Tourisme dans le Nord: Comment dégoûter de Saïdia
La station a du mal à se vendre en destination de rêve
Des prix cinq étoiles pour un service et qualité minimums
La galère des femmes qui se promènent seules
Les loueurs de parasols, chaises, tables… imposent des tarifs jugés «exagérés» par les estivants qui se plaignent de la cherté de presque toutes les prestations (Ph. AK)
«Saïdia est en train de mourir». Ce bulletin de santé, établi par de nombreuses personnes vivant de la saison estivale dans cette station balnéaire, située sur la côte est de la Méditerranée, juste à la frontière avec l’Algérie, renseigne sur un malaise profond. La ville est de plus en plus délaissée par sa clientèle classique composée notamment de MRE qui revenaient chaque été en vacances dans la région. Cette fois-ci, plusieurs d’entre eux lui ont faussé compagnie.
En effet, plusieurs familles, installées en Belgique, dans les Pays-Bas ou en France par exemple, ont décidé de s’arrêter dans le sud de l’Espagne pour passer leurs vacances. Certaines originaires de l’Oriental, d’autres du Rif, ont choisi comme destination Alicante, Cadix ou d’autres stations balnéaires ibériques.
Quelques jours après l’installation de la famille dans l’appartement loué, le père, parfois accompagné de sa femme, traverse la Méditerranée. Objectif: rendre visite aux parents dans la région, avant de reprendre le chemin inverse quelques jours plus tard. Le phénomène est récent, mais prend de plus en plus d’ampleur. Il faut dire qu’outre la plage et la mer, ces stations balnéaires du sud de l’Espagne offrent des services avec un rapport qualité/prix défiant toute concurrence. D’abord, le prix de la location d’un appartement équipé, avec lave-vaisselle, lave-linge et les draps changés chaque jour, varie entre 70 et 90 euros la journée.
Saïdia est gérée par une coalition RNI-PPS. Sa commune est présidée par le RNIste Omar Bensmaïl. La municipalité compte 8.550 habitants. Le taux d’activité y est de seulement 49,8%, pour un taux de chômage, bien au-dessus de la moyenne nationale, de 20%, selon le HCP. Près du tiers des travailleurs sont des indépendants. La saison estivale est une aubaine pour une large partie d’entre eux
Dans la perle de l’Oriental, selon les tarifs pratiqués, c’est le double, sans les services annexes, «dans une ville qui s’est ruralisée, sans réveiller le moindre soupçon ou réaction des responsables de la municipalité», souligne un MRE ayant opté pour des vacances au sud de l’Espagne alors qu’il avait l’habitude de les passer à Saïdia où il dispose d’une villa. Il est vrai que dans les nombreux nouveaux quartiers (plus de 10 ans quand même), composés de villas et d’immeubles, les rues ne sont même pas asphaltées.
Ensuite, la restauration n’est pas au top. Des garages se transforment en restaurant le temps de l’été. Ils offrent des plats hors de prix. Un poulet rôti, avec des frites et des limonades, à... 400 DH! Autre grief formulé contre Saïdia, le harcèlement des femmes. Même des jeunes immigrés s’y mettent. Avec des euros en poche, certains croient pouvoir bénéficier d’une impunité, outrepassant tous les règlements. Et surtout, ils croient, à tord, qu’ils peuvent se permettre tout, même les comportements les plus déviants qu’ils n’oseront pas reproduire à Bruxelles, Madrid ou en région parisienne.
Idem pour la conduite, au volant de grandes cylindrées, qui défie toutes les règles du code de la route, avec la musique à fond et les vitres ouvertes, tard dans la nuit. A la marina de Saïdia, des fous du volant font des rodéos tard dans la nuit. Ils profitent ainsi du manque d’effectifs des forces de l’ordre, déployées ailleurs.
Les MRE ne sont pas les seuls à tourner le dos à cette station dont la réputation commence à faner. Des propriétaires de villas ou d’appartements à Saïdia sont allés passer leurs vacances en Espagne ou au Portugal. D’autres se sont jurés que l’année prochaine, ils iront ailleurs. En tout cas, certains de la région ont même choisi de passer une semaine de vacances à Melilla, ville occupée par l’Espagne.
Certes, le diagnostic d’une ville agonisante est quelque peu exagéré. Mais le constat sur l’état de la ville, qui a été l’un des piliers du plan Azur, conçu par l’ancien ministre du Tourisme, Adil Douiri, devra alerter tous les responsables du secteur. Le changement de sa vocation, réduite à se transformer en une destination pour le tourisme interne, alors qu’elle était promue à jouer les premiers rôles à l’international, n’a pas été bien négocié. Le supermarché Marjane n’ouvre plus que pendant l’été.
Cette saison, tout le monde reconnaît la baisse de fréquentation. Ce phénomène, visible à l’œil nu, est confirmé par des cafetiers, des épiciers, une agence immobilière, voire des gardiens de voitures.
Deux personnes venant de la région de Rabat ont préféré dormir à ras l’asphalte, à côté de leur véhicule. C’est la seule voiture garée dans ce parking de la ville, proche du «camping de l’énergie». L’imagination des Marocains n’a pas de limite. Les triporteurs aussi servent de lit à 2 personnes pour passer la nuit. Ces mêmes triporteurs prennent également le relais des bus durant la nuit (Ph. MC)
Dans des quartiers, les véhicules MRE se font rares par rapport au passé. Le soir, les lumières dans les maisons restent éteintes. Ce désintérêt pour une station qui dispose d’un littoral de plus de 18 km de sable fin, trouve son origine dans le manque d’animation et surtout dans les prix pratiqués jugés anormalement élevés. L’estivant a le sentiment d’être plumé à longueur de journée. A la location du parasol, d’une table et des chaises en plastique (entre 50 DH et 100 DH), il faudra ajouter le prix du parking pour le véhicule, plus le gardien.
Au marché, les prix des fruits et légumes doublent comparativement aux villes voisines comme Ahfir ou Berkane. La perle de l’Oriental, laissée entre les mains du conseil municipal et des autorités locales, sans qu’ils ne réagissent, part à la dérive. Ces responsables doivent se ressaisir pour y remettre de l’ordre, avant qu’il ne soit trop tard, martèle un cafetier ouvert toute l’année. Cet affolement des prix s’explique par la volonté de gagner le maximum en l’espace d’un mois et demi que dure la saison estivale. Mais cette pratique présente l’inconvénient de chasser la clientèle. En effet, c’est connu et tous les professionnels du tourisme local vous le diront, le taux de retour du touriste national est nul.
L’une des rares bonnes nouvelles, des cabines pour les toilettes ont fait cette saison leur apparition sur la plage. Pour éviter toute confusion, les prix sont clairement affichés (Ph. MC)
Au bout de quelques jours de plage, les touristes marocains s’ennuient à mourir, pour manque de loisirs. Du coup, Saïdia se résume à la plage, dit l’un d’entre eux. Les professionnels n’ont pas prévu d’activités parallèles dans l’arrière-pays, pourtant riche en sites pouvant accroche la curiosité de nombreux touristes nationaux ou étrangers qui viennent surtout dans les grands hôtels ouverts à Saïdia.
Le all-inclusif, pratiqué par les grandes enseignes, ne rend pas service à la ville, se plaint un restaurateur de la place. Il raconte d’ailleurs une anecdote significative: une Polonaise a changé 50 euros en dirhams dans son hôtel. A la fin de ses vacances, elle est revenue à la réception de l’hôtel pour reconvertir les dirhams en euros parce qu’elle n’a pas trouvé d’occasion pour dépenser son argent. Cette histoire en dit long sur l’organisation de ce secteur dans la région.
Eclairage solaire en panne
La double voie, longue de 1,2 km, créée il y a trois ans comme nouvelle pénétrante de la ville, a été équipée en panneaux solaires destinés à alimenter son éclairage. Au moment de sa mise en route, cette initiative a été très applaudie. Depuis, ce système ne fonctionne pas. A croire que la municipalité, à qui revient la charge de l’éclairage, a d’autres soucis.
Le 25 août 2017
SOURCE WEB Par L’économiste
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