Protection sociale: Le Maroc loin du compte!
Ses composantes fragmentées n’ont pas été conçues comme un système intégré
Assurance maladie, régimes de retraite, appui aux veuves… l’Unicef pointe les difficultés
Appel à transformer la Caisse de compensation en instance de coordination des programmes de protection
En dépit des progrès dans la mise en œuvre des programmes, l’efficacité et l’efficience du système de protection sociale restent limitées. C’est l’une des principales conclusions du rapport de l’Unicef sur le «Mapping de la protection sociale au Maroc». Cela est dû au manque d’intégration dans l’élaboration des politiques, de la faible intégration au niveau programmatique, avec un nombre pléthorique d’initiatives et la multiplicité des intervenants, soit une cinquantaine d’organismes.
Historiquement, «les composantes du système de protection sociale au Maroc ont été développées de manière fragmentée, sur une période très longue». Elles ont été introduites au fur et à mesure en réponse à des problèmes spécifiques et n’ont pas été conçues comme un système.
Résultat: cette situation «donne lieu à une couverture limitée, à l’exclusion, ou à une prise en charge insuffisante de certaines catégories vulnérables», peut-on lire dans ce document. D’où l’urgence d’une «reformulation des composantes de la protection sociale dans un système plus intégré». Cette refonte devra redéfinir la protection sociale d’une façon plus équitable et plus synergique».
La réduction des disparités passe, selon l’Unicef, par la «construction d’un système national couvrant toutes les couches de la population».
? Couverture médicale: La progressivité, décisive pour intégrer de nouvelles catégories
C’est l’une des principales faiblesses du système de couverture sociale au Maroc. «La branche contributive de la protection sociale est associée à l’emploi dans le secteur formel». Or, ce dernier ne concerne qu’à peine un tiers de la population. Résultat: «L’assurance sociale au Maroc se caractérise par sa faible couverture, ainsi que par sa fragmentation en termes de financement, de prestation, de condition d’octroi et d’administration». Ce document a mis l’accent sur la persistance de certaines barrières à l’accès aux soins, notamment financières, géographiques et de qualité. Selon les données contenues dans ce rapport, «53,6% de la dépense globale de santé au Maroc est financée par le paiement direct des ménages». Ce qui traduit «une dépendance excessive à ce type de paiement». En 2015, la population non couverte représentait près de 40%. Il s’agit notamment des personnes travaillant dans le secteur informel, les indépendants et leurs ayants droit… Le gouvernement a lancé un nouveau dispositif juridique pour intégrer ces catégories. Sur ce point, l’Unicef plaide pour la progressivité. «Selon la CNSS, la démarche consiste à commencer par intégrer immédiatement la totalité des catégories identifiées et organisées. Et à chaque fois qu’une catégorie socioprofessionnelle est organisée, il sera procédé à son inclusion», peut-on lire dans ce document.
? Retraites: La réforme systémique se fait attendre
Pour ce système qui couvre les risques de perte de revenus liée à la vieillesse, à l’invalidité ou au décès, «la couverture reste limitée». Seulement 20% des personnes de plus de 60 ans touchent une pension de retraite, selon le rapport de l’Unicef. Ce document a pointé une série de défaillances. En tête, «la fragmentation du système des retraites, avec plusieurs régimes s’adressant à différentes catégories de travailleurs, avec un panoplie de modalités en matière de financement, de calcul des prestations et de conditions d’octroi». La réforme lancée en 2016 n’a pas permis d’inverser la tendance, comme l’a précisé Driss Jettou dans sa dernière intervention au Parlement. Mais au-delà de la réforme paramétrique, une autre refonte devrait suivre, selon l’Unicef. Il s’agit d’une «réforme systémique qui aboutirait à la création de deux pôles, public et privé, avec un régime de base pour tous les affiliés. Deux autres régimes, un complémentaire et l’autre facultatif, conditionné par le niveau du salaire du cotisant, devront accompagner le système de base».
? Vulnérabilité des enfants: «Un programme d’aide général aurait un impact plus significatif»
Deux programmes de transfert monétaire sont dédiés au soutien direct des veuves en situation de précarité ayant en charge des enfants et à l’entraide familiale. Pour le premier programme, l’Unicef précise qu’il «n’est cumulable avec aucune autre assistance financière, y compris Tayssir, les bourses scolaires, les allocations familiales… L’idée est «d’éviter que les mêmes enfants bénéficient de plusieurs programmes à la fois». Le Mapping réalisé par l’Unicef explique que «le manque d’une parfaite coordination entre le ministère de l’Intérieur et celui de la Solidarité, pourrait déboucher sur des dysfonctionnements, notamment des retards dans le traitement des dossiers». Parallèlement, la complexité du dossier à présenter pour bénéficier de l’aide, combinée au taux élevé d’analphabétisme parmi les veuves, risque aussi d’augmenter l’exclusion. L’amélioration des performances de ce programme passe par le renforcement des équipes locales par des travailleurs sociaux, en vue d’améliorer les chances d’atteindre les cibles. L’Unicef plaide en faveur de la mise en place d’un programme d’aide général en faveur des enfants vulnérables incluant, au-delà des descendants des veuves et des femmes divorcées, tous les mineurs vivant dans des conditions similaires de précarité. Ce nouveau dispositif «aurait un impact plus significatif sur la réduction de la pauvreté, et serait plus équitable».
? Nouvelle mission pour la Caisse de compensation?
Après les produits pétroliers, la décompensation du sucre et du gaz butane reste délicate. D’où l’importance de «mesures d’accompagnement qui préserveraient le pouvoir d’achat des classes moyennes, et d’un système d’appui aux revenus des plus pauvres». L’Unicef estime que les missions de la Caisse de compensation devraient être revues. L’idée est d’en faire «une instance de coordination de tous les programmes de protection sociale existants».
Le 29 octobre 2018
Source Web : L’économiste
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