Le ton baisse entre Trump et Trudeau au Sommet du G7
Aux déclarations acerbes ont succédé les blagues : le ton semblait s'être adouci, en fin de journée vendredi, entre le président américain Donald Trump et le premier ministre Justin Trudeau, du moins si l'on se fie au court entretien qu'ils ont eu avec la presse au Sommet du G7, à La Malbaie.
Les deux hommes semblaient détendus et souriants à l’issue d’une rencontre bilatérale où il a été question de l'avenir de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Prenant la parole en premier devant les caméras, M. Trudeau a souhaité la bienvenue au président américain.
« C’est l’occasion de parler de beaucoup de choses. Évidemment, il est question de commerce. On s’est tous deux fait élire en promettant d’aider la classe moyenne, et on garde cet objectif en tête. C’est un plaisir de vous accueillir, Donald », a-t-il déclaré.
Aux côtés de Justin Trudeau, M. Trump a affirmé que la relation américano-canadienne n'avait « jamais été aussi bonne ».
Notre relation est très bonne. On essaie d’abolir les tarifs [douaniers] pour faire que ce soit plus équitable pour nos deux pays. On a fait beaucoup de progrès.
Le président Donald Trump
Donald Trump s’est même permis une blague, plaisantant sur la renégociation en cours de l'ALENA.
« Justin a été vraiment génial. Vous savez ce que j’apprécie? Justin a accepté d’enlever ses tarifs douaniers entre le Canada et les États-Unis. Alors, je suis très content! », a-t-il dit, sourire en coin.
Le président américain a également déclaré qu'il pensait qu'il y aurait un communiqué conjoint à l'issue du Sommet du G7, alors que les tensions sont vives entre lui et les six autres dirigeants sur la question des tarifs douaniers. De nombreux diplomates doutent de cette éventualité.
Un climat de tension
De gauche à droite : le président du Conseil européen Donald Tusk, la première ministre britannique Theresa May, la chancelière allemande Angela Merkel, le président américain Donald Trump, le premier ministre canadien Justin Trudeau, le président français Emmanuel Macron, le premier ministre japonais Shinzo Abe, le premier ministre italien Giuseppe Conte et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Les chefs d'État et de gouvernement des pays du G7 étaient réunis vendredi pour une première journée de travail à La Malbaie. Photo : Getty Images/Leon Neal
Cette bonne entente affichée tranchait avec l’incertitude qui régnait en matinée. C'est dans un climat de tensions commerciales que les dirigeants du G7, réunis au Manoir Richelieu, à La Malbaie, ont entamé une première journée de travail.
La première rencontre de la journée, placée sous le thème de « la croissance économique qui profite à tout le monde », s'est mise en branle peu après l'arrivée du président américain Donald Trump, avec 30 minutes de retard sur l'horaire prévu. Ce retard l'a contraint à annuler une rencontre bilatérale qu'il devait avoir au préalable avec son homologue français, Emmanuel Macron.
Accompagné de sa femme, le premier ministre canadien Justin Trudeau a accueilli le président Trump sur une terrasse extérieure du Manoir, comme il l'avait fait plus tôt pour les autres dirigeants des pays du G7. Les deux hommes se sont serré la main et ont échangé quelques mots avant d'entrer à l'intérieur de l'établissement.
Après leur déjeuner de travail, les dirigeants se sont retrouvés au pavillon du club de golf du Manoir pour une photo de groupe officielle, avant de poursuivre leurs discussions.
Discussions sur l'économie
Le tout a débuté par une séance de travail sous le thème « La croissance économique et l'avenir de l’emploi ».
En conférence de presse, en fin d'après-midi, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, a indiqué que le ton de la première rencontre de la journée était « cordial ».
La ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, a rencontré les médias en compagnie du ministre des Finances, Bill Morneau. Photo : La Presse canadienne/Justin Tang
« Nous avons commencé avec une discussion sur les politiques [intérieures]. Comme vous les savez, pour le Canada, pour le premier ministre, c’est la politique la plus importante pour notre gouvernement : la politique de la classe moyenne. […] C’était le premier enjeu. La discussion était, je pense, très productive, très constructive », a-t-elle déclaré.
Chrystia Freeland a répété que le Canada n’allait pas changer sa position au sujet de l’imposition par l’administration Trump de tarifs douaniers « illégaux et absolument injustifiés » sur l'acier et l'aluminium, et elle a promis de continuer à se battre contre cette mesure.
« Permettez-moi de vous rappeler que cet enjeu représentait officiellement une menace à la sécurité nationale. Nous sommes très clairs : le Canada ne constitue pas une menace à la sécurité nationale américaine. Au contraire, en se basant sur les lois américaines, nous faisons partie de la base de la sécurité nationale des États-Unis. Alors, il s’agit d’un acte illégal et il est totalement injustifié », a-t-elle ajouté.
Un dîner de travail, où les discussions devaient tourner autour du thème « Un monde plus pacifique et plus sûr », se tenait de 18 h 30 à 20 h.
Cette dernière rencontre pourrait notamment donner lieu à des échanges sur le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien et sur la rencontre que le président Trump doit avoir avec le leader nord-coréen Kim Jong-un mardi prochain, à Singapour.
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Trump tance ses alliés
À son départ de Washington, vendredi matin, M. Trump avait donné le ton à la rencontre en y allant d'une nouvelle série de blâmes envers ses alliés, dont le Canada. Il avait aussi tiré quelques salves dans le même sens sur Twitter dans les heures précédentes.
« Nous allons parler des pratiques commerciales injustes envers les États-Unis », a-t-il lancé dans des remarques livrées aux journalistes de la Maison-Blanche avant de se diriger en hélicoptère vers la base militaire aérienne d'Andrews, où il a embarqué dans l'avion présidentiel.
Donald Trump a allégué une fois de plus que le Canada et les pays membres de l'Union européenne faisaient des profits « depuis des décennies » sur le dos des États-Unis en raison de ces pratiques. « Nous devons les changer. Ils comprennent que ça va se produire », a-t-il affirmé.
Il a aussi répété dans la foulée qu'il était prêt à quitter l'ALENA, qui réunit les États-Unis, le Canada et le Mexique, si un « meilleur accord » que celui actuellement en vigueur ne peut pas être conclu.
Le président n'a pas directement confirmé des informations données jeudi soir à la presse par la Maison-Blanche, selon lesquelles il devrait quitter le Sommet du G7 en milieu de matinée samedi et faire l’impasse sur des discussions des leaders du G7 sur les changements climatiques.
« Je partirai peut-être un peu plus tôt, ça dépend de ce qui se passe », s'est-il borné à dire à ce sujet. Il a cependant confirmé qu'il s'envolerait directement du Québec vers Singapour, en vue du sommet historique du 12 juin avec Kim Jong-un.
Dans un tweet publié plus tôt vendredi matin, M. Trump s’est aussi montré défiant envers les chefs d’État et de gouvernement du Canada, de la France, du Royaume-Uni, de l’Italie, de l’Allemagne et du Japon, et des plus hauts dirigeants de l’Union européenne, aussi présents pour le sommet du G7.
« J’ai hâte de remettre à plat les accords commerciaux injustes avec les pays du G7. Si ça ne se fait pas, on s’en sortira encore mieux », a-t-il écrit.
Les Européens se concertent
À La Malbaie, le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel et les premiers ministres britannique et italien, Theresa May et Giuseppe Conte, se sont réunis avant le début du sommet afin de créer un front uni contre la politique commerciale unilatérale de Washington. Les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, ont aussi participé à la rencontre.
Selon une source de la présidence française qui s'est confiée à Reuters, la chancelière Angela Merkel a profité de l'occasion pour proposer la création d'un mécanisme d'évaluation et de dialogue avec les États-Unis sur les questions commerciales pour résoudre la crise actuelle et en prévenir d'autres.
Les Européens souhaitent des références à des règles commerciales collectives et à l'Accord de Paris sur le climat dans le communiqué final du G7, et ils n'accepteront pas de mise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien, a précisé cette même source.
Le communiqué final devrait par ailleurs évoquer la possibilité d'établir un dialogue avec la Russie, mais pas l'hypothèse d'un retour du pays au sein du G7, comme l'a proposé le président Trump en début de journée.
Priée de dire si les exigences des Européens, avec celles des Canadiens et des Japonais, en particulier sur les questions commerciales, ne rendaient pas impossible un accord du président américain sur un communiqué commun, la source a déclaré que rien n'était impossible, mais que cela supposerait d'importantes concessions.
Si le sommet échouait à parvenir à un communiqué commun, ce ne serait « pas un drame », a-t-elle dit, en soulignant que le président Macron préférait ne pas avoir de communiqué à sept plutôt que de voir les six autres pays renier leurs principes.
Ce qui m'inquiète le plus, pourtant, c'est de voir que l'ordre mondial, basé sur des règles communes, se retrouve défié non par les suspects habituels, mais, de façon surprenante, par son principal architecte et garant : les États-Unis.
Donald Tusk, président du Conseil européen
« En ce qui concerne le commerce, les positions sont très claires : le président américain pense que les États-Unis ont été traités injustement par l'Europe et par d'autres, et les autres pensent que ce n'est pas le cas », a déclaré plus tôt en matinée le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en conférence de presse. « Nous démontrerons, faits et chiffres à l'appui, que ce n'est pas la bonne opinion à avoir sur ce sujet. »
M. Trudeau et Mme May se serrent la main en souriant.
Le premier ministre canadien Justin Trudeau accueille son homologue britannique Theresa May au sommet du G7. Photo : Reuters/Christinne Muschi
« Ça nous est aussi égal d’être à six, si besoin était »
Le président Trump essuie de sévères critiques des alliés traditionnels des Américains depuis qu’il a décidé, la semaine dernière, d’imposer des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium que leurs entreprises exportent aux États-Unis.
Lors d’une conférence de presse conjointe jeudi avec le président Macron, le premier ministre Trudeau a notamment affirmé que l’idée d’imposer de tels tarifs pour des raisons alléguées de sécurité nationale était « risible ».
« Peut-être que c’est égal au président américain aujourd’hui d’être isolé, mais nous, ça nous est aussi égal d’être à six, si besoin était », a pour sa part asséné le président Macron, dont les relations avec M. Trump étaient jugées très cordiales jusqu’à tout récemment.
Réagissant une fois de plus sur Twitter jeudi soir, le président Trump a répondu que Justin Trudeau jouait à « l'indigné », mais ne soulevait jamais les barrières imposées par Ottawa aux agriculteurs américains.
Il a réitéré cette dernière accusation vendredi matin. « Le Canada facture aux États-Unis un tarif douanier de 270 % sur les produits laitiers! Ils ne vous disent pas ça, n'est-ce pas? Injuste pour nos fermiers », a-t-il écrit sur Twitter.
Le 08 Mai 2018
Source web Par Radio-Canada
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