Tourisme. Pourquoi le Maroc stagne ?
Alors que la stratégie touristique 2020 visait 20 millions de touristes, le Maroc est encore loin du compte avec seulement 11 millions d’arrivées. La digitalisation risque de court-circuiter les canaux historiques alors que les professionnels y sont peu ou prou préparés.
Cela fait un bon bout de temps que le tourisme n’a pas eu ses assises. Celles de 2014 ont manqué de jus tant et si bien que les professionnels en parlent peu ou prou. Ce vide a été partiellement comblé par le Symposium international du tourisme, organisé en avril 2018 à Rabat par le Conseil du développement et de la solidarité (CDS), présidé par Mohamed Benamour, en partenariat avec la CGEM. L’événement se présente comme l’unique référence en termes de réfl exion sur les enjeux du secteur. Du moins jusqu’aux prochaines assises. Et le CDS a eu l’ingénieuse idée d’éditer un rapport d’une centaine de pages qui regroupe l’ensemble des interventions d’une quarantaine de participants de qualité. D’entrée de jeu, plusieurs questions ont été formulées par Benamour : Comment le Maroc peut-il devenir une destination de pointe et faire du tourisme un fer de lance de son économie et son ouverture au monde ? Comment s’adapter aux nouvelles technologies dans le secteur et la robotisation des services ? Et enfin quelle réponse apporter aux changements des métiers et des rouages de l’industrie touristiques. Vu à travers le prisme de l’emploi, le tourisme peut apporter des solutions pour une large frange de la jeunesse qui se trouve en dehors de la dynamique économique et sociale du pays.
Selon le HCP, un jeune sur trois, âgé de 15 à 24 ans n’a pas d’emploi et ne suit aucune formation. Une vraie bombe à retardement. Le tourisme peut apporter une réponse rapide et viable à la problématique du chômage au Maroc. Par la diversité de ses métiers, ce secteur, laissé en friche pendant de longues années, peut être repositionner de manière intelligente et ouvrir des perspectives d’emploi inégalées. En employant plus de 500.000 personnes de manière directe, il s’érige en véritable industrie. Pour Benamour, les activités touristiques et l’hôtellerie favoriseront la production locale de biens d’équipement. Il participera également à la promotion des technologies de l’information et à la réduction de la fracture numérique. Cet effet multiplicateur est mondialement connu à condition d’en créer les conditions en termes d’aménagement du territoire et de promotion culturelle. Or, le secteur traine le boulet d’une gouvernance éclatée entre plusieurs instances sans fil conducteur ni cohésion d’ensemble.
Aujourd’hui, les chiffres sont prometteurs mais cachent des faiblesses. Le secteur est le premier pourvoyeur de devises avec 65 MMDH, soit un quart des réserves. Il a atteint 11 millions de touristes en 2017. Mais si 6 millions de nouveaux touristes ont été attiré en 15 ans, depuis 2010, le secteur fait quasiment du surplace. Meriem Bensalah, présidente de la CGEM, avait attiré l’attention sur la régression sur les deux marchés traditionnels du Maroc à savoir la France et l’Espagne. S’y ajoute la dégradation du taux d’occupation des hôtels à moins de 40% contre 52% en 2000. En d’autres termes, la logique arithmétique basée sur le nombre des arrivées doit être revue à la lumière de leur qualité. Entre-temps, le tourisme intérieur a joué le rôle de bouée de sauvetage pour plusieurs destinations. En effet, certaines destinations comme Ouarzazate, Fès ou Meknès, ont vu le nombre de leurs visiteurs étrangers décroître. Encore une fois, le vieux démon de la capacité litière remonte à la surface. Bensalah avait raison de parler d’incohérences. Alors que Marrakech est en surcapacité avec 71.000 lits hôteliers, Casablanca peinerait à accueillir un congrès de 5.000 personnes qui veulent loger dans des hôtels haut de gamme. S’ajoute à cela le basculement de la demande vers les logements touristiques alternatifs comme les maisons d’hôtes, les résidences hôtelières et les Airbnb.
Par ailleurs, certains efforts louables comme la diversification des marchés n’ont pas été accompagnés d’une réelle adaptation de l’offre touristique. C’est le cas par exemple des 100.000 touristes chinois qui visitent le Maroc, mais qui souvent ne trouvent pas leur compte en produits touristiques adaptés. L’ambassadeur chinois à Rabat, Li Li, a plaidé dans ce sens pour les 3 C : la connexion aérienne, la communication et la compréhension. En effet, la barrière de la langue est à ce niveau handicapante alors que le marché chinois malgré son éloignement est l’un des plus prometteurs. La digitalisation représente aussi un enjeu d’avenir pour le secteur. Luc Chatel, ancien ministre du tourisme français, avait mis en relief cette évolution en la qualifiant de révolution. La digitalisation est un vecteur de qualité à travers le système de notation. Sur les sites de conseil voyage, tout le monde est noté et cela constitue un gage de confiance et de qualité pour de plus en plus d’utilisateurs. L’autre révolution est celle de Airbnb. À paris, il y a 80.000 chambres d’hôtel, et en 2017, il y a eu 400.000 offres de Airbnb en ligne. Le modèle économique des professionnels du secteur s’en trouve chamboulé et c’est une tendance qui s’inscrit dans le long terme. Ce chamboulement est aussi palpable dans l’autre sens. Les touristes marocains trouvent de plus en plus leur compte dans les destinations européennes, moins chères et plus dépaysantes. En 2017, 711.000 marocains ont visité l’Espagne, soit le double qu’en 2015. Aujourd’hui, si le bilan touristique n’est pas mauvais avec plus de 11 millions de visiteurs, le royaume est encore loin de ses objectifs. La stratégie 2020 avait pour objectif 20 millions de touristes, 140 milliards de recettes et 470 000 emplois supplémentaires. Nous en sommes encore très loin. Un diagnostic est nécessaire pour comprendre les raisons de ce décalage. Mais certainement, la diversification de l’offre n’a pas été au rendez-vous. La focalisation sur le balnéaire en omettant de mettre en avant les as
ects culturels et de terroirs n’est plus une bonne stratégie.
Question de valorisation
L’accompagnement du secteur touristique se fait à travers plusieurs instruments comme la mise à disposition du foncier. Citons-en aussi un système de dispositions fiscales avantageuses pour le secteur, la mise en place de fonds tels que les fonds de relève et d’autres mécanismes de financement. Il existe toute une palette d’instruments du fonds de garantie, qui permettent une garantie jusqu’à 50 millions de dirhams sur un projet. S’y ajoute des fonds pour améliorer l’accès des PME au financement, la mise en place d’un nouveau cadre légal sur le fonds commun de placement en investissements immobiliers, qui est une nouvelle modalité de financement pour le secteur. Les moyens de l’ONMT ont doublé en 4 ans pour atteindre 650 millions de dirhams en 2017 contre 330 millions en 2013. Toutefois, selon une récente étude, il existe plus de 1500 sites au Maroc qui pourraient accueillir des investissements touristiques d’envergure, alors 25% seulement sont valorisés.
Le 23/05/2019
Source web Par Les Eco
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