Vers un nouvel ordre mondial ?
La guerre continue de faire rage en Ukraine et les images qui nous parviennent du conflit interpellent à la fois notre humanité et notre mémoire tant les similitudes avec la chronologie de la seconde guerre mondiale sont nombreuses. Et, si le monde évite, par miracle ou chance, une escalade militaire qui impliquerait les membres de l’OTAN et l’utilisation de l’arsenal nucléaire, les conséquences sur la répartition des forces au niveau international seront majeures et structurelles pour le monde de demain.
L’interdépendance des économies mondiales, notamment sur les matières premières, va laisser place petit à petit à une nouvelle forme de protectionnisme, une recherche de souveraineté et d’indépendance, énergétique et alimentaire d’abord, mais ensuite dans d’autres secteurs, la relocalisation remplaçant la délocalisation longtemps prônée comme la panacée de la mondialisation.
Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne, déclarait en 2020 : “Le manque de solidarité fait courir un danger mortel à l’Europe”. Si cette inquiétude prémonitoire n’a pas été entendue à sa juste valeur à l’époque, il est certain aujourd’hui que Poutine a donné une bonne raison aux Européens de s’entendre sur un projet politique de défense commune. Les dissensions entre les pays de l’Est et ceux de la vieille Europe, qui ont affaibli le discours commun ces dernières années, seront remplacées par la même cohésion qui a produit la construction européenne au lendemain de la seconde guerre mondiale. Même le réarmement de l’Allemagne devient possible à l’heure du conflit ukrainien sur le territoire européen.
Autre conséquence et non des moindres, le volet humanitaire de la guerre en Ukraine est en train de créer un précédent dont il faudra retenir les enseignements plus tôt que tard. En effet, l’empressement des États européens à organiser l’accueil des réfugiés ukrainiens, couplé aux discours populistes à droite comme à gauche, révèlent à minima la différence de perception des opinions publiques occidentales quant à la notion de réfugiés. Force est de constater que les réfugiés ne manquent pas dans le monde et que si le conflit ukrainien est d’une actualité brulante, les vingt dernières années ont mis sur les routes des millions de réfugiés syriens, libyens, irakiens, kurdes, pour ne citer qu’eux, qui n’ont pas connu la même mansuétude de la part des Européens. Pire, le traitement des réfugiés non européens, étudiants en tête, aux frontières de l’Ukraine, témoigne également d’une certaine forme de discrimination raciale qu’il est difficile d’omettre.
La politique africaine du Maroc depuis l’avènement du Roi Mohammed VI prend encore plus de sens dans ce contexte. En effet, le Maroc doit tirer les conclusions de ces changements structurels chez nos alliés et partenaires. Nous devons à tout prix mettre en place une politique d’intégration et de régularisation des migrants et continuer de développer nos partenariats économiques en Afrique comme débouchés pour notre économie et pour assurer le co-développement des économies africaines. Car, si l’Europe se replie sur elle-même, c’est le Maroc qui subira en premier lieu l’impact des flux migratoires que les guerres et le dérèglement climatique ne manqueront pas d’accentuer dans les années à venir…
Le 10 mars 2022
Source web par : lnt
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