Benchaâboun réussira-t-il là où Boussaid a échoué ?
La levée de boucliers contre l’Article 9 continue de plus belle
La saisie des biens de l’Etat menace ses équilibres financiers et ceux des établissements publics et des collectivités locales et le gouvernement est obligé de garantir ces équilibres comme le stipule l’article 77 de la Constitution, a indiqué Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration, lors du débat sur le projet de loi de Finances 2020 (PLF) qui a eu lieu dernièrement à la commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants. Selon des chiffres émanant de l’Agence judiciaire du Royaume datés de 2015, le nombre des dossiers d’indemnisations concernant les collectivités territoriales traité a atteint 14.203 dossiers judiciaires, soit une augmentation de 30%. Les conflits administratifs, quant à eux, représentent 54% des dossiers traités contre 77% pour les affaires portées contre les ministères. A noter toujours en 2015 que l’Agence judiciaire a notifié contre l'Etat 5.321 décisions et déboursé 1,6 MMDH contre 2,5 MMDH réclamés initialement par les plaignants. Une aubaine pour les cabinets d’avocats qui ont défendu les intérêts de l’Etat et qui ont touché en 2015 près d'1,94 MDH, soit une moyenne de 3.406 DH par dossier. Mohamed Benchaâboun a également révélé que la saisie des biens de l’Etat a totalisé 10 milliards de DH au cours des trois dernières années. Selon lui, la saisie de ces biens signifie la mainmise sur les salaires des fonctionnaires, les budgets des hôpitaux, etc. Et qu’en sera-t-il des jugements contre l’Etat qui ont force exécutoire? Le ministre a répondu que l’Exécutif n’a nullement l’intention de violer la Constitution. Ceci d’autant plus qu’il est animé du seul objectif qui consiste à rétablir la confiance dans les institutions tout en mettant en avant la volonté de respecter les décisions judiciaires et d’en favoriser la mise en œuvre rapide ainsi que le fonctionnement des administrations publiques en vue de continuer à offrir aux citoyens les prestations nécessaires. A ce propos, il a expliqué que l’article 9 dudit projet de loi interdisant la saisie des «biens et fonds de l’Etat» pour payer «les créanciers porteurs de titres ou de jugements exécutoires », va garantir la totalité des droits des justiciables. Il a même ajouté que dans le cadre de la simplification des procédures et de la garantie d’exécution des jugements, il a été décidé d’allouer les dotations annuelles y afférentes aux administrations et établissements qui sont soumis à la procédure de paiement sans préavis. Mohamed Benchaâboun réussira-t-il à faire passer l’article 9 ? Rien n’est moins sûr puisque le débat sur l’interdiction de la saisie des biens de l’Etat n’est pas nouveau. En 2017, Mohamed Boussaid, ministre des Finances à l’époque, avait dû retirer définitivement l'article 8 bis du corps du projet de loi de Finances 2017 qui stipulait dans son 2ème alinéa que les fonds et les biens de l’Etat et des collectivités territoriales ne pouvaient en aucun cas faire l’objet de saisie. Outre cette interdiction de saisie, ledit article incitait les «créanciers porteurs de titres exécutoires ou de décisions judiciaires définitives prononcées contre l’Etat ou les collectivités locales à ne réclamer l’exécution (du jugement) qu’auprès de l’ordonnateur de l’administration publique ou des collectivités concernées». Par ailleurs, le texte soumettait également le paiement des dettes aux crédits disponibles et permettait de déférer ce paiement aux années suivantes. Dans le cadre d’une condamnation, «le règlement doit être ordonnancé dans un délai maximum de 60 jours à compter de la date de notification de la décision». S'y ajoute la mention que le paiement ne peut se faire que «dans la limite des crédits ouverts au budget qui leur (les collectivités territoriales) est attribué». En d’autres termes, si les fonds sont insuffisants, la collectivité territoriale pourrait payer les années suivantes. L’esprit de l'article 8 bis a survolé également le projet de loi de Finances 2015, mais les députés ont réussi à faire pression et à le faire retirer.
Magistrats et avocats disent non
L’article 9 du PLF 2020 ne cesse de soulever les boucliers contre lui. Après les avocats, ce fut au tour du « Club des magistrats du Maroc » de monter au créneau pour le dénoncer. Le bureau exécutif dudit club s’est, en effet, opposé dernièrement en affirmant par communiqué que «cette disposition est une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif » et constitue « un mécanisme législatif visant à vider de leur substance les décisions judiciaires rendues contre l’Etat et les collectivités territoriales ». Il souligne également que cette disposition est « non conforme à la Constitution » dont l’article 126 stipule clairement que « les jugements définitifs s’imposent à tous. Les autorités publiques doivent apporter l’assistance nécessaire lorsque celle-ci est requise pendant le procès. Elles sont également tenues de prêter leur assistance à l’exécution des jugements »
Le 4 Novembre 2019
Source web Par libération
Les tags en relation
Les articles en relation
Les industries culturelles : La TVA pour la levée des rideaux
Le PLF 2020 dans le cadre de l’encouragement du secteur culturel a introduit une mesure selon laquelle le taux de la TVA appliqué aux opérations de vente de...
MHE: "l'économie marocaine relève la tête, la sinistrose s'estompe"
Avec un rien d’exagération et plein de métaphores, MHE ne recule devant rien pour convaincre son auditoire : le PLF 2020 est une bonne affaire pour les opé...
Bientôt des comptes en devises et en DH convertibles pour les Marocains résidents
Les Marocains pourront bientôt détenir des comptes en devises ou en dirhams convertibles auprès de leurs banques. C’est du moins ce qu’annonce Mohamed Be...
Efficacité énergétique : Ambition de créer 150.000 emplois à l’horizon 2030
Selon le projet du budget 2020 et ses documents Le projet marocain de l’énergie éolienne vise la mise en place à l’horizon 2020 d’une capacité de 2...
Crowdfunding: Le dispositif remis dans le circuit
Le projet de loi sur le financement coopératif, qui sera présenté à la Chambre des représentants mardi prochain, est très attendu, particulièrement par l...
Emprunt national: le montage de toutes les contraintes
Anonymes ou nominatifs? Négociables ou non cessibles? Les modalités du futur grand emprunt national, voulu par Mohamed Benchaâboun, donnent du fil à retordr...
#MAROC_Impôts_amnistie: Nouvelle amnistie sur les pénalités et majorations
La mésure cible les impôts nés avant le 1er janvier et impayés au 31 décembre 2020 Le paiement du principal avant juillet 2021 Un amendement du gouve...
La CNSS poussée à se désengager de la gestion des polycliniques
Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration, a adressé un courrier au ministre du Travail Mohamed Ame...
Une guerre silencieuse oppose-t-elle le Maroc à la France ?
Il y a de ces guerres qui ne font pas de morts, du moins en apparence. Silencieuses et souterraines, ces dernières ont pour champs de bataille les chancellerie...
Charte des services publics: le projet de loi adopté à l’unanimité par la Chambre des conseille
La Chambre des conseillers a adopte?, mardi 15 juin en ple?nie?re et a? l’unanimite?, le projet de loi n° 54.19 portant charte des services publics, pre?sent...
La ministre turque du Commerce en visite au Maroc
La ministre turque du Commerce, Ruhsar Pekcan, arrivera mercredi 15 janvier au Maroc dans le cadre d'une tournée en Afrique, pour explorer de nouvelles opp...
Loi de finances 2020 : près de la moitié des députés étaient absents !
189 députés n’ont pas jugé utile de se déplacer pour prendre part à la séance de vote du projet de loi de finances 2020. En pourcentage, cela représent...