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L’étreinte du pape François aux victimes de Fukushima

L’étreinte du pape François aux victimes de Fukushima

Reportage

Rencontrant lundi 25 novembre les victimes du « triple désastre » de 2011 (séisme tsunami et accident nucléaire), le pape a relayé l’appel des évêques japonais à fermer les centrales nucléaires et appelé à « restaurer le tissu social ».

Matsuki Kamoshita avait 8 ans quand, en mars 2011, il a dû fuir de chez lui avec toute sa famille à cause de l’accident nucléaire de Fukushima.

Très ému, il raconte à la tribune d’un centre de conférence de Tokyo ses tribulations loin de chez lui, le harcèlement à l’école, la peur pour la santé, l’abandon… « Le pays a renoncé à se préoccuper des réfugiés », lâche-t-il.

À la fin de son témoignage, les larmes aux yeux, c’est finalement sur l’épaule du pape François qu’il trouve un peu de réconfort.

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« L’Église a été obligée de sortir de ses murs »

Pour son premier rendez-vous de la journée, lundi 25 novembre, le pape était en effet venu à la rencontre des victimes du « triple désastre » : le séisme du 11 mars 2011, puis le tsunami et l’accident nucléaire qu’il a causé.

18 000 morts en tout, principalement à cause du tsunami, et auxquelles, dès le début de son discours, François a demandé à consacrer un long moment de prière silencieuse, et plus d’un demi-million de déplacés pour lesquels l’Église catholique, et notamment Caritas Japon, s’est mobilisée.

   

« L’Église a été obligée de sortir de ses murs et d’aller à la rencontre d’autres populations, sans se demander s’ils étaient catholiques », raconte le père Charles-Aimé Bolduc, prêtre des Missions étrangères de Québec.

Une société «divisée»

À Sendai, où il était alors curé, le Québécois a travaillé avec des moines bouddhistes et des prêtres shintoïstes pour prier chaque jour au crématorium pour les victimes non-identifiées.

Ce lundi matin, s’il est au premier rang pour saluer le pape avec les familles de victimes, c’est parce qu’un de ses confrères, le père André Lachapelle, 76 ans, est mort pendant le tsunami auquel il tentait d’échapper.

Désormais curé à Fukushima, le père Bolduc raconte une société « divisée », où parler du désastre est un « tabou », notamment à cause des indemnités versées par la société Tepco, différentes selon la distance où les réfugiés se trouvaient de la centrale, ce qui cause des jalousies.

« L’immense travail pour restaurer le tissu social »

Et alors que les plus âgés sont rentrés chez eux, le missionnaire québécois remarque que « le tissu social a été détruit » : « Comment reconstruire des relations humaines à 80 ou 90 ans ? »

Les familles elles-mêmes souffrent de la situation, quand les jeunes ont refait leur vie ailleurs et que les parents font pression pour qu’ils reviennent s’occuper d’eux ou des tombes familiales.

Dans son discours, c’est d’ailleurs sur « l’immense travail pour restaurer le tissu social » que le pape François a insisté. « Tant que les liens sociaux ne seront pas rétablis dans des communautés locales, et que les personnes n’auront pas retrouvé une vie sûre et stable, l’accident de Fukushima ne sera pas complètement surmonté », a-t-il mis en garde.

S’interroger sur la place de la technologie

Très subtilement, il s’est refusé à lui-même condamner le nucléaire civil, se bornant à relayer la « préoccupation » des évêques japonais « concernant la persistance de l’utilisation de l’énergie nucléaire », soulignant qu’« ils ont demandé l’abolition des centrales nucléaires ».

Une façon pour François de jouer, avec l’épiscopat japonais, la subsidiarité qui lui est chère tout en faisant place à ses inquiétudes sur le nucléaire civil, sans remettre en cause la position traditionnelle du Saint-Siège en la matière qui admet l’usage civil du nucléaire tout en plaidant pour une « culture de la sécurité ».

Car, plus profondément, il s’agit pour l’auteur de Laudato si’, également soucieux du changement climatique de pousser la société japonaise à s’interroger sur « l’exploitation des ressources naturelles, et en particulier concernant les futures sources d’énergie » : il a appelé, dans un pays qui a relancé son parc de centrales nucléaires et arrêté des programmes d’énergies renouvelables, à « la prise de décisions courageuses ».

« Opter pour une forme de vie humble et austère »

Il l’interroge aussi sur la place de la technologie. Mettant en garde contre la tentation d’en faire « la mesure du progrès humain », il a invité à « marquer une pause » pour « réfléchir sur qui nous sommes et, peut-être de manière plus critique, sur qui nous voulons être ».

« Nous ne pouvons pas prendre des décisions purement égoïstes », a-t-il martelé, rappelant la « grande responsabilité envers les générations futures » et appelant à « opter pour une forme de vie humble et austère qui prenne en compte les urgences que nous sommes appelés à affronter ».

Comme l’expliquait à La Croix avant le voyage du pape Mgr Tarcicius Isao Kikuchi, archevêque de Tokyo et vice-président de la Conférence des évêques du Japon, « le gouvernement actuel est très hésitant en ce qui concerne les énergies renouvelables ».

Rencontre avec l’empereur Naruhito

« Mais tant que nous persisterons à préserver notre style de vie actuel, avec une consommation d’énergie très élevée, promouvoir des sources d’énergie alternatives restera hypocrite », avait-il confié.

Juste après, le pape a visité l’empereur du Japon Naruhito qui, selon le palais impérial, l’a remercié de cette rencontre avec les victimes. Les deux hommes ont d’ailleurs consacré une bonne partie de leur entretien d’une demi-heure à l’écologie, l’empereur étant lui-même très engagé sur la question de l’eau.

Le pape, de son côté, souligné le lien étroit entre les questions écologiques et économiques.

Le 25/11/2019

Source web Par la-croix

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