Relance de l'économie, PLF 2021, taux d’endettement… Benchaâboun livre ses plans
Un projet de contrat-programme est en cours d'élaboration. Ce qui permettra d'insuffler une nouvelle dynamique pour accompagner sa relance et sa transformation. Les mesures prévues dans ledit projet permettront de retrouver les performances de 2019 dès l’année 2022, et récupérer ainsi plus de 5 millions de touristes, 28 milliards de DH de recettes voyages en devises et assurer le maintien d’au moins 80% des emplois stables sur la période 2020-2022.
«Nous restons aussi vigilants pour ne pas compromettre notre souveraineté économique et financière, en mettant en œuvre tous les moyens et toutes les actions nécessaires pour revenir rapidement à une situation économique normale, à même de préserver nos équilibres fondamentaux», a souligné Mohamed Benchaâboun
- L’Economiste: Dans son discours du Trône, le Souverain a décliné un véritable plan Marshall pour la relance de l'économie. Comment comptez-vous traduire les orientations royales?
- Mohamed Benchaâboun: Lors de son discours, SM le Roi a annoncé la mobilisation de 120 milliards de DH, soit 11% du PIB pour la reprise de tous les secteurs en difficultés. Suite au discours royal, le ministère des Finances s’est mis au travail pour opérationnaliser les orientations. La mise en marche passera ainsi par des actions concrètes comme notamment la création d'un compte d’affectation spéciale qui sera approuvé lors du prochain Conseil de gouvernement qui aura lieu jeudi. Il en est de même pour la préparation du projet de loi relatif à la création de l’agence chargée de la gestion des participations de l’Etat. Figure également au programme la signature du pacte de la relance économique ce jeudi, avec la CGEM et le GPBM.
-Vous venez de boucler la loi de finances rectificative et vous enchaînez avec la préparation du PLF 2021. Quelles sont les spécificités de ce contexte?
-La réflexion a été engagée en faveur d’une stratégie à moyen et long terme pour assurer le redémarrage progressif des différents secteurs d’activité, préparant ainsi les mesures nécessaires à la relance de notre économie durant la période post-crise du Covid-19. Ceci a imposé, dans un premier temps, la mise en œuvre d’une loi de finances rectificative pour l’année budgétaire 2020, qui a été adoptée le 20 juillet 2020, et dont les discussions ont été menées dans un climat d’échange positif. Elle s’est inscrite encore une fois dans la politique de rigueur et de sincérité dans sa préparation et a tenu compte, pour une large part, des différentes contraintes au niveau national et international.
Les dispositions qui y sont prises constitueront ainsi une base de préparation pour la prochaine phase dont l’objectif principal serait la préservation de l’emploi. Ceci concerne en particulier le secteur du tourisme pour lequel un projet de contrat-programme est en cours d’élaboration. L’objectif est de donner une forte impulsion à ce secteur et d’insuffler une nouvelle dynamique pour accompagner sa relance.
En parallèle, la préparation du PLF 2021 est entamée. Ce projet mettra en avant les priorités à mettre en œuvre dans une perspective de dépasser les répercussions négatives de la crise sanitaire, tant sur le plan économique que social.
- Les retombées de l’arrêt du tourisme sur les ressources en devises sont importantes. Quels sont les montants en jeu?
- L’impact estimé de cette crise pour l’année 2020 est de -69% sur les arrivées touristiques, environ 50% de pertes d’emploi par rapport à l’année 2019 et -60% sur les recettes en devises. Pour 2020, ces recettes s'établissent à 31 milliards de DH, soit -48 milliards de DH par rapport à 2019. Le secteur participe significativement au développement économique, social et territorial du Maroc. Il emploie directement 550.000 personnes, contribue à près de 7% du PIB national, 12% en considérant les acteurs indirects et mobilise près de 80 milliards de DH de recettes voyages en devises par an.
- Et quelles sont les mesures que vous préconisez dans ce contrat-programme pour soutenir le secteur?
- Pour limiter ces impacts et afin que le secteur puisse retrouver ses niveaux de performance d’avant crise, un projet de contrat-programme est en cours d'élaboration. Ce qui permettra d'insuffler une nouvelle dynamique pour accompagner sa relance et sa transformation. Les mesures prévues dans ledit projet permettront de retrouver les performances de 2019 dès l’année 2022, et récupérer ainsi plus de 5 millions de touristes, 28 milliards de DH de recettes voyages en devises et assurer le maintien d’au moins 80% des emplois stables sur la période 2020-2022.
- Concrètement, comment cela se traduira-t-il sur le terrain?
- Le projet de contrat-programme a pour objectif notamment la préservation de l’emploi. Il s’agit d’assurer un revenu minimum aux employés du secteur pendant la phase d’arrêt et la phase de redémarrage et accélérer l’inclusion des travailleurs les plus vulnérables dans le circuit formel. Il comprend notamment le soutien économique et financier pour la relance, avec la mise en place des mécanismes de financement adaptés. Ses autres composantes sont la stimulation de l’investissement et le renforcement de la demande touristique.
- Le taux d’endettement du Trésor est passé à 75% du PIB. Cela réduit vos marges. Comme le recours à l’endettement est une fatalité, quelle est votre stratégie en la matière?
- L’impact dudit recours sur le ratio d’endettement est certes important et le porterait à environ 75% du PIB en 2020 contre 65% en 2019. Toutefois, en dépit de ce contexte particulier, les conditions de financement du Trésor restent appropriées avec une structure du portefeuille saine. Ce qui se traduit, entre autres, par une exposition limitée aux risques extérieurs dans la mesure où la part de l’endettement extérieur dans le portefeuille de la dette du Trésor ne dépasse pas les 21%. Il importe de préciser également que notre dette extérieure est essentiellement à moyen et long terme à hauteur de plus de 88%. Elle a été contractée essentiellement auprès de bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, avec des conditions de financement concessionnelles. Son coût moyen ne dépasse pas 2,6%.
En outre, notre expérience en matière de gestion prudente et dynamique de la dette nous permet de mieux appréhender et gérer les risques associés. Nous gérons une situation exceptionnelle en utilisant tous les leviers disponibles pour en limiter les conséquences économiques et sociales. Mais, nous restons aussi vigilants pour ne pas compromettre notre souveraineté économique et financière en mettant en œuvre tous les moyens et toutes les actions nécessaires pour revenir rapidement à une situation économique normale, à même de préserver nos équilibres fondamentaux.
Pour limiter le fort impact du Covid sur le secteur du tourisme et accélérer sa relance, un projet de contrat-programme est en cours d'élaboration. Celui-ci a pour objectif notamment la préservation de l’emploi. Sont également prévus, la stimulation de l’investissement et le renforcement de la demande touristique
- Quel est le calendrier de la prochaine sortie sur le marché financier international et pour quels montants?
- Le recours au marché financier international s'inscrit dans le cadre d'une stratégie d'arbitrage entre les ressources internes et externes, et ce dans une optique d’optimisation et d’obtention des meilleures conditions possibles en termes de financement. Dans ce cadre, et afin de faire face à des besoins de financement croissants, liés à la pandémie et de renforcer nos avoirs extérieurs, nous envisageons d’émettre des obligations sur le marché financier international. Le travail de préparation a été finalisé pendant la période du confinement et toute la documentation est prête, y compris les contrats juridiques.
- Oui, précisément?
- Le recours au marché financier international reste tributaire de l’obtention de conditions de financement appropriées. En effet, l'année 2020 s’est caractérisée par une forte volatilité liée, entre autres, aux inquiétudes quant à l’impact de la pandémie sur l'économie mondiale. Ce qui s’est traduit par une hausse des niveaux des spreads (marges de risque) notamment ceux des obligations des pays émergents dont le Maroc.
Pour ce qui est de la période de la sortie, nous suivons au quotidien les indicateurs du marché financier international afin de choisir le moment opportun pour la sortie. Quant aux caractéristiques de l’émission, à savoir le montant, le taux de sortie et la durée, elles seront fixées le jour du lancement et dépendront notamment du livre d’ordres qui traduirait l’accueil que réserveront les investisseurs à notre retour et leur appétit pour la signature du Maroc.
Les objectifs d’une réorganisation
Le ministère des Finances a opté pour une restructuration en profondeur de l'organigramme du département. Un projet de décret a été préparé dans ce sens. Pour Mohamed Benchaâboun, cette opération s’inscrit dans le cadre de «l’optimisation de son organisation fonctionnelle et administrative comme action prioritaire et ce, en réponse aux exigences du contexte et des défis auxquels il doit faire face». Pour convaincre, il avance le contexte et les déterminants de cette restructuration. En effet, à la suite du dernier remaniement ministériel, les départements de la Fonction publique et de la Réforme de l’administration ainsi que celui des Affaires générales et de la Gouvernance ont intégré le ministère des Finances. La réorganisation a d’abord pour objectif de regrouper des structures administratives dont les missions sont convergentes ou complémentaires, dans un souci d’optimisation et d’efficacité. Par ailleurs, cette opération repose sur plusieurs points dont les nouvelles dispositions de la loi organique des finances qui mettent l’accent sur la performance et la réalisation des projets par objectif. L’autre point a trait à la mise en œuvre de la régionalisation avancée et des dispositions de la charte de déconcentration administrative. De même, l’accélération de la transformation digitale et ses impacts sur les organisations ont également dicté cette opération. Dernier point cité par le ministre, «l’objectif d’améliorer en continu les services fournis pour répondre aux attentes et aspirations des citoyens, des entreprises et des partenaires».
Le 04/08/2020
Source web par : l'économiste
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