Test PISA: Voici pourquoi le Maroc se retrouve en dernier
Intervenant lors d’une conférence consacrée à « l’école de demain » de l’Institut CDG, Soumaya Maghnouj, analyste des politiques d’éducation au sein de la Direction de l’Éducation et des Compétences au sein de l’OCDE, est revenue en détails sur les indicateurs et les résultats de l’enquête PISA (Program for International Student Assessment) menée sur les élèves marocains.
Aux côtés d’autres invités pour débattre des priorités et des défis de l’éducation au Maroc, l’experte de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) a tenu à rappeler que l’enquête à laquelle le Maroc a pris part de son propre chef (et qui a classé le Royaume parmi les pays ayant eu les pires résultats sur un total de 75è/79 pays) n’est pas un moyen de sanctionner les élèves.
« Ce n’est pas un examen, c’est une enquête, une évaluation« , a-t-elle déclaré. Pour elle, il ne s’agit pas de sanctionner le niveau des élèves ou des enseignants mais plutôt de donner une idée du système éducatif, un point de comparaison et une perspective internationale pour informer, ouvrir les débats nationaux et donner des clés pour les décisions politiques.
Réfléchir sur les systèmes éducatifs
Expliquant qu’il s’agit surtout de pousser à réfléchir sur les systèmes éducatifs en les comparants à une échelle internationale, l’experte a détaillé le processus de l’examen qui a été effectué en 2018 par 600.000 élèves représentants 32 millions d’élèves de 15 ans de 79 pays. Le test, d’une durée de deux heures a été assisté par ordinateur et administré au Maroc en langue arabe. De plus, pour compléter l’enquête, des questionnaires concernant le milieu socio économique, les attitudes, les croyances et dispositions, le foyer, l’expérience dans leur milieu scolaire des élèves, a été soumis de façon à mieux comprendre l’environnement dans lequel ils évoluent car ce sont des éléments importants à prendre en considération.
Alors que ce test se déroule toutes les trois années, pour 2018, le thème majeur a ciblé la « compréhension de l’écrit », en d’autres termes, la capacité des 6.000 élèves marocains à comprendre, utiliser, évaluer et analyser des textes. Pour le Maroc, ce qui ressort de l’enquête c’est que la plupart des élèves sont incapables d’assimiler le texte qu’ils lisent, la plupart « sont en dessous du niveau 2, le niveau minimum où un élève de 15 doit être capable de comprendre un texte« , indique la représentante de l’OCDE.
Au Liban par exemple, sur cette même analyse de niveau, on remarque des disparités entre ceux qui n’arrivent pas à assimiler un texte et ceux qui vont au delà, en se situant aux niveaux 5 et 6 (qui demandent d’interagir avec des connaissances qui ne sont pas forcément dans le texte), les plus élevés, en faisant une analyse, en recoupant des informations et en ajoutant de leur propre culture générale pour compléter les réponses.
Au Maroc, ces niveaux 5 et 6 étaient quasi-absents. « Ce qu’on peut aussi voir, c’est que la distribution n’est pas la même », malgré que le Maroc et le Liban aient eu des scores plutôt rapprochés en compréhension de l’écrit », a-t-elle dit.
« Au Liban on a beaucoup plus de grands écarts. On a plus d’élèves qui sont au niveau 6 mais aussi plus d’élèves qui sont vraiment en dessous du niveau 1, qui ne sont pas capables de comprendre le texte, alors qu’au Maroc, la distribution est beaucoup plus centrée autour du niveau 1« , a déclaré l’experte.
Selon elle, ces résultats montrent que les deux pays ne partagent pas les mêmes problématiques. « Au Maroc la problématique c’est de savoir comment aider ces élèves à atteindre le niveau 2 (le niveau minimum), au Liban ce sera plus une discussion au niveau des écarts et de mieux comprendre et anticiper les écarts« , a-t-elle ajouté.
Un rendu au dessous de la moyenne
Outre la compréhension de l’écrit, le test s’intéresse à deux autres thèmes, à savoir les sciences et les mathématiques. Concernant les sciences il s’agissait surtout de tester la capacité des élèves à expliquer des phénomènes scientifiques, évaluer et mettre en place une démarche scientifique et interpréter des données et des résultats de manière scientifique. Pour les mathématiques, il s’agissait de tester la capacité des élèves à formuler, employer et interpréter des concepts mathématiques dans des contextes variés. A noter qu’un tiers des questions posées aux élèves sont des questions ouvertes qui permettent de s’exprimer et le reste des questions sont à choix multiples. Là aussi, les résultats des élèves marocains n’ont pas été dans la moyenne des pays OCDE.
Sur le volet des enseignants, « la qualité d’un système scolaire ne peut pas dépasser la qualité de ses enseignants« , a asséné l’analyste. « L’enseignant est le premier facteur d’apprentissage. On voit que la qualification des enseignants au Maroc est, en termes d’années d’études, moins élevée par rapport à d’autres pays. On a 10% des enseignants qui entrent à l’école avec un niveau Master ».
En ce sens, Soumaya Maghnouj a estimé que l’élément qui lui semble important à souligner en termes d’enseignants « c’est vraiment qui enseigne où ». « Le Maroc est l’un des pays où on trouve une majorité d’enseignants novices (dont c’est le premier poste) dans les milieux défavorisés, c’est l’écart le plus important. Dans d’autres systèmes comme la Malaisie c’est l’inverse. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en mettant un enseignant qui n’a pas d’expérience dans un milieu scolaire défavorisé on lui donne une difficulté supplémentaires, par exemple en ayant des classes multi-niveaux, d’être dans un milieu avec des ressources limitées« , a-t-elle poursuivi précisant que cela demande une réflexion au type d’appui qu’on apporte aux enseignants.
Selon les résultats concernant l’environnement scolaire, le Maroc se positionne plutôt dans le type de relations de « compétition » entre les élèves à l’école plutôt que dans schéma de « coopération » pour apprendre ensemble, largement adopté par les pays les mieux classés. Soumaya Maghnouj explique qu’il n’y a pas un modèle meilleur que l’autre, « les deux sont très importants et sont des aptitudes et des compétences à développer chez l’élève lorsqu’il deviendra un adulte » et qui lui permettra d’être compétitif sur le marché du travail. Il ressort des résultats que dans certains pays bien classés selon les normes de l’OCDE, sont partisans de l’esprit de compétition sans toutefois négliger l’aspect coopératif entre les élèves.
Le test Pisa s’est également penché sur l’indice disciplinaire. « Le temps passé à gérer une classe est un temps gâché« , a estimé à cet égard l’experte détaillant les résultats du Maroc. L’indice disciplinaire dans le Royaume est négatif, ce qui explique que les classes marocaines connaissent beaucoup de turbulences. Mais la donnée intéressante que révèle l’enquête c’est que les classes en milieu défavorisé sont moins indisciplinées que celles en milieu aisé, abstraction faite de type d’enseignement (privé ou public).
A noter qu’au Maroc la grande majorité des classes jugées défavorisées se trouvent en milieu rural, ce qui donne à réfléchir.
Pour rappel, le test PISA qui se déroule tous les trois ans ne s’intéresse pas seulement aux résultats en termes de performances des élèves mais analyse surtout les facteurs déterminants derrière ces résultats, notamment en procédant à l’analyse d’autres questionnaires appréhendant le milieu et climat scolaire ainsi que l’environnement socio-économique des élèves. Autre chiffre à considérer dans cette enquête, c’est le climat scolaire. Au Maroc, 40% des élèves ont rapporté avoir subi des brimades et des intimidations seulement un mois avant la test PISA.
Le 06/12/2019
Source web Par Hespress
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