[+212] Le couple à l'heure de la mixité
![[+212] Le couple à l'heure de la mixité](/images/actualite/mixité.jpeg)
La rubrique +212 est un espace de dialogue et d’échange, une fabrique d’idées. Elle rassemble un faisceau de regards sur le Maroc, formulés de l’extérieur vers l’intérieur par des plumes expatriées, exilées, émigrées, nomades, membres de la diaspora marocaine à l’étranger.
À l’ère du big data, les classements n’ont jamais autant eu la cote. J’éprouve parfois un peu de nostalgie de ces heures suspendues de mon adolescence, passées scotchée à des chaînes étrangères piratées, à regarder des clips classés par ordre de popularité ou de vente; le fameux top 50. Jennifer Lopez était ma queen et c’était alors le seul classement qui m’importait.
Mon arrière-grand-mère, avant-gardiste à bien des égards, avait intégré le big data avant l’heure en inventant l’anti-top, j’ai eu l’occasion de l’évoquer dans une chronique précédente. Je n’ai pas eu la chance de la connaître, mais elle m’a souvent été décrite comme une féministe du quotidien, une femme rebelle à sa condition et dotée d’une répartie redoutable, à l’image de cette génération de femmes fortes qu’Abdellatif Laâbi décrit avec beaucoup de tendresse dans son roman Le fond de la jarre.
Lalla Aicha avait donné des instructions matrimoniales très claires à ma mère avant qu’elle ne parte étudier en France: un Fassi ou rien. Ma mère étant revenue bredouille à bac +1, sa grand-mère lui lâchera progressivement du lest, se résignant d’abord à un Marocain “tout court”, puis acceptant un musulman étranger “tant qu’il est musulman” et enfin un nessrani “tant qu’il devient musulman.” Le reste n’était pas envisageable, les noirs ne blanchissent pas et les juifs ne se convertissent pas c’est bien connu. Son anti-top 50 était purement théorique mais révélateur de ses peurs et de ses préoccupations, au premier rang desquelles la religion et la couleur de peau. Ma mère a fini par épouser un Tétouanais tout blanc et être la plus foncée des deux.
Quand j’ai eu mon bac et que je partais en France à mon tour, ma mère m’a mis en garde, en plaisantant à moitié: “Chouf, tu me ramènes qui tu veux, sauf un arabe du Golfe!” Contexte: quand ma mère rentrait du lycée dans le Tanger des années 1970, des Saoudiens en décapotables distribuaient leurs pétrodollars abjects aux filles sur le boulevard Pasteur, en plein jour. Ça marque.
Quoi qu’il en soit, en réfléchissant à qui je pourrais solliciter autour de la thématique du mariage mixte – au sens strict, un mariage entre deux personnes de nationalités différentes - j’ai constaté, de façon plutôt agréable, que j’avais le choix. Ces unions se sont parfois faites dans la douleur mais elles se sont faites, je connais des Marocaines mariées à des Françaises, à des Américaines, Espagnoles, Coréennes, Libanaises, Mexicaines, Anglaises et j’en passe.
En réalité, j’ai toujours aspiré à ce type de mixité. Je pense même y avoir été encouragée de façon plus ou moins consciente et ce depuis très longtemps. Quand j’étais petite, les étrangères ne m’intéressaient pas, ils me fascinaient. J’adorais observer et écouter pour essayer de comprendre en quoi ils ou elles étaient différentes de moi, de nous. A cette époque, tout ce qui venait d’ailleurs était forcément mieux que ce que nous avions chez nous. Par principe, et sans explication particulière. Assez logiquement, ceux qui créaient et possédaient ces objets ne pouvaient être que meilleurs que nous, par principe et sans explication particulière non plus. Notre “Moro moro”, que l’on pourrait maladroitement traduire par: “Un maure est un maure” est une expression que j’ai souvent entendue, et qui résonne comme une interjection on ne peut plus fataliste à se résigner à la médiocrité de son peuple, façon “Boys will be boys”.
A l’école (française à Rabat) il y avait toujours un ou deux étrangers dans ma classe, souvent des enfants de diplomates (Santiago si tu me lis). Nos enseignants étaient français dans leur grande majorité et j’apprenais d’eux. J’apprenais leur culture, leur histoire, leur langue. Littéralement. J’ai eu la sensation pendant longtemps de ne m’enrichir qu’au contact de l’étranger dans une relation quelque peu torturée mais carrément mixte. A la maison, la télé était étrangère, la radio était étrangère, les livres étaient étrangers et les invités de mes parents l’étaient souvent aussi. J’adorais ces dîners parce qu’ils étaient préparés avec beaucoup d’application. Ma mère prenait en compte mon tout petit avis sur le linge de table et ma sous-nappe préférée était toujours le bordeaux avec des étoiles. A une époque où je préférais de loin la compagnie des adultes à celle des enfants, ces moments me faisaient voyager, perchée sur un petit coin de canapé, attendant le moment fatidique où je serais envoyée au lit.
Aujourd’hui, cette mixité là me paraît acquise, j’en connais les ressorts, les travers, je sais ce qui m’y exalte et ce que j’y méprise. J’en maîtrise les codes, j’y suis à l’aise, j’y travaille, je vis dedans et j’aime dedans. Aujourd’hui, la majorité des couples proches de moi sont des couples mixtes au sens strict et je m’en réjouis sincèrement. Pour autant, dans ces relations mixtes, internationales, polyglottes, et toujours en mouvement, force est de constater que nous sommes presque tous les mêmes. En parallèle de cette non-mixité sociale accablante qui s’est forgée avec le temps et qui s’aggrave à chaque étape de la vie, il existe d’autres types de couples mixtes (que l’on ne qualifiera pas comme tels), des couples mixtes sociaux, dont on parle moins, mais c’est peut-être un autre sujet.
D’ailleurs, depuis plusieurs semaines maintenant, je me dis qu’il serait temps de poser ces états d’âmes bourgeois à l’écrit et regarder sa classe en face, sans détours ici dans +212. Vous souhaitez prendre la plume prochainement? Je n’attends que vous!
Vous souhaitez réagir à une actualité, vous exprimer sur un sujet particulier, prendre la plume pour la première ou la énième fois? + 212 est un nouvel espace à investir et il n’attend que vous. Écrivez-nous à [email protected]
Le 26/01/2019
Source web : huffpostmaghreb
Plaquette de l'AMDGJB-Geoparc Jbel Bani
Les tags en relation
Les articles en relation

Communiqué de presse : Rencontre entre la confédération nationale du tourisme(CNT) et la CGEM
Les membres du bureau de la Confédération Nationale du Tourisme, menés par leur Président, Abdellatif Kabbaj, ont rencontré Salaheddine Mezouar, Président...

C'est parti pour la déconcentration!
Le décret relatif à la charte nationale de la déconcentration administrative vient d'entrer en vigueur après sa publication au Bulletin Officiel, nous a...

Électricité : Les énergies renouvelables boostent la production nationale
La production nationale d’énergie électrique a bondi de 6% à fin juillet 2018, en glissement annuel. Une progression à la faveur de la production de l�...

Binter lance une nouvelle promotion de ses vols du Maroc vers les îles Canaries
La compagnie aérienne canarienne Binter annonce le lancement d'une nouvelle promotion de ses vols en partance de plusieurs villes marocaines vers les îles...

La Fondation Famae lance un concours doté de 2 millions d'euros
Entrepreneurs, startups, PME, ONG, chercheurs et collectivités territoriales ont jusqu'au 15 février 2019 pour déposer leur candidature au concours inter...

La case de l’Oncle Dom : ANCV, les chèques vacances en bois... dont on fait des flûtes ! L’éd
Et vlan ! Après cet amendement stupide qui va taxer les aides aux vacances offerts par les comités d’entreprises aux salariés (et aux retraités), voilà q...

Errachidia : participation du CRI Draa-Tafilalet à une rencontre internationale sur les ODD au Maro
Le Centre régionale d’Investissement Draa-Tafilalet a participé à une rencontre internationale sur les Objectifs du Développement Durable au Maroc, organi...

Le fabuleux destin de la petite Meryem Amjoun
La petite Meryem Amjoun, qui a remporté, à Dubaï, le concours du "Défi de la lecture arabe 2018", a été désignée, lundi, ambassadrice de la lecture par ...

Tourisme: Les secteurs public et privé dévoileront enfin une feuille de route commune dans un mois
Jeudi 11 octobre: séance de travail avec le nouveau bureau de la CNT. Après sa réélection en juin, à la tête de la Confédération nationale du touris...

Airbnb veut construire et louer ses propres logements
Des structures modulables, conçues pour être partagées. Cette initiative fait partie du projet Backyard, qui a pour objectif (plus qu'ambitieux) de, "pen...

Energies renouvelables au Maroc: voici l’état d’avancement des projets
L’année 2018 a connu l’achèvement ou le démarrage des travaux de plusieurs projets solaires et éoliens. La puissance installée jusqu’à aujourd’hui...

St. Regis Tamuda Bay : nouveau projet touristique haut de gamme
Eagle Hills et Marriott International viennent d’annoncer le projet St. Regis Tamuda Bay. Cette nouvelle destination marque également l’arrivée de l’emb...