Keynes serait-il marocain??

Il faut se méfier des superlatifs. Souvent leur emploi cache un intérêt sous-jacent ou une flatterie mal dissimulée. Comme prévu, le dévoilement du dispositif d’aides aux familles par Aziz Akhannouch, le lundi 23 octobre, a donné lieu à une litanie de superlatifs : “révolutionnaire”, “historique”, “exceptionnel”. Sans joindre notre voix au chœur des jusqu’au-boutistes de l’enthousiasme, il faut être de bonne foi et constater que le programme proposé par le gouvernement revêt un caractère inédit.
Pour résumer (lire notre dossier), des millions de familles avec ou sans enfants, ne bénéficiant pas de la sécurité sociale, recevront un soutien financier mensuel pouvant aller de 500 à 1200 dirhams, selon les cas.
Le plus intéressant dans la démarche du gouvernement est son inclusivité. Ainsi, les chefs de famille récipiendaires de l’aide peuvent disposer d’un revenu allant jusqu’à 6000 dirhams et être quand même soutenus. Nous parlons de 10 millions de Marocains qui devraient bénéficier de cette nouvelle génération d’allocations. Autre point intéressant : l’aide de l’État est conditionnée à la poursuite des études des enfants du foyer, et à leur suivi médical en bas âge. Enfin, et c’est peut-être là la surprise du chef pour ceux qui connaissent bien ce dossier, son financement ne dépendra que partiellement de la décompensation des produits subventionnés.
Les aides sociales ne se substitueront pas à la Caisse de compensation. La bonbonne de gaz butane ne sera jamais proposée au prix du marché. Elle connaîtra une augmentation de 10 dirhams par an sur trois ans avant d’être plafonnée. Ce paradigme étonnant, il faut le dire, pour un État soucieux de réduire sa dépense publique, signifie que ni les classes populaires ni les classes moyennes ne seront brutalement impactées dans leur pouvoir d’achat.
Plus de 29 milliards de dirhams annuels seront transférés, en 2024, des caisses de l’État vers les poches de Marocains précaires. La ruralité en profitera de même que les périphéries urbaines et les régions enclavées. Ce dispositif était certes prévu et fait suite à la généralisation de l’AMO, première brique de l’État social voulu par Mohammed VI, mais il désarçonne par son ambition. Surtout, il marque un changement de paradigme radical.
Pendant longtemps en effet, beaucoup ont pu reprocher à l’État de privilégier les investissements dans les infrastructures au détriment du capital humain. La critique n’était pas inexacte. Tandis que le Maroc s’engluait dans les profondeurs de l’Indice humain de développement (126e sur 180 pays), il fleurissait dans le même temps de gares et d’aéroports rutilants, de sièges administratifs luxueux et du nec plus ultra des infrastructures de mobilité. Tout cela était bel est bon et a fini par être rentable, mais cette débauche de moyens consacrés à la “pierre” laissait dans l’esprit des Marocains un arrière-goût d’inachevé.
Puis, le Covid est passé par là et une fibre sociale s’est très vite cristallisée au plus haut niveau de l’État. Elle a donné lieu à un financement dopé des ministères de la Santé et de l’Éducation, une généralisation rapide de l’AMO et, très bientôt donc, à des aides financières directes fléchées aux Marocains. Cette même fibre s’est exprimée au lendemain du séisme d’Al Haouz, où l’État ne s’est pas contenté de mobiliser des fonds pour réhabiliter la région sinistrée, mais l’a dotée d’un nouveau modèle de développement estimé à 120 milliards de dirhams sur 5 ans.
L’État revendique (enfin !) la volonté de réduire les inégalités sociales sans faire confiance à la main invisible du marché
Réda Dalil
Bien sûr, les mordus du détail — et nous en faisons partie — ne manqueront pas de froncer les sourcils devant un mode de financement trop optimiste pour ce chantier herculéen. Néanmoins, notre journal, qui s’est érigé contre cette théorie du ruissellement consistant à espérer que le développement du secteur privé irriguerait les classes moyennes et populaires, ne peut que voir d’un bon œil une politique de redistribution qui s’assume. Une politique qui fera profiter les citoyens démunis des fruits de la croissance. L’État revendique (enfin !) la volonté de réduire les inégalités sociales sans faire confiance à la main invisible du marché. Avec l’AMO, et bientôt la revalorisation des retraites et les indemnités pour perte d’emploi, les jalons d’un État-providence sont posés, mais devront être consolidés par un déploiement efficace et intelligent. Sous peine de corrompre un bel idéal par une exécution moyenne. Sans utiliser de superlatifs, nous dirons que tout cela avance dans la bonne direction.
Le 27/10/2023
Source web par : telquel
www.darinfiane.com www.cans-akkanaitsidi.net www.chez-lahcen-maroc.com
Les tags en relation
Les articles en relation

Interrogations autour de la démission de Nabila Rmili
Coup de théâtre au ministère de la Santé et de la Protection sociale. Six jours après sa nomination à la tête de ce département, Nabila Rmili a été d�...

Parité dans la fonction publique marocaine : progrès et défis
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, une conférence organisée ce vendredi à Rabat a mis en évidence la sous-représentation ...

Où en sont les travaux de la zone touristique et balnéaire d’Agadir?
Le président de la Commune urbaine d’Agadir, Aziz Akhannouch s'enquiert de l’état d’avancement des travaux de mise à niveau de la zone touristique ...

Les Envois de Fonds : Un Pilier Vital pour l'Économie Marocaine avec 11,8 Milliards de Dollars en 2
En 2023, les envois de fonds vers le Maroc ont atteint 11,8 milliards de dollars, représentant 8,2% du PIB du pays. Ces flux financiers ont surpassé les inves...

Nouvelle colère du roi Mohammed VI
À l’horizon 2025, la pénurie d’eau se fera pressante, avec une réserve de 500 m3 d’eau potable, contre 720 m3, aujourd’hui, et, 1700 m3, dans les ann...

La CAF Annonce les Dates Officielles de la CAN 2025 et de la CAN Féminine 2024 au Maroc
La Confédération africaine de football (CAF) a officiellement dévoilé les dates de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 et de la CAN féminine 2024, ...

#MAROC_NIGERIA_PROJETS: Echange téléphonique entre le roi et le président du Nigéria pour relanc
Le roi Mohammed VI a eu un entretien téléphonique ce dimanche soir 31 janvier avec le Président nigérian, Muhammadu Buhari. Parmi les sujets évoqués: les ...

#Maroc_Moulay_Hassan: Le prince a atteint l’âge de la majorité
Le prince héritier du royaume du Maroc, Moulay El Hassan, fils du roi Mohammed VI et de la princesse Lalla Salma, atteindra l’âge majeur dans moins de deux ...

Le message du roi Mohammed VI à Trump
Le roi Mohammed VI a adressé un message au président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépe...

Mohammed VI : Le Maroc tient à échanger avec les pays frères les savoir-faire qu'il compte à son
Le Maroc, fier de son appartenance arabe, islamique et africaine, tient fermement à mettre à la disposition des pays frères et amis son capital humain et à ...

Séisme Al-Haouz : bilan de la reconstruction deux ans après, entre avancées et défis sociaux
Deux ans après le séisme d’Al-Haouz, la reconstruction des zones sinistrées progresse de manière significative sous l’impulsion du programme gouvernemen...

#MAROC_DEBUT_MOIS_RAJAB: Le mois de Rajab débute samedi
Le mois de Rajab de l’an 1442 de l’Hégire débute ce samedi 13 février 2021, a annoncé, vendredi, le ministère des Habous et des Affaires islamiques. Da...