Quand la schizophrénie devient un phénomène managérial !
La question de la toxicité des comportements humains en milieu professionnel n’en finit pas d’interpeller de par sa complexité et la multiplicité de ses déclinaisons. Elle interpelle d’autant plus que son impact négatif se fait inévitablement ressentir sur la performance des équipes et de l’entreprise, surtout quand ces comportements négatifs émanent d’un manager. On en est même arrivé aujourd’hui à parler de «schizophrénie managériale» pour dire la gravité de ce phénomène appréhendé désormais en tant que syndrome.
Les experts sont unanimes à dire qu’un manager doit faire preuve de cohérence pour gagner l’adhésion totale de ses équipes. Un manager cohérent, expliquent-ils, est un manager qui dit ce qu’il sait, fait ce qu’il dit et maintient un comportement régulier dans diverses situations et dans le temps.
On l’aura compris, un manager schizophrène est le contraire de tout cela. «Ce que j’appelle “schizophrénie managériale” est la manifestation de comportements qui reflètent un décalage impressionnant et chronique entre ce que certains managers font et ce qu’ils disent faire ou vouloir faire», indique Farid Yandouz, spécialiste en Conduite du changement et directeur exécutif à Trusted Advisors Group. Il fait remarquer que ces comportements quasi schizophréniques font partie du paysage de toutes les organisations au point où l’on finit par s’y habituer et que l’on essaie même de leur trouver des justifications. «Bien entendu, il ne s’agit pas d’agissements à caractère passager ou de réactions propres à des situations, mais plus d’habitudes qui s’installent progressivement dans les pratiques managériales à en devenir chroniques», précise Farid Yandouz.
L’expert ajoute que les managers se trouvent souvent dans des situations où ils doivent opter pour des postures et de prendre des initiatives et des décisions. C’est dans ce cadre-là qu’ils peuvent être jugés incohérents ou ne pas être appréciés pour ce qu’ils font ou ce qu’ils disent pouvoir et vouloir faire. Cette discordance entre les promesses, les décisions et les actes de certains managers peut se révéler fort déstabilisante pour les collaborateurs et peut prendre plusieurs formes.
Plus concrètement, le spécialiste en conduite du changement présente quatre déclinaisons de cette schizophrénie managériale :
• Cas 1 : Faites ce que je dis, MAIS ne faites pas ce que je faisais !
• Cas 2 : Prenez l’initiative, MAIS restez dans l’ombre de quelqu’un.
• Cas 3 : Je prends mon temps pour décider, MAIS vous, ne prenez surtout pas de temps pour adhérer et implémenter ce que je vous dis.
• Cas 4 : Je réussis parce que je suis polyvalent et généraliste, MAIS vous devez être spécialisé pour réussir.
(Voir encadré).
Mais de l’avis de Malgorzata Saadani, coach international ICC, le terme «schizophrène» est aujourd’hui usé et abusé chaque fois que l’on veut désigner quelqu’un d’incohérent, pénible, versatile ou instable. «Il s’agit de comportements parfois exacerbés qui restent quand même dans une large moyenne de normalité tout en étant difficiles à supporter par l’entourage», souligne-t-elle. Pour elle, un manager dit schizophrène est «une personne globalement instable : multi-facettes, tantôt lucide et plaisante, tantôt déconnectée de la réalité, souvent contradictoire dans ses actes et ses paroles, suspicieuse et constamment à la recherche de complots et d’ennemis. Bref, une personne dont on a du mal à deviner les réactions conformes aux attentes sociales». Ce caractère contradictoire entre les actions et les dires et promesses du manager schizophrène a été également souligné par Karima Rihani, psychosociologue et coach de performance en entreprise. «Ce type de manager se présente comme un excellent expert en théorie, ayant une connaissance pointue sur les méthodes de management, mais sa gestion renvoie à l’autorité et au manque d’empathie», relève-t-elle.
«Cette indécision et cette imprécision dans la définition de ce qu’il voudrait atteindre ainsi que le manque de visibilité rendent le manager schizophrène imprévisible et difficile à comprendre encore moins à satisfaire professionnellement par ses collaborateurs», renchérit Afafe El Amrani El Hassani, docteure chercheuse en sciences de gestion et RSE, consultante en GRH.
Sanae Hanine, formatrice en communication non violente, va plus loin et affirme qu’il existe plusieurs types de managers «schizophrènes» dont les plus nocifs sont les pervers narcissiques et les passifs agressifs. «Ces deux typologies font partie des personnalités dites toxiques qui empoisonnent la vie des individus qui les côtoient au travail», assure-t-elle.
Que faire ?
À la lumière de ces différents constats, il ne peut qu’être difficile de côtoyer au quotidien un manager dit «schizophrène». «Il s’agit en effet d’une situation difficile à vivre et à supporter par les collaborateurs, notamment quand il est question de prendre des décisions stratégiques et surtout lors de l’évaluation de leur travail individuel et collectif !», signale Afafe
El Amrani El Hassani. Elle préconise dans ces cas-là que collaborateur averti développe une grande autonomie d’action et se dote d’un fort caractère pour pouvoir assumer les conséquences de ses actes face à son manager schizophrène. «Il doit aussi pouvoir délimiter les frontières entre ses responsabilités et celles de son manager et pouvoir atteindre le niveau de rendement et d’excellence auquel aspire tout collaborateur dans l’exercice de ses fonctions avec ou sans existence d’un bon leader qui se charge normalement de la motivation, le conseil et l’orientation stratégique de l’équipe», ajoute-t-elle.
Karima Rihani, elle, précise qu’un manager schizophrène dénigre et défavorise ses collaborateurs ce qui crée chez ces derniers un sentiment d’incapacité à communiquer et à échanger. À ce titre, elle leur conseille trois attitudes à adopter face à un manager schizophrène :
1. Ouvrir des dialogues courts, mais efficaces et éviter les provocations et les insinuations.
2. Noter les déclarations du manager durant les réunions avec les dates et les jours. Cela permet de se défendre et d’argumenter vos réclamations.
3. Choisir le moment d’interaction avec son manager et éviter d’en parler pendant les moments de tensions.
Pour Sanae Hanine, la première étape pour le collaborateur serait tout d’abord de comprendre ce qui se passe, car «prendre conscience du fait qu’il a devant lui une personnalité perverse constitue
la moitié de la solution». La première chose à faire, conseille-t-elle, est de ne plus montrer ses émotions. «L'approche la plus efficace consiste à ignorer le comportement et prétendre que vous ne le remarquez pas», mais aussi de maintenir autant que possible la distance avec la personne psychologiquement et physiquement. Plus facile à dire qu’à faire, dira-t-on. «Il s’agit en fait d’adopter une attitude professionnelle et réduire les échanges uniquement à des sujets ayant trait au travail. Chaque interaction doit être professionnelle et aller droit au but», répond l’experte en communication non violente. Elle recommande également que le collaborateur renforce et ancre son environnement en s’entourant d’un clan d’alliés pour se protéger et avoir des témoins en cas de besoin. En dernier recours, celui-ci pourrait envisager la possibilité d’une mutation. Mais le plus essentiel, selon elle, serait de connaitre ses droits.
Dans le même ordre d’idées, Malgorzata Saadani assure que le collaborateur devrait «adopter la même posture qu’un membre de la famille d’une personne malade : il essaiera de garder le cap dans la mesure du possible, c’est-à-dire qu’il fera son job sans entrer dans un jeu de rôles pathologique. Et s’il a des observations concrètes relatives au travail ou au comportement d’un manager instable, le collaborateur peut le signaler aux responsables compétents de sa structure : soit le département RH, soit la direction de l’entreprise. Dans un tel cas, il est très important de parler des faits et ne pas se laisser emporter par les émotions».
Tel manager tel collaborateur ?
Et si le fait de subir au quotidien les comportements incohérents et toxiques d’un manager finit par déteindre sur le collaborateur ? Un manager schizophrène produit-il un collaborateur non moins schizophrène ? «Peut-être pas dans le sens propre du terme», répond Afafe El Amrani El Hassani, «mais son comportement et son mode de réflexion peuvent être impactés à force de cette fréquentation, particulièrement lorsqu’elle est de longue durée. C’est un risque d’une certaine contagion comportementale et intellectuelle, surtout si le manager a un pouvoir important sur ses collaborateurs, ou encore si c’est une figure influente ou s’il a un ascendant personnel sur les gens de par son charisme ou à force de les manipuler habilement».
Plus modérée, Malgorzata Saadani trouve que «la réponse à cette question dépend de la personnalité du collaborateur et de son niveau de professionnalisme et de maîtrise de ce qu’il fait. Elle dépend aussi de son degré d’autonomie et de la force de sa personnalité qui pourrait être soit authentique soit un simple sosie déformé d’un manager déjà à plaindre !» Karima Rihani, elle, est catégorique. Elle assure que «la schizophrénie managériale ne peut être contagieuse, car il est question de traits de caractères et de personnalités». Toutefois, elle concède que «l’être humain a tendance à tomber dans le piège de l’ascenseur émotionnel et de se comporter de la même manière pour se défendre».
Farid Yandouz, spécialiste en Conduite du changement et directeur exécutif à Trusted Advisors Group
Cas pratiques de schizophrénie managériale
«La “schizophrénie” représentée par la discordance entre les promesses, les décisions et les actes de certains managers peut prendre plusieurs formes. En voici quelques cas concrets que j’ai notés personnellement dans des missions d’accompagnement que j’ai eu l’occasion de réaliser depuis plusieurs années. Ces cas présentent généralement des pratiques qui ne sont pas cohérentes et qui vont certainement vous rappeler des situations que vous aviez vues dans votre parcours professionnel. L’idée est de vous inviter à prendre conscience de ces types de malaises afin de vous permettre de les éviter et de les corriger :
Cas 1 :
Faites ce que je dis, MAIS ne faites pas ce que je faisais !
Dans une association professionnelle à but non lucratif, un nouveau président prend les rênes de la gouvernance. Juste après sa nomination, il exige la présence de tous les membres du bureau de direction de l’association avec la menace qu’ils vont être expulsés dans le cas où ils ne se présentent pas aux réunions hebdomadaires. Quelques semaines après le discours menaçant, il a, en effet, appliqué sa menace en expulsant 3 des plus anciens membres sur les 12 constituant le bureau de direction. L’impact a été virulent et global sur tous les collaborateurs et adhérents à la cause de l’association. Certains membres ont ouvertement protesté contre les pratiques et les compétences du nouveau président en faisant signer une pétition à d’autres sympathisants de l’association. D’autres membres ont bruité la corruption du président et ses pratiques malsaines qui vont à l’encontre de la réputation de l’association et des valeurs qu’elle défend. Tous les signes prouvent une crise qui a dérapé en créant une réelle désolidarisation des membres. Pourquoi en est-on arrivé à ce niveau de crise ? Détrempez-vous, il ne s’agit pas d’une incapacité à gérer les conflits, ou d’un manque d’aptitudes communicationnelles. Il s’agit tout d’abord d’une question d’exemplarité. En effet, ce président, et durant les mandants où il était un simple membre, n’assistait que très peu aux différentes réunions. L’assiduité n’était pas son fort. Par ailleurs, et lors des rencontres informelles ou durant les réunions officielles, il n’hésitait pas à insister sur la nécessité de recruter des cadres permanents et qu’il faut prévoir leurs coûts dans les budgets annuels. Ceci libérerait, selon lui, les membres bénévoles de la corvée de plusieurs contributions surtout celles d’ordre administratif. Lorsqu’il est devenu président, on voyait que ses comportements sont incohérents avec ce qu’il disait et défendait auparavant. La question qui mérite d’être posée est : si ce président ne respectait pas certaine pratiques, ou au moins il challengeait leur pertinence, quand il était un simple membre, pourquoi a-t-il tenu à sanctionner le non-respect de ces mêmes pratiques une fois devenu président de l’association ? Attention, ne demandez pas à vos collaborateurs de faire ce que vous dites en tant que leur supérieur, tout en les sanctionnant s’ils font ce que vous faisiez quand vous étiez leur collègue.
Cas schizophrénique 2 :
Prenez l’initiative MAIS restez dans l’ombre de quelqu’un !
Dans une organisation prônant la “proactivité” en tant que discours réformiste de la culture “stagnante” des équipes, un directeur de business unit initie un programme de recrutement de cadres supérieurs pour étoffer ses équipes. Il était très enthousiaste à l’égard d’intégrer des talents dans ses équipes et n’arrêtait pas de le dire haut et fort lors des réunions des cadres avec un discours réformiste faisant la promotion de l’innovation et la nécessité d’apporter du sang neuf à l’organisation. Ceci dit, et suite au recrutement de la première promotion de ces nouveaux cadres, toutes les interactions reflètent une ambiance particulière qui se fait généralement ressentir rapidement durant les premières réunions et présentations. En effet, ces nouvelles recrues comprennent très vite qu’elles ne doivent pas challenger le directeur devant leurs collègues, ou ils ne doivent pas lui faire de l’ombre en présence des collaborateurs des autres directions. Comment souhaitez-vous que ces cadres libèrent leur énergie créative s’ils savent pertinemment qu’ils vont être blâmés s’ils parlent trop ou s’ils prennent l’initiative de proposer des idées en présence de leurs collègues ou des membres d’autres départements ? Comment souhaitez-vous que ces cadres soient innovants s’ils n’ont qu’une obsession : Éviter le risque de faire de l’ombre à leur propre manager ? La question qui mérite d’être posée est : Si des directeurs ne veulent pas qu’on leur fasse de l’ombre, pourquoi recrutent-ils des gens intelligents, et puis ils sont déçus quand ces personnes ne sont pas au top en termes de performance ou s’ils ne sont pas si innovants sur ce qu’on voulait d’eux à un certain moment ? Ce qu’il faut comprendre est que certaines pratiques et discours réformateurs, à l’instar de l’innovation et la proactivité, exigent un préalable au niveau des managers qui doit être développé. Il s’agit de l’ouverture d’esprit, à la transparence des attentes et des périmètres d’intervention de tout un chacun, et l’aptitude managériale à mobiliser l’intelligence collective.
Cas schizophrénique 3 :
Je prends mon temps pour décider, MAIS vous, ne prenez pas de temps pour adhérer et implémenter.
Dans une multinationale, les managers du siège central prennent plusieurs mois pour prendre des décisions liées à des choix et des solutions qui sont à déployer par les équipes des pays gérés. Le sentiment des équipes de ces managers est que ces décisions prennent beaucoup de temps et trainent pour des raisons insensées. Le comble est quand les décisions sont prises, les résultats et les livrables sont exigés pour des deadlines très courts et on tombe dans une utilisation excessive de l’expression “La deadline est pour hier”. Pourquoi exigent-ils des délais de réalisation insensés alors qu’ils ne sont pas, eux-mêmes, efficaces en termes de livraison des décisions. S’ils souhaitent un engagement, il faut qu’ils le reflètent par l’image qu’ils véhiculent. Si on prend du temps à réfléchir sans trop nous soucier des personnes impactées ou les impliquer… À leur tour, elles passeront plus de temps à ne réfléchir qu’à implémenter nos décisions comme on le souhaite. Donc, pourquoi s’étonner que nous ayons des collaborateurs non engagés si leur manager prend du temps à réfléchir alors qu’il ne donne pas le temps de réflexion à ceux qui vont implémenter.
Cas schizophrénique 4 :
Je réussis parce que je suis polyvalent et généraliste, MAIS vous devez être spécialiste pour réussir !
Dans une entreprise de développement informatique, certains managers martèlent leurs interlocuteurs avec un discours défendant la nécessité que les ressources se spécialisent de plus en plus dans un des domaines des compétences. En renforçant ce paradigme de la spécialisation, on fait en sorte que les directions RH ne recrutent que des spécialistes pour continuer à les pousser vers des spécialisations. Le malaise est que ces managers sont eux-mêmes des généralistes et bâtissent leur légitimité sur leur capacité à gérer des profils et des attentes d’horizons très différents. Nous n’arrêtons pas de dire que ces managers réussissent grâce à leur expérience diversifiée, leur esprit de benchmark, et leur capacité d’adaptation à des expertises diverses, et puis nous demandons aux collaborateurs de se spécialiser pour réussir. Comment souhaitez-vous les motiver dans un contexte pareil ? Ils ne voient que de l’incohérence dans ces propos».
La schizophrénie managériale vue par les experts?
Karima Rihani, psychosociologue et coach de performance en entreprise
«Le manager schizophrène est un manager qui acte de manière contradictoire par apport à ses dires et à ses promesses. Il se présente comme un excellent expert en théorie, ayant une connaissance pointue des méthodes de management : bienveillance et intégration des notions de liberté et prise d’initiative en entreprise. Par contre, sa gestion interne renvoie à l’autorité et au manque d’empathie. Je m’explique : un manager schizophrène réclame et prône le management participatif en réunion, mais une fois au bureau et dans l’action, il est le chef par excellence et seul son avis compte. Les actions d’un manager schizophrène se manifestent dans l’exercice de ses fonctions comme suit :
• Je demande à mes collaborateurs et je les encourage à prendre des initiatives et d’être innovants, une fois interactifs, leurs propositions sont ignorées, voire refusées sans explications.
• Je suis bienveillant et à l’écoute, mais face à la gestion de conflits, je coupe la parole, j’ignore l’avis de mes collaborateurs et je juge mon collaborateur en me basant sur mes croyances personnelles.
• Je réclame que je suis un leader qui accompagne ses équipes par contre j’agis en chef autoritaire qui donne des ordres et attend des exécutions de tâches sans dialogue ni compréhension.
• Je parle d’égalité, mais je m’autorise ce que je refuse à mes collaborateurs : respect des délais, des promesses, des échanges professionnels…»
Malgorzata Saadani, coach international ICC
«Pour bien commencer, j’aimerais faire clairement la distinction entre la schizophrénie en tant que l’affection de la santé du point de vue strictement médical et certains comportements parfois exacerbés qui restent quand même dans une large moyenne de normalité tout en étant difficiles à supporter par l’entourage. Aujourd’hui le terme “schizophrène” est usé et abusé là où l’on veut désigner quelqu’un d’incohérent, pénible, versatile, instable. Ça peut paraître juste une nuance linguistique, mais à mon avis elle est importante à souligner pour faire la part des choses. Tout simplement parce que nous n’avons pas les mêmes exigences envers une personne malade (et qui fournit parfois de grands efforts pour s’intégrer) et envers une personne caractérielle ou mal éduquée qui, en toute conscience, impose ses humeurs aux autres. Si nous faisons un parallèle simplifié avec les symptômes de la maladie, un manager dit “schizophrène” est une personne globalement instable : multi-facettes, tantôt lucide et plaisante, tantôt déconnectée de la réalité, souvent contradictoire dans ses actes et ses paroles, suspicieuse et constamment à la recherche de complots et d’ennemis. Bref, une personne dont on a du mal à deviner les réactions conformes aux attentes sociales».
Afafe El Amrani El Hassani, docteure chercheuse en sciences de gestion et RSE, consultante en GRH
«Avant de définir un manager schizophrène, une phrase d’un coach nous revient en esprit : “Nous sommes tous schizophrènes quelque part !” En effet, entre la perception que nous avons de soi et celle que développent les autres envers nous, et entre la perception que nous développons envers les autres et celle qu’ils ont d’eux-mêmes, de grands gaps peuvent exister. Des gaps souvent décevants et des fois difficiles à assimiler et admettre ! De ce constat, nous pouvons dire que même dans le monde des affaires, nous pouvons rencontrer un manager schizophrène qui a généralement du mal à comprendre ce qu’il veut réellement atteindre comme objectif professionnel et surtout ce qu’il attend de ses collaborateurs. Cette indécision
et cette imprécision dans la définition de ce qu’il voudrait atteindre et aussi ce manque de visibilité rendent le manager schizophrène imprévisible et difficile à comprendre encore moins à satisfaire professionnellement par ses collaborateurs. Cette schizophrénie peut se manifester à travers des objectifs imprécis et des barrières émoussées entre la réalité et les attentes, le réalisable et l’impossible et entre le travail bien fait et le bâclé !»
Sanae Hanine, formatrice en communication non violente
«Il existe plusieurs types de managers “schizophrènes” dont les plus nocifs à mon sens sont les pervers narcissiques et les passifs agressifs. Ces deux typologies font partie des personnalités dites toxiques qui empoisonnent la vie des individus qui les côtoient au travail. Les pervers narcissiques mettent leurs collaborateurs dans un placard psychologique, se nourrissent de leur dépréciation et peuvent les conduire vers la dépression et le burnout. À première vue, ce sont des personnes charmantes et très sympathiques. Mais la façade n’est séduisante que pour mieux cacher leur besoin de persécution. Par exemple, un pervers narcissique peut affirmer à l’un de ses collaborateurs qu‘il est un pilier de l’entreprise et le lendemain, il commence à l’exclure des réunions. Le passif agressif opère sur un autre registre. Il affirme un oui tout en pensant non sans appel. Avec lui, les collaborateurs sont constamment devant un mur de non-recevoir (stonewalling). Il n’exprime jamais ouvertement son agressivité. Il la distille d’une autre manière : des comportements non verbaux ou des insinuations. Le sabotage des collaborateurs s’effectue d’une manière très subtile : retient l’information pour un dossier important, répond favorablement à leurs requêtes, mais sans donner suite, occulte les efforts fournis par eux au niveau du top management... La confrontation avec ce type de personnage n’est jamais directe et très épuisante. Néanmoins, il faut faire le distinguo entre ces deux personnalités, si la perversion narcissique est considérée en psychiatrie comme est un véritable trouble de la personnalité, la “passivité-agressivité” n’est juste qu'un mécanisme de défense».
Le 24 Juin 2018
Source web Par Le Matin
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