du moyen-courrier de Boeing pourrait entraîner une pénurie d'avions cet été... et clouer au sol des passagers. Par Thierry ...

Voici pourquoi les Marocains du Canada vont investir dans l'aéronautique marocaine
Un premier forum dédié au développement de l'aéronautique du Maroc, à travers une forte contribution du réseau des compétences marocaines établi au ...

L’OMC en quête d’un nouveau directeur général, institution en crise
Le Brésilien Roberto Azevedo quitte ce lundi son poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en laissant une institution en cri...

Airbus, partenaire privilégié de l’industrie aéronautique au Maroc
Airbus est présent au Maroc depuis plus de 50 ans. Acteur majeur de l’industrie aéronautique dans notre pays, l’avionneur européen compte bien poursuivre...

Boeing 737 MAX : le constructeur avait caché les défauts de conception aux pilotes et aux régulat
Le rapport du Congrès intervient après 18 mois d'enquête, de nombreuses auditions et 600 000 pages de documents épluchées. Et le moins que l'on pui...

Abdelhamid Addou : «Nous accueillerons d’ici mars-avril prochain 12 nouveaux avions, dont 2 Dream
Nouvelles destinations, Air Algérie, flotte, match Boeing/Airbus, critères de choix du constructeur, concurrence du low-cost,… Abdelhamid Addou, PDG de Roya...

Le Maroc présente sa politique commerciale à l'OMC : Bilan et perspectives
Le Maroc se prépare à exposer sa politique commerciale à Genève au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), une démarche entreprise pour la s...