PLF 2019: un budget "tout sauf social", selon l'opposition
Quelques jours avant la finalisation des projets d'amendements au PLF 2019 par les groupes parlementaires de la première Chambre, Médias24 a sondé quelques députés pour connaitre dans quel sens vont les débats. Tour d'horizon.
Le projet de loi de Finances (PLF 2019), actuellement en examen à la Chambre des représentants, ne semble pas convaincre les députés, notamment ceux de l'opposition. Même des membres de la majorité se montrent plutôt critiques.
Le gouvernement le qualifie de projet à caractère social, donnant la priorité aux secteurs sociaux à savoir l'éducation et la santé avec des augmentations de budgets et des recrutements en hausse. Une affirmation que rejette la majorité de nos interlocuteurs.
"Ce PLF s'inscrit dans la continuité des lois de Finances précédentes. Les secteurs sociaux ont eu 19% du budget général alors qu'avant, avec le gouvernement de l'alternance par exemple, ces secteurs représentaient entre 25 et 28% du budget", nous déclare Hanane Rehab, parlementaire USFP et membre de la commission des Finances à la Chambre des représentants.
Elle propose d'ores et déjà quelques pistes d'amélioration et recommandations générales comme :
- La création d'une banque publique d'investissement pour faciliter l'accès au financement des petites et moyennes entreprises, en tenant compte de la dimension régionale.
- L'introduction d'une réforme fiscale juste et équitable visant à redistribuer la richesse par l'augmentation des impôts sur les revenus les plus élevés; la réduction des impôts sur les classes moyennes en particulier; la réforme de la TVA; l'exonération des salaires mensuels compris entre 2 500 et 5 000 DH.
- Le renforcement du pouvoir d'achat des populations fragiles par la hausse progressive du salaire minimum (SMIG).
Pas de réforme en profondeur
"Il est important pour nous de considérer ce PLF comme un projet transitoire qui nous mènera l'année prochaine vers la mise en place d'une vision globale de notre nouveau modèle de développement actuellement en cours d'élaboration", ajoute-t-elle.
Plus virulent, Omar Balafrej, député FGD et membre de la commission des Finances estime "qu'il y a un vrai problème politique, une contradiction flagrante entre les discours et l'acte". "On nous dit que c'est une loi de Finances qui met en priorité la réforme de l'éducation, or les chiffres disent le contraire", assure-t-il.
Pour le parlementaire, il y a quelques aspects positifs comme l'augmentation de transferts de fonds vers le monde rural à travers la généralisation du programme Tayssir. "C'est bien et c'est important, mais ce n'est pas cela la réforme de l'éducation", martèle-t-il.
"Il suffit de voir les documents du Conseil supérieur de l'enseignement ou le projet de loi-cadre sur la réforme de l'éducation pour comprendre qu'ils ne sont pas du tout pris en compte dans ce PLF. Le premier exemple est la création d'un fonds spécial pour le sauvetage de l'éducation qui est prévu dans la loi cadre mais absent du PLF 2019, alors qu'un projet de loi de finances est l'opportunité pour créer ce genre de fonds", ajoute-t-il.
Sur la question de la création d'emplois dans le secteur de l'éducation, le parlementaire FGD dénonce les chiffres avancés. "Ils nous annoncent 15.000 postes mais omettent de dire qu'il y a 13.000 départs à la retraite, ce qui nous ramène à 2.000 postes nets".
Dernier point que Omar Balafrej soulève par rapport aux mesures annoncées pour l'éducation, celui de la généralisation des écoles communautaires. Le conseil supérieur de l'éducation recommande la création de près de 1.000 de ces écoles dans le monde rural et dans les petites villes, équipées d'internats, de cantines et de logements pour les enseignants... "Le gouvernement en a créé 10 cette année ! A ce rythme, il nous faudra 100 ans pour mettre en place cette généralisation", avance-t-il.
Un problème de gouvernance ?
Pour le parlementaire PAM Salaheddine Aboulghali, le PLF 2019 "ne répond pas aux exigences du contexte économique actuel. C'est une loi de Finances qui perpétue l'aggravation du déficit budgétaire, la baisse de la croissance et la hausse de l'endettement".
"Il est prévu que le déficit budgétaire atteigne 3,8% à la fin de 2018. Autrement dit, c'est la 8ème année consécutive, depuis 2011, que le déficit budgétaire est élevé. Entre-temps, le taux de croissance supposé créer de la richesse et des emplois baisse de façon continue et même dans les années 2014 et 2015 où le contexte était favorable avec un baril de pétrole dont le prix a drastiquement chuté, le Maroc n'a pas réussi à en tirer profit pour améliorer sa croissance. Même la caisse de compensation dont le budget avait baissé ces dernières années a augmenté dans ce PLF", analyse Aboulghali.
"En d'autres termes, nous avons un problème de gouvernance. C'est un problème de gestion et non pas un problème de moyens...", ajoute-t-il en précisant que même les budgets d'investissement promis par le gouvernement chaque année ne sont exécutés qu'à hauteur de 60%".
"Cette loi de Finances ne nous apporte aucune réponse à ces problématiques qui continuent de s'aggraver. Pire, elle ne nous donne pas de la visibilité sur les trois prochaine années", insiste-t-il.
Le parti de l'Istiqlal s'était exprimé sur le sujet à travers son secrétaire général Nizar Baraka. Ce dernier a déclaré que le budget 2019 n'est qu'un budget pour perpétuer la crise et approfondir la crise de confiance, alors qu'il aurait dû apporter des mesures efficaces et audacieuses pour restaurer la confiance dans l’économie nationale et la confiance des citoyens dans l’avenir".
Le gouvernement adopte, selon Nizar Baraka, une politique de gestion du déficit budgétaire plutôt qu'une politique de développement économique et social. "Le gouvernement porte des politiques qui continuent à peser et mettre sous pression le pouvoir d'achat des classes moyennes. Il se concentre sur les investissements dans les infrastructures au lieu d'améliorer leur rentabilité".
Il parait clair que ce PLF n'a pas apporté de mesures révolutionnaires sachant que les besoins financiers sont importants au regard des chantiers engagés dans plusieurs domaines.
Les débats au sein du Parlement touchent à leur fin. Les groupes parlementaires ont tous commencé à travailler sur leurs projets d'amendements qui doivent être déposés au plus tard le vendredi 9 novembre.
Le 07 Novembre 2018
Source web Par Médias 24
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