Réchauffement climatique Les enjeux des énergies renouvelables

Le Maroc opte pour un modèle de croissance «sobre en carbone»
Cela passe par des mesures dans le secteur de l’énergie et de l’eau
Gabriella Izzi: «Le Maroc a un plan ambitieux d’introduction d’énergies renouvelables que la Banque mondiale accompagne depuis plusieurs années, par exemple à travers l’appui à la mise en place du complexe Noor-Ouarzazate»
Selon les dernières conclusions du WEF, le changement climatique et l’atténuation de ses effets sont, pour la première fois, classés en tête des risques majeurs en termes d’impact qui pèsent sur l’économie mondiale. Le Maroc n’est pas épargné. Si les prévisions varient d’une zone à l’autre, il faut s’attendre à une baisse des précipitations, une augmentation de leur variabilité et une hausse des températures sur la quasi-totalité du territoire. Ceci menace directement les ressources en eau et avec elles le secteur agricole. Les actions pour limiter le réchauffement climatique concernent en premier lieu le secteur de l’énergie, qui contribue au Maroc aux deux tiers des émissions. C’est ce qu’explique Gabriella Izzi, spécialiste senior en Agriculture à la Banque mondiale à Washington.
- L’Economiste: Quelles sont les principales pistes pour tenter de limiter le réchauffement climatique?
- Gabriella Izzi: Le Maroc s’est fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions des gaz à effet de serre, qui imposent une redéfinition de sa trajectoire de développement économique vers un modèle de croissance «sobre en carbone». Cela passe par des mesures critiques dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans des secteurs amenés à jouer un rôle clé, notamment le secteur agricole.
L’agriculture au Maroc contribue environ à 16% des émissions. Le Plan Maroc Vert soutient des techniques qui permettent la réduction de ces émissions, ainsi que le stockage du carbone dans les terrains agricoles. Un exemple est le semis direct, c’est-à-dire le semis – surtout des céréales et forages – sans recours au labour. Cela permet de réduire les passages du tracteur, ce qui réduit la consommation de carburant et donc, les émissions. De plus, la technique amène à une augmentation de la matière organique dans le sol, et donc à stocker le carbone dans le terrain (plutôt que de le libérer dans l’atmosphère). Il est important de noter que les techniques «sobres en carbone» seront adoptées par les agriculteurs seulement si elles ont aussi des bénéfices à «court terme», ce qui est le cas pour le semis direct: moins de combustible conduit à une baisse des charges d’exploitation, et plus de matière organique signifie une meilleure production dans les années sèches, comme celle que le Maroc enregistre actuellement. Un modèle de croissance «sobre en carbone» ne peut néanmoins s’affranchir d’une réflexion plus large sur l’adaptation des cultures aux contraintes climatiques actuelles et futures, et d’une utilisation optimale des ressources du Royaume et de son potentiel en matière d’énergies renouvelables.
- Quels sont les scénarios et vos prévisions pour le Maroc?
- Une étude récente de la Banque mondiale sur les changements climatiques au Maroc montre que la diminution attendue des précipitations pour la période 2035-2065 par comparaison avec la période 1971-2000 varie de 10 à 35% selon les régions en se basant sur le scénario de changement climatique le plus probable (modèle IPCC A1). Les effets du changement climatique restent cependant difficiles à quantifier parce qu’ils dépendent de nombreuses hypothèses et scénarios de développement ainsi que du modèle adopté.
Au Maroc, si les prévisions varient d’une zone à l’autre, on peut globalement s’attendre à une baisse des précipitations, une augmentation de leur variabilité et une augmentation des températures sur la quasi-totalité du territoire. Ceci menace directement les ressources en eau et avec elles le secteur agricole et une très large partie de l’économie marocaine. Ce qui est primordial aujourd’hui, c’est d’abord de mettre en œuvre de façon décisive les mesures dites «sans regrets», c’est-à-dire qui visent une meilleure utilisation des ressources et promeuvent leur utilisation la plus efficace et valorisante possible, et d’intégrer l’analyse des impacts du changement climatique dans les plans et programmes de développement futurs.
- Il faudra aussi optimiser la gestion de l’eau…
- Aujourd’hui, environ 80% des ressources en eau du Royaume sont utilisées pour l’irrigation. L’agriculture irriguée représente la majorité des exportations agricoles et un maillon fondamental de la sécurité alimentaire du pays. En matière de réserves en eau, le changement climatique affecte significativement les précipitations, et par conséquent, le niveau de remplissage des barrages et le taux de renouvellement des nappes aquifères. En agriculture, ceci appelle à une meilleure valorisation de l’eau en tant que ressource limitée. Avec cet objectif, la Banque mondiale appuie le Plan Maroc Vert et le Programme national d’économie d’eau d’irrigation. Cette collaboration a porté, entre autres, sur l’amélioration du service de l’eau dans plusieurs périmètres de grande hydraulique alimentés par les grands barrages, ce qui représente un préalable pour une meilleure valorisation de l’eau. En effet, un accès individuel et en continu à l’eau d’irrigation donne la flexibilité à chaque agriculteur pour gérer l’irrigation sur la base des besoins en eau de la culture et dans la limite de son allocation. Cela offre la possibilité à l’agriculteur de privilégier des cultures à plus forte valeur (par exemple le maraîchage), et d’introduire des techniques d’irrigation plus performantes par rapport aux systèmes traditionnels (comme le goutte à goutte).
De plus, l’accès à l’eau en continu permet de limiter le recours aux éventuelles eaux souterraines par l’utilisation d’eaux de surface, réduisant ainsi la pression sur les nappes aquifères, souvent surexploitées. En résumé, ces systèmes d’irrigation performants, accessibles de façon individuelle et modernisés permettent non seulement de protéger l’environnement mais aussi d’améliorer les revenus des agriculteurs et de renforcer la sécurité alimentaire du pays.
Meilleure efficacité
Les actions pour limiter le réchauffement climatique concernent en premier lieu le secteur de l’énergie, qui contribue au Maroc aux deux tiers des émissions. Le Maroc a un plan ambitieux d’introduction d’énergies renouvelables que la Banque mondiale accompagne depuis plusieurs années, par exemple à travers l’appui à la mise en place du complexe Noor-Ouarzazate pour la production d’énergie solaire.
La Banque mondiale a aussi accompagné le gouvernement dans la révision du cadre juridique relatif à l’accès au réseau électrique national de moyenne tension, qui représente un préalable à la diffusion d’énergies renouvelables.
En parallèle, la réduction des subventions aux produits pétroliers et l’engagement décisif du Maroc en faveur d’une meilleure efficacité énergétique et gestion de la demande sont essentiels pour assurer l’indépendance énergétique, l’assainissement des finances publiques, l’inclusion sociale et la durabilité environnementale.
En ce qui concerne l’agriculture, le Fonds pour le développement agricole prévoit des subventions pour aider les petits et moyens agriculteurs à s’équiper de pompes avec panneaux solaires afin de réduire l’utilisation d’énergies fossiles et les dépenses associées. Par ailleurs, cela pose la question de l’impact d’un pompage moins cher sur les nappes aquifères déjà largement surexploitées au Maroc. La recherche du meilleur compromis doit donc être analysée avec attention.
Le 06 Février 2016
SOURCE WEB Par L’économiste
Les tags en relation
Les articles en relation

Énergies renouvelables. Onze millions d’emplois dans le monde, mais le photovoltaïque toujours d
L'énergie solaire photovoltaïque et l'éolien demeurent les secteurs les plus porteurs. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables ...

Google signe des contrats records d'approvisionnement en énergie renouvelable
Google a annoncé jeudi avoir signé 18 nouveaux accords énergétiques dans l'éolien et le solaire, représentant 1.600 megawatts (MW) en tout, afin de co...

Les coopératives s’intéressent au changement climatique
Les deux coopératives agricoles Bni Ouriaguel et Ariaf Kissane ainsi que l’association Al Yanboua pour la culture, le sport et le tourisme durable organisent...

Climat : un coup de froid sur l'Europe dans les décennies à venir ?
L'ONU estime qu'il y a peu de chance que les objectifs de la COP 21 soient atteints et que le réchauffement climatique se restreigne à 2 degrés. Selo...

Energies renouvelables : nouveaux accords entre le Maroc et Israël
Des scientifiques spécialistes de l’énergie originaires du Maroc et d’Israël ont été accueillis hier, jeudi 29 septembre, par le centre pour l’énerg...

Le développement durable en débat
L’Université Euro-Méditerranéenne (UEM) de Fès a abrité, mardi, un atelier sur le thème «Soutenabilité : vers un nouveau paradigme de développement e...

Industrie de l'énergie renouvelable : heureux comme Siemens au Maroc !
Une nouvelle usine à construire à Tanger, un appel d'offres gagné dans le domaine de l'éolien : l'industriel allemand a de quoi apprécier le ma...

Énergies renouvelables : Un big-bang institutionnel en mai 2016
Masen, Aderee, ministère ont monté un groupe de travail sur la nouvelle architecture institutionnelle du secteur. Un rapport sera publié dans les prochaines ...

Le réchauffement climatique rend les feux de forêts plus fréquents en Méditerranée
Lundi 24 juillet 2017, un violent incendie avait déjà brûlé plus de 400 hectares dans le massif du Luberon (Vaucluse). Une fréquence de feux de forêt accr...

Maroc : boom des batteries LFP pour l’énergie verte
Avec la montée en puissance des énergies renouvelables, les systèmes de stockage par batteries (BESS) connaissent un essor mondial rapide, atteignant 200 GWh...

Cop 22 : Adil Lazrak explique les raisons de la réussite
La 22è Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP22), tenue à Marrakech du 7 au 18 novembre, a ét�...