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Offre hôtelière : le talon d’Achille du tourisme au Maroc

Offre hôtelière : le talon d’Achille du tourisme au Maroc

Entre hôtels fermés et offre inadaptée, la capacité hôtelière au Maroc peine à se développer depuis quelques années, entravant la pleine exploitation du potentiel du secteur. Car au-delà de la communication, il ressort une quasi-stagnation des arrivées et des nuitées des visiteurs étrangers en 2023 par Accueil Qitab Archives News tech Politique Un rapport à l’avant Covid-19.

“nouveau cap historique” franchi avec 14,5 millions de visiteurs en une année, s’est félicité le ministère du Tourisme vendredi dernier à l’annonce du bilan des arrivées touristiques en 2023. Une performance “exceptionnelle” qui dépasse de 34 % celle de 2022, et de 12 % celle de 2019, année de référence du secteur, avant la pandémie du Covid-19 et la crise économique qui a suivi.

À première vue, de quoi se réjouir, mais tous les voyants ne sont pas au vert. Une analyse plus approfondie des chiffres révèle plusieurs lacunes qui interrogent sur l’efficacité de la stratégie de promotion de la destination “Maroc” et la qualité de l’offre touristique locale.

Une performance à nuancer

Selon les statistiques détaillées de l’Observatoire du tourisme, la croissance des arrivées de visiteurs étrangers s’est limitée à 1,5 % l’année dernière, passant de 7,04 millions en 2019 à 7,14 millions en 2023. Plus préoccupant encore, à l’exception des marchés espagnol et anglais qui ont affiché une évolution positive de 48,08 % et 23,18 % respectivement, les principaux marchés émetteurs ont tous connu une stagnation ou une régression. La France a enregistré une modeste croissance de seulement 0,4 %, tandis que les États-Unis ont accusé une baisse de 4,37 %, la Belgique de 16,83 %, l’Italie de 4,78 %, l’Allemagne de 32,08 %, la Hollande de 20,20 %, et de manière plus spectaculaire, la Chine a enregistré une chute vertigineuse de 64,87 %.

En effet, le record enregistré l’année dernière serait le seul fruit de l’engouement des Marocains du monde pour la mère patrie. Les arrivées de Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont progressé de 25 % par rapport à la même période de 2019, passant de 5,88 millions à 7,37 millions en 2023, représentant ainsi plus de la moitié du total des arrivées.

Autre indicateur de performance, le nombre de nuitées dans les établissements d’hébergement touristique classés. Mais là encore, on constate une contre-performance des marchés émetteurs. Si les chiffres à fin décembre n’ont pas encore été dévoilés, ceux à fin novembre font état d’une régression de 2,1 % des nuitées des visiteurs étrangers (y compris les MRE) entre 2019 et 2023, passant de 16,14 millions à 15,8 millions. Les nuitées des résidents (touristes internes) ont évolué quant à elles de 9,45 % durant la même période. Au total, le nombre des nuitées enregistrées durant les onze premiers mois de l’année dernière a évolué de 1,36 % par rapport à l’année de référence. Rien d’“exceptionnel”.

Un grand potentiel à exploiter

Parallèlement à ces résultats modestes, d’autres pays concurrents ont su tirer profit de la conjoncture et capter une grande partie de la demande. C’est le cas du Portugal, qui présente des atouts similaires au Royaume et qui vient de clôturer sa meilleure année touristique. En 2023, les établissements d’hébergement touristique portugais ont accueilli 30 millions d’hôtes pour un total de 77,2 millions de nuitées, soit respectivement une augmentation de 10,7 % et de 10 % par rapport à 2019. Les nuitées en provenance des marchés étrangers prédominent (69,7 % des nuitées totales en 2023), avec la croissance la plus importante (+14,9 %). Le marché domestique a contribué quant à lui à hauteur de 23,4 millions de nuitées avec une progression de +2,1 %.

“La demande touristique a été très forte cette année, mais nous n’avons pas su en tirer profit. Nos principaux marchés concurrents nous ont dépassés de loin. C’est le cas du Portugal, mais également de la Croatie qu’on dépassait en 2010. Ce pays de 4 millions d’habitants a enregistré 20,9 millions d’arrivées et 108 millions de nuitées l’année dernière. Sans parler de la Turquie qui devrait finir l’année avec environ 48 millions de touristes étrangers”, regrette l’expert en Tourisme Zoubir Bouhoute.

Pour cet ancien président du Conseil provincial du tourisme de Ouarzazate, plusieurs facteurs expliqueraient ce manque à gagner pour le tourisme local, à commencer par le manque de diversité dans les connexions aériennes avec le Maroc et la faible fréquence de celles déjà existantes. De plus, plusieurs lignes de la Royal Air Maroc (RAM) ont été annulées durant la crise du Covid-19 et n’ont toujours pas repris.

Le ministre du Transport et de la Logistique, Mohammed Abdeljalil, a indiqué lundi à la Chambre des représentants que 33 villes européennes sont reliées aux villes marocaines grâce à la RAM, alors qu’elles étaient au nombre de 43 avant la crise sanitaire. Selon le ministre, le contrat-programme 2023-2027 entre le gouvernement et la compagnie aérienne, qui prévoit de porter la flotte à 200 avions, permettrait néanmoins de rétablir progressivement les lignes annulées et d’instaurer de nouvelles liaisons.

Besoin d’investissement En attendant le renforcement de la flotte de la RAM, les liaisons année, mais nous n’avons pas su en tirer profit” établies par d’autres compagnies internationales pourraient combler le vide et assurer le pont aérien entre le Maroc et ses différents marchés émetteurs, à condition de réaliser les investissements suffisants pour démarcher ces compagnies. “Un grand effort a été déployé pour la promotion de la destination Maroc. Plusieurs contrats ont été signés avec des compagnies aériennes ces derniers mois, mais le retard accusé dans le déblocage des budgets a entravé la concrétisation de ces efforts à temps”, explique Zoubir Bouhoute.

Cet expert fait référence au budget d’investissement du ministère du Tourisme programmé dans la Loi de finances 2023, qui devait relancer un secteur en sortie de crise, mais qui est resté quasiment le même que celui programmé un an auparavant, aux alentours de 600 millions de dirhams. Il aura donc fallu attendre mai 2023 pour la programmation d’une rallonge budgétaire de 1,2 milliard de dirhams pour la mise en œuvre d’une nouvelle feuille de route visant à relancer le secteur.

Mais au-delà des dessertes aériennes, c’est surtout le manque de capacité hôtelière locale qui fait défaut au secteur. Zoubir Bouhoute explique que plusieurs compagnies aériennes ne programment pas de vols à destination du Maroc, car elles savent au préalable que les grandes villes touristiques, comme Marrakech et Agadir, risquent d’afficher complet durant la haute saison. C’est le cas des grands tour-opérateurs aussi qui privilégient des destinations dotées d’importantes capacités hôtelières afin de négocier des contrats conséquents, avec des marges plus importantes.

Le manque de capacité hôtelière serait également la cause de la cherté des tarifs d’hébergement dans les hôtels classés au Maroc, constituant ainsi un grand frein au développement du secteur qui fait face à une forte concurrence internationale. “L’offre hôtelière au Maroc est relativement faible par rapport à d’autres pays, ce qui renchérit les tarifs par manque de concurrence. Cette situation nous fait perdre énormément de clients qui privilégient des destinations plus abordables”, déplore le patron d’une agence de voyages à Casablanca.

Le casse-tête des hôtels fermés

Selon le ministère de tutelle, la capacité hôtelière actuelle s’élève à environ 300.000 lits. Néanmoins, une grande partie de cette capacité est inexploitable. Selon des sources professionnelles, il s’agirait d’environ 40.000 lits hors service, notamment à Marrakech, Agadir et Ouarzazate, où une cinquantaine de complexes hôteliers sont fermés depuis plusieurs années.

Interrogé par TelQuel, le président de la Fédération nationale de l’Industrie hôtelière (FNPI), Lahcen Zelmat, explique qu’une grande partie de ces hôtels sont fermés depuis plusieurs années, bien avant l’avènement de la crise sanitaire. La raison est double : d’une part, des coûts de rénovation importants que les propriétaires ne peuvent plus assumer, et d’autre part, un désintérêt dans le secteur que certains professionnels ne perçoivent plus comme rentable.

“Tous ces hôtels ont besoin de rénovation pour rouvrir, mais les propriétaires n’ont pas les moyens de le faire. Même si ces établissements sont amortis, ils préfèrent investir dans d’autres projets plus rentables. Mais il est impératif de trouver des solutions pour réaménager ces hôtels ou inciter les propriétaires à les vendre”, précise le président de la FNPI.

Et d’ajouter : “Pour le moment, il n’y a rien d’encourageant à investir dans le secteur. Les charges des hôtels sont trop lourdes, tout comme la fiscalité. Il est plus rentable de construire un immeuble et de le vendre que de construire et d’exploiter un hôtel.”

Cette problématique a été soulevée par la ministre du Tourisme Fatim-Zahra Ammor le 16 janvier dernier à la Chambre des représentants. En réponse à une question orale, la ministre a assuré que son département travaillait à résoudre ce dossier pour renforcer la capacité hôtelière nationale, d’autant plus que le royaume s’apprête à accueillir deux grandes manifestations sportives : la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du monde en 2030. La tutelle compte ainsi sur le soutien des investisseurs internationaux pour reprendre et ouvrir ces hôtels, en plus de l’implication du Fonds Mohammed VI pour l’investissement et des incitations prévues dans le cadre de la nouvelle charte de l’investissement.

À Ouarzazate, on recense, entre autres, l’hôtel Belere (276 chambres), l’hôtel La Palmeraie (130 chambres), ainsi que le Riad Salam (62 chambres) et le Tichka Salam (102 chambres). Madaëf, la société d’investissement touristique, filiale de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), a récemment chargé la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT) de trouver des investisseurs intéressés par l’acquisition de ces deux derniers complexes.

À Marrakech, on retrouve notamment l’hôtel Club Sango (324 chambres), récemment acquis par le groupe Pickalbatros, ainsi que l’hôtel Tichka Salam (138 chambres) et le Sémiramis (185 chambres), tous deux confiés à la SMIT pour trouver des repreneurs.

Du côté d’Agadir, il s’agit d’une quinzaine d’hôtels fermés, dont le Palais des Roses, le Club Med Agadir, La Kasbah, l’Atlantique, Les Oumayades, le Kempinsky Royal, et l’hôtel Igoudar. À Casablanca, on retrouve surtout le Royal Mansour, dont l’ouverture a été annoncée en janvier 2024, mais toujours attendue, et l’Hôtel Lincoln, dont les travaux de réhabilitation devraient s’achever en 2025.

De nouveaux projets attendus

Au-delà de la capacité inexploitée, de nouveaux projets annoncés devraient stimuler l’offre touristique nationale au cours des prochaines années. La dynamique économique du pays et les événements sportifs attendus ont suscité l’intérêt de grands acteurs internationaux qui y voient une opportunité pour répondre à la future demande.

C’est le cas notamment du groupe français Accor. Présent à travers 41 hôtels et des marques comme Ibis, Sofitel, Fairmont et Pullman, le groupe espère doubler son offre hôtelière dans le Royaume en vue de la Coupe du monde 2030. Accor — qui dispose d’un “parc” de près de 6000 chambres d’hôtel au Maroc — espère franchir le cap des 12.000 chambres lorsque le Royaume accueillera la compétition dans un peu plus de six ans. Plusieurs grands groupes hôteliers espagnols œuvrent également à renforcer leur présence au Maroc pour profiter du potentiel touristique du pays, a écrit il y a deux semaines le quotidien espagnol El País.

Parmi ces grands hôteliers, le média cite le groupe majorquin Barcélo qui compte déjà huit hôtels dans six villes marocaines (Rabat, Casablanca, Marrakech, Tanger, Fès et Agadir) avec plus de 1600 chambres. Il s’agit également de Riu (avec déjà cinq établissements hôteliers), Iberostar (trois hôtels) et Meliá qui possède un hôtel à Marrakech et étudie de nouvelles opportunités d’expansion.

Le 01/02/2024

Source web par : Telquel

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