Croyez-le ou non : la nostalgie du « c’était mieux avant »
Auteur, compositeur et interprète d’expression Arabe, Salah Taouil fait partie de ces artistes engagés, qui continuent de remplir les salles et les amphithéâtres des universités marocaines. Ses décibels, qui lui valent une vaine comparaison avec le chanteur-compositeur égyptien, en vogue durant les 1980, Cheikh Imam, entrelacent mélodies mélancoliques et hymnes à la justice sociale.
Pour Hespress FR, l’artiste a bien voulu partager avec son public multi-générationnel un billet d’humeur, coïncidant avec la rentrée scolaire et son lot de dégrisements quant au niveau de l’enseignement public marocain. De la nostalgie pour une époque incidemment révolue. C’est certain. Mais aussi un coup de projecteur sur ce qui pourrait advenir de l’école publique, si des décisions politiques volontaristes penchent en faveur de l’étudiant marocain, quelle que soit sa catégorie sociale. Croyez-le donc. Ou non.
Avant de décrire « l’école publique d’antan », tel qu’il a lui-même vécue, comme enfant de la médina de Fès, Salah Taouil tient à démystifier un amalgame de longue date. Il nous explique que l’école de l’époque, première porte d’entrée au savoir universel, n’était pas accessible qu’aux enfants des riches familles Fassies. A contrario, « cela incluait tous les enfants issues de familles pauvres, des paysans déplacés des villages voisins vers la médina de Fès ».
Etant lui-même issu d’une famille Jebala, il plante le décor : « Nous n’avions guère de lourds cartables avec une profusion de livres et d’outils à ne plus savoir quoi en faire, comme c’est le cas pour les enfants d’aujourd’hui. Notre besace ne contenait que deux cahiers. Un pour la langue Arabe du grand écrivain Ahmed Boukemakh et l’autre pour le Français dont le nom était : +Bien lire et comprendre+« .
Le reste, Salah Taouil le conjugue en formules aiguisées, à déguster sur un fond de luth, son instrument musical de prédilection.
« Croyez-le ou non, Notre génération a vécu son enfance, au milieu des années 1960, avec dignité, fierté et avec un soin particulier de la part des responsables de l’Education de notre pays.
Croyez-le ou non, le moqaddem du quartier frappait à la porte des maisons pour exhorter les parents à inscrire leurs filles et leurs fils dans des écoles proches de chez eux. En leur disant que le Caïd avait donné des instructions strictes pour punir quiconque causait la privation d’éducation de ses enfants.
Croyez-le ou non, Nous n’entrions en classe qu’après être passé par la cantine pour le petit-déjeuner. Parce que les responsables de l’éducation dans Nos écoles étaient conscients que l’enfant ne pouvait étudier le ventre vide.
Croyez-le ou non, nous ne sortions pas de la classe, avant que l’enseignant ne nous proscrit des médicaments pour Nos yeux, et jusqu’à notre retour le lendemain, Nos yeux demeuraient capables de suivre tout ce qui est écrit au tableau.
Croyez-le ou non, lorsque franchissions la porte de l’école, nous trouvions un camion que nous appelions « rachacha », (la mitrailleuse). Celui-ci nous précédait et répandait de l’eau sur le sol pour ne pas nous salir de poussière lorsque nous courrions vers nos maisons.
Croyez-le d’abord, croyez-le, à la fin des vacances de l’année, le Moqaddem frappait à nouveau à la porte de Nos maisons pour nous dire que l’inscription à la colonie de vacances est abordable et gratuite.
Croyez-le ou non, Bab Ftouh était Notre quartier populaire. Avec un complexe sportif, culturel et artistique dont nous profitions, enfants, pour pratiquer Nos sports favoris ou pour apprendre le théâtre, la peinture, la musique et la danse. Ce composé deviendra plus tard à une Moqataâ (siège d’arrondissement), un commissariat, et un marché aux fruits.
Croyez-le ou non, les enseignants offraient leurs services à tous ceux qui voulaient que nous tirions gracieusement des leçons de piété chez eux. Parce que les hommes et les femmes de l’Education n’avaient alors pas besoin que d’argent, comme ils étaient classés dans la bourgeoisie marocaine, une élite parmi l’élite.
Croyez-le ou non, il y avait un grand nombre d’enfants pauvres inscrits dans ce que nous appelions alors des « demi-pensions ». C’est-à-dire que l’élève passe sa journée à l’école à s’instruire, à manger, à boire et à dormir. La nuit se passait chez sa famille. Et tout cela pour alléger le fardeau de la vie des familles pauvres.
Croyez-le ou non, les ruelles et les sentiers de la vieille médina étaient remplis de bibliothèques où nous passions notre temps libre et lisions toutes sortes de livres d’Histoire et de romans. Diverses catégories de livres de sciences et de connaissances nous étaient à portée de main, avant que ces bibliothèques ne deviennent des complexes touristiques et des pensions.
Croyez-Moi, si je vous dis que le Maroc d’Hier était plus avancé, civilisé et plus humain que le Maroc d’Aujourd’hui, et que ce progrès humain civilisé ne concernait que le gouvernement progressiste dirigé par un homme politique patriote et libre : Abdallah Ibrahim ».
Le 13 octobre 2019
Source web Par Hespress
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