Histoire : Jamila l’héroïne berbère d’Al Andalous oubliée de l’Histoire
Les héroïnes d’Al Andalous ont été oubliées de l’histoire. Pourtant, nombreuses sont les poétesses, les écrivaines et les guerrières qui ont changé le cours de l’histoire. Jamila est l’une d'entre elles. Belle, courageuse et maniant les armes comme personne, sa vie intrigue toujours.
La vie de Jamila suscite toujours autant de mystères. Adulée dans son temps, ignorée par l’Histoire et méconnue de nos jours, les multiples péripéties qui ont animé sa vie étaient, cependant, longtemps raconté à Al Andalous. En effet, peu d’écrits retracent cette vie marquée par la guerre qui sévissait au sein des clans formant Al Andalous. D’ailleurs les quelques détails sur sa vie sont éparpillés dans de multiples ouvrages, se contentant presque d’une description sommaire sur cette véritable héroïne de l’époque médiévale.
Mais grâce à ce précieux ouvrage de l’écrivaine espagnole et docteur en histoire médiévale et en archéologie, Carmen Panadero Delgado, la notoriété de Jamila prend tout son sens. Intitulée, «Jamila, l’indomptable berbère», le récit de l’écrivaine débute par cette description apporté par Ibn Hayyan, dans l’«Al Moqtasib», qui est incontestablement une des sources primaires pour la reconstruction de l’histoire d’Al Andalous du VIII et Xe siècle.
«Jamila, la soeur de Mahm?d, a eu dans ce combat un rôle notoire et exceptionnel, commenté par les habitants des différentes régions d'al-Andalus, et son exploit longtemps raconté lors de mariages dans les régions occidentales.»
Ibn Hayyan
Revoltée contre le pouvoir royal
Avant d’aborder ce combat décisif, Carmen Panadero Delgado revient sur la venue de sa famille, connue pour s’être rebellée à plusieurs reprises. Jamila bint Abd al-Yabbar ibn Zaqila était originaire de Masmouda, grande confédération originaire du Haut Atlas marocain et des régions qui l'entourent et qui est selon Ibn Khaldoun une des plus grandes tribus berbères. D’ailleurs, les Imasmouden furent les fondateurs des dynasties almohades et hafsides.
Sa famille, faisant parti du clan de Beni Tarid d’Osuna, s’installe dans un premier temps dans une région péninsulaire de Séville, puis dans la région de Mérida. La famille très puissante dans la région s’était déjà révolté contre le pouvoir royal, mais les multiples batailles qui feront qu'ils seront craint ne sont détaillées qu’à partir de 823, par al-Razi (père et fils), explique Carmen Panadero Delgado.
En tête d’affiche, c’est le frère de Jamila, Mahmud ben Abd al-Yabbar al-Maridi (faisant référence à Mérida) que l’on retrouve. Mahmud avait réussi à s’accaparer la ville, après un coup d’Etat orchestré aux côtés de Sulaymán ben Martín. Au pouvoir, Abd al Rahman II tenta a plusieurs reprises de reconquérir le pouvoir, en se portant en personne au combat, en démolissant le mur de Mérida ou encore en proposant un échange d’otages. Mais rien n’y a fait, la famille ne se soumettra jamais.
Image d'illustration.
Sa sœur elle, «devait être très jeune, peut-être même adolescente quand vers 830 son nom surgira comme participante avec un autre de ses frères cadets, tous deux subordonnés au commandement de leur frère aîné, Mahm?d, qui lui était le chef», poursuit l’auteur.
Dans les quelques récits qui évoque cette figure pourtant cruciale au combat, Jamila était décrite comme «la femme guerrière et si habile dans le maniement des armes qu'elle s'est élevée avec le reste de sa famille contre l'émir Abd al-Rahman II». On disait aussi d’elle qu’elle était «la vierge, célèbre parmi le peuple pour sa grande beauté et sa grâce», selon Ibn Hayyan ou encore «célèbre pour sa bravoure, son courage et son sens de la chevalerie, ainsi que pour ses rencontres avec les chevaliers et leur faire concurrence», selon Ibn Hazm.
Révoltée contre son frère
Mais ses soulèvements aux côtés de ses frères n’ont pas été les seuls à avoir marqué sa vie. En effet, Abd al-Rahman II avait pu s’accaparer Mérida, la famille de Jamila devait alors quitter la ville et s’installa en 833 dans la chaîne de montagnes de Monsalud. La famille fût encore persécutée et chassée de plusieurs localités. Mahmud se rend en Galice et demande l’aide d’Alphonse II, roi d’Asturies. Rebelle, sa sœur ne le suit pas, imposant ses choix à son frère, en l’affrontant et en finissant par l’abandonner.
A ce moment-là, Jamila a été suivi par un grand nombre de partisans. «La jeune berbère rend sa noblesse évidente dans cet épisode car, bien qu'elle se soit toujours opposée à l'émir omeyyade, elle ne concevait pas de s'allier avec des chrétiens pour lutter contre les musulmans», explique l’historienne.
Image d'illustration.
Son pouvoir et sa rébellion lui vaudront une grande admiration. Manuela Marin, auteure de «Les femmes à al-Andalus», souligne que «le courage de Jamila ne cesse de retenir l'attention et suppose la survie admirative d'un modèle de comportement qui s'écarte clairement de celui attendu chez une femme musulmane».
Bien qu’inhabituel, «sa performance, n'est non seulement pas censurée, mais est présentée comme l'une des vertus qui, avec la beauté et la noblesse, étaient ornées... Peut-être cette exception explique le manque d'acrimonie avec lequel la conduite de Jamila est dépeinte par des chroniqueurs et d'autres auteurs, conscients qu'ils ne décrivaient pas un phénomène habituel», poursuit-elle.
Capturée par les chrétiens
An 840 la défiance d’Abd al-Rahmân II face à Mahmud s’estompe. La famille était toujours sous la protection du roi d’Asturies, Jamila décide alors de retourner auprès des siens. Bien qu’on aurait pu croire à un apaisement, un évènement vient chambouler le cours de sa vie et en finir avec celle de son frère. En effet, le roi d’Asturies aurait eu connaissance d’un supposé double jeu de Mahmud. Il décida alors d’attaquer le château qu'il lui avait gracieusement donné. Mahmoud mourra au combat et Jamila sera arrêté.
«Jamila, soeur de Mahmud, a été arrêtée... et pour cela les notables chrétiens ont persisté, compte tenu des vertus qu'elle avait : ascendance, beauté et courage, au point qu'ils ont fait un tirage au sort, et c'était pour l'un des plus grands d'entre-eux, qui l'a faite chrétienne et l'a épousée. Il a eu des enfants avec elle, dont l'un était plus tard archevêque de l'église de Santiago (de Compostelle), prestigieux parmi les chrétiens de cette époque.»
Ibn Hayyan
Cette vie de Jamila est très peu racontée, pourtant Jamila «a vécu une longue vie parmi les chrétiens», rapporte Ibn Hayyan. Cette reconversion et cette nouvelle vie intriguent toujours les historiens. Un jour peut-être d'autres éléments viendront mettre en lumière la vie rocambolesque de cette héroïne marocaine, berbère d’Al Andalous.
Le 13 Février 2020
Source web Par Yabiladi
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