Taghazout Bay 30 ans après

Le projet de la station balnéaire de Taghazout accumule depuis sa mise en place en 1981 du retard. Ce piétinement dans la réalisation de ce projet et les différents dysfonctionnements ont provoqué la colère du Roi lors de sa dernière visite au site.
L’enquête menée sur le site le 14 février, suite aux instructions Royales, a montré plusieurs irrégularités. Les autorités locales représentées par le caïd de Taghazout et celui d’Aourir ont adressé, le 15 février, des courriers aux porteurs des projets situés au niveau de la station balnéaire en les informant de la suspension des travaux et de l’ordre de démolition des bâtiments non conformes aux normes et aux autorisations délivrées par les autorités compétentes. Cette décision fait suite aux premiers résultats de l’enquête menée sur le site.
Les copies des documents dont nous disposons montrent les différentes irrégularités, notamment le non-respect du coefficient d’occupation de sol (COS), la construction et l’ajout de locaux non autorisés. Selon ses documents, il s’agit de trois hôtels : « Hayatt Regency » de la Société Madaef, filiale de la CDG pour la construction de 4 villas d’une superficie d’environ 160 m2 non autorisées (lot N°2.2). Le deuxième hôtel « Fairmont» du groupe Sud Parteners du groupe AKWA pour le non-respect du COS concernant 24 villas (de 28 à 52), (lot N0 4.1). Le dernier est «Pick Albatros» du groupe Pick Alabatros Morocco For Tourism And Investisment : l’ajout d’un local technique non autorisé d’une superficie d’environ 100 m2 et de locaux non autorisés au niveau du toit du bâtiment réservé à l’accueil, sur une superficie d’environ 200 m2 (lot N° 5).
Station Taghazout Bay
Située à 18 km de la ville d’Agadir, la station touristique baptisée «Taghazout Argan Bay» est un projet qui remonte aux années quatre-vingt. Le projet a été présenté comme «locomotive du repositionnement du Maroc sur le produit balnéaire». En février 2002, un cahier des charges a été signé entre le gouvernement marocain et la Société « Palais des Roses International », filiale du groupe saoudien Dallah Al Baraka, de Cheikh Salah Abdallah Kamel pour construire une station sur une superficie de 615 ha en front de mer d’une bande côtière de 4,5 km. La société de promotion de la station a fixé le prix de 60 dollars le mètre carré avec une contribution de l’Etat marocain à hauteur de 25 dollars. Le coût de réalisation était de 180 millions de dollars. Chronologiquement, le premier hôtel devait voir le jour en 2006, et la station devait être opérationnelle en 2012. Or, la réalisation de ce projet a traîné pendant plusieurs années avant l’éviction du groupe saoudien du projet en 2006. Son successeur était le groupe américain «l’Américain Colony Capital » qui n’a pas honoré non plus ses engagements et a connu le même sort. Il a résilié son contrat avec l’Etat en 2009.
Pour une relance du projet, le gouvernement, à travers la SMIT (Société marocaine d’ingénierie touristique), avait lancé, en 2010, une étude pour définir les conditions de réalisation du projet ainsi que la création d’une société pour sa gestion.
En juillet 2011 est née la SAPST, (Société d’aménagement et de promotion de la station de Taghazout Bay) avec un capital de 700 millions de DH, aux actions 100% marocaines. Ladite société s’occupe de l’aménagement, la commercialisation et la gestion de la station Taghazout Bay. Après le retrait d’Alliances Développement, les actions ont été réparties entre quatre promoteurs: la CDG Développement (45%), Ithmar Al Mawarid (25%), Sud Partners, filiale d’Akwa Group (25%) et la SMIT (5%). Avec la relance du projet, le coût d’investissement est passé de 5 à 10 milliards de DH avec 12.400 lits au lieu de 8.000 prévus au début.
Cependant, l’ensemble de ces quatre promoteurs nationaux n’ont pas honoré leurs engagements : respect des plans, des autorisations avec des réalisations qui traînent depuis la relance du projet en 2012.
Des réactions et des réserves
L’ancien maire d’Agadir, Tariq Kabbage, n’a cessé de soulever la question de la station au Parlement et dans les diverses réunions avec le ministère de tutelle. Une année après la reprise des travaux, Tariq Kabbage a exprimé à plusieurs reprises ses réserves et critiques:
- Un site touristique transformé en zone immobilière connue sous le nom de RIPT (Résidence immobilière pour la promotion touristique) qui permet aux promoteurs de vendre des villas et appartements.
- La création d’un village de surfeurs qui met en danger l’avenir de plus de 40 petites sociétés de surf à Tamraght et Taghazout.
- Une station en forme d’un ghetto touristique coupé de la population ;
- L’enclavement du village de Taghazout par la création d’une route à travers la montagne pour un investissement de 165 millions de DH alors que la route nationale liant les deux communes d’Aourir et de Taghazout est toujours dans un état très dégradé.
- La création d’une zone tampon pour limiter l’accès des touristes au village,
- Limitation de la corniche à 4 m au lieu de 20 m afin de permettre aux touristes et aux habitants de profiter de la beauté de l’Atlantique.
- Absence de retombées socioéconomiques pour les deux communes.
En 2013, le ministre du Tourisme a déclaré devant le Parlement, en réponse à une question posée par Tariq. Kabbage, que le gouvernement a prévu en parallèle au projet un investissement de 20 millions de DH pour le développement de Taghazout et Aourir avec la création d’infrastructures de base et de projets sociaux : sportif, culturel, ludique.
Sur place, la société civile et les habitants déplorent cette situation et expriment leur déception et leur mécontentement pour ce retard. Pour M. A. (acteur associatif) : «Notre déception est grande de voir que le projet réservé au tourisme a été marqué par la création d’une zone immobilière faite de villas et d’immeubles et où les spéculateurs au niveau des deux communes ont eu la part belle».
Et d’ajouter que le projet a absorbé une grande partie des terrains dont les deux communes ont besoin pour la création de projets sociaux en faveur de la population : des terrains, salles de sport, maison de culture. «On se rappelle très bien, nous habitants de Taghazout, de l’annonce en 2002 de la réalisation de ce projet, on avait fait la fête. Aujourd’hui, notre déception est grande, car il n’y a aucune retombée économique ou sociale sur notre village», souligne-t-il.
Rappelons que le projet Taghazout Bay qui devait être opérationnel en 2020 accuserait encore du retard suite à la décision de suspension et de démolition que subit la station.
L’affaire «Taghazout Bay» devant la justice
Le Bureau régional de l’Association marocaine de la protection des biens publics (AMPBP), section Sud, Marrakech, a demandé au Procureur général de la Cour d’appel l’ouverture d’une enquête judiciaire concernant le «projet touristique Taghazout Bay», un dossier qui a fait couler beaucoup d’encre
La demande a pour objet d’enquêter sur la dissipation de deniers publics, la violation des règles d’urbanisme et l’abus de pouvoir.
Des noms pour audition judicaire ont été cités dans la plainte présentée par l’Association. Il s’agit des présidents des communes de Taghazout, d’Aourir, du Conseil provincial Agadir Ida Outanane, du représentant légal de la société porteuse du projet, d’architectes, d’ingénieurs et des techniciens travaillant sur le projet.
Le 28 Février 2020
Source web Par Libération
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