Une élite économique parasite
L'élite economique est-elle patriote ? La question est sans doute polémique mais elle mérite d'être posée. Si elle vient à l'esprit, c'est en echo aux critiques recemment assenees par le président du patronat et digne representant de cette elite à l'encontre du gouvernement. Le propos du président de la CGEM vis-à-vis de l'Exécutif est imbibé d'acide. Selon Chakib Alj, qui s'est longuement epanche dans la presse, le gouvernement fait preuve d'une trop grande lenteur dans la mise en musique des réformes nécessaires à la relance économique.
Pour resumer, le porte-voix du patronat reproche au gouvernement d'avoir failli a ameliorer le climat des affaires, préalable nécessaire à l'épanouissement du capital.
Autrement dit, si le secteur privé n'investit plus dans l'économie productive, c'est la faute à une équipe gouvernementale incapable de lui baliser le terrain, d'assouplir les lois et tutti quanti.
Or, en prenant un peu de recul, on est frappe par l'absurdité de ces accusations. D'abord parce que ce gouvernement, chapeauté par un parangon de la grande bourgeoisie des affaires, et dans lequel pullulent des technocrates au libéralisme indécrottable, a sans doute plus fait pour les grandes entreprises que n'importe quel gouvernement avant lui.
Des son election fin 2021, Akhannouch, malgre des finances publiques exsangues, a débloqué 13 milliards de dirhams pour rembourser les crédits TVA aux entreprises, soulageant instantanement leurs tresoreries.
Sa première Loi de Finances a été un modèle de générosité à l'égard du capital privé: baisse substantielle de l'IS et de l'impot sur les dividendes, activation d'une charte de l'investissement qui subventionne les investissements industriels, gel des tarifs de l'électricité sur les grands complexes industriels malgre l'inflation, subventions des societes de transport, injection de 2 milliards de dirhams d'aides aux établissements hôteliers, maintien des niches fiscales (plus de 30 milliards de dirhams annuels) à des niveaux élevés en dépit de leur effet plus que douteux sur l'investissement.
Cette annee encore, le gouvernement a cede sur des taux de TVA plus ramasses sur demande du patronat. Il a même baisse les droits de douane pour les importateurs de 40 à 30%. C'est bien simple, le patronat exige, le gouvernement acquiesce. Et il le fait au sacrifice d'une classe moyenne qui attend la proverbiale réforme de l'impôt sur le revenu depuis Mathusalem. Avec tout cela, le patronat se paie quand même le luxe de critiquer les "lenteurs" du gouvernement. Le patronat ne manque décidément pas de toupet !
Par un reflexe pavlovien, les commentateurs, dont nous sommes, sont prompts a reprocher au gouvernement les mauvais resultats recoltés en matière de croissance et d'emploi. En 2022, l'economie a detruit 24.000 emplois.
Rebelote en 2023 : elle devrait en détruire à peu près 300.000. Si la responsabilite de l'Executif est clairement engagée dans ce fiasco, personne ne parle de celle, immense, du patronat.
Or, les patrons representes par la CGEM sont tout aussi coupables. Assis sur la batterie d'incitations offertes par le gouvernement pour investir et genérer du travail, ils n'ont pas bouge le petit doigt. C'est la triste realité. Cette timidité des patrons quant à la prise de risque ne date pas d'hier. Sous les deux gouvernements Benkirane et El Othmani, le narratif consistait à dire que l'absence d'investissement du secteur privé avait pour but d'eviter de servir aux islamistes de bons résultats économiques sur un plateau.
Sauf que la tendance perdure sous le gouvernement libéral actuel. S'il y a bien quelqu'un qui peut redonner le désir d'investir aux grands patrons du privé, c'est bien le pape du business Akhannouch. Il faut croire que non ! On peut en deduire que cette bourgeoisie est régie par un individualisme exacerbé qui fait sien le credo suivant : "Apres moi le deluge". L'histoire recente du royaume en fait foi. Des lors qu'une bulle de profits s'est presentee à nos industriels locaux, beaucoup se sont empresses de brader leur outil productif, licenciant des milliers d'ouvriers, pour placer leurs billes dans des aventures spéculatives au ROI juteux.
Bourse, immobilier, OPCI, fonds d'investissements, tout y passe. Si bien qu'en epluchant les comptes des grandes entreprises, on constate une stagnation, voire une contraction d'activité, avec, en parallèle, l'amplification inouïe des patrimoines de leurs dirigeants (souvent détenteurs de doubles nationalites au cas où) : actifs financiers, cash, foncier, propriétés, œuvres d'art, voitures de luxe, comptes offshore, etc.
Certains, sans les citer, ont même réalisé des plus-values depassant le milliard de dollars, sans jamais concretement les investir dans leur pays.
« Suspicieux envers leur propre pays malgre son élan actuel, les pontes du business s'engraissent"
Reda Dalil
Il n'est pas etonnant qu'au Maroc, hors État, entreprises publiques et la holding royale Al Mada, l'essentiel des grands investissements soit le fait de structures chinoises ou européennes. Suspicieux envers leur propre pays malgre son elanactuel, les pontes du business s'engraissent, préférant profiter des délices de la vie au lieu d'améliorer celle de leurs compatriotes. Et, en prime, se permettent de critiquer un gouvernement qui les régale en legislations accommodantes. Ce paradigme est mortifère. Jamais un pays n'a pu relever la tête avec une grande bourgeoisie aussi autocentree. Alors, l'élite economique est-elle patriote ? À vous d'y répondre ...
Le 22/12/2023
Source web par : telquel
www.darinfiane.com www.cans-akkanaitsidi.net www.chez-lahcen-maroc.com
Les tags en relation
Les articles en relation
Aïd Al-Adha : attention aux fake news sur le prix des moutons
Pour un mouton importé pesant 50 kilogrammes, les ménages marocains devraient s'attendre à dépenser près de 3.000 dirhams. Des ovins de cette rangée �...
Code commerce: La Justice en tournée nationale
Le ministère de la Justice va tenir des rencontres régionales pour présenter la réforme des entreprises en difficultés aux praticiens. Le 1er rendez-vous s...
Ouverture des frontières: Le gouvernement lâche le tourisme?
Et détourne son regard des problèmes du secteur Pas de date pour la réouverture des aéroports et 2021 compromise Les opérateurs du tourisme n’ont r...
Crédits: comment BAM, le GPBM et la CGEM veulent relancer la machine
Le GPBM, la CGEM et BAM ont élaboré un projet de mémorandum incluant une série d'actions répondant aux 5 problématiques majeures qui expliquent le ral...
Propos de Mezouar sur l’Algérie: L’exécutif dénonce une démarche maladroite
Lors d’une conférence internationale à Marrakech, à laquelle la confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) était partenaire, le patron de ...
Patronat basque : Le Maroc, une destination de choix pour les opérateurs économiques étrangers
Le Maroc a mis en place une stratégie sectorielle claire et bien définie’’ pour assurer une croissance économique soutenue et se consolider comme une des...
Dialogue flou
Le CESE, dans son rapport 2017, insiste sur le dialogue social. Il demande, entre autres, «l’institutionnalisation». On peut entendre la demande de manière...
Fouzi Zemrani: La majorité des professionnels du tourisme ne veulent pas réintégrer la CGEM
Une assemblée générale extraordinaire a voté, vendredi 11 mai, pour le maintien de la CNT en dehors de la CGEM. Selon son vice-président sortant Fouzi Zemr...
Tourisme: Le retour de Kabbaj avec Hamid Bentahar dans la course à la présidence de la CNT ne fait
Alors qu’il s’était engagé à ne pas rempiler à la tête de la Confédération nationale du tourisme, le président sortant publie une lettre où il expo...
Jouahri déplore le faible rendement socioéconomique de l’investissement
Le Maroc consent un effort d’investissement important et constant, mais qui donne lieu jusqu’à présent à une croissance économique insuffisante, en tend...
#Tourisme_Maroc : Donnez-nous les moyens de notre optimisme !
A priori, Mme la Ministre du Tourisme reçoit, cette après-midi de jeudi 05 janvier, les professionnels membres de la CNT pour débattre de la feuille de route...
#MAROC_Tourisme_CNSS : Le ministre des finances va prolonger l'indemnité CNSS jusqu’à mars 2021
S’il n’a donné aucun détail, Mohamed Benchaâboun a semblé sensible à la demande d’avenant du président de la CNT pour sauvegarder à la fois les ent...