Le Palais rappelle à Benkirane les véritables limites de son pouvoir

Les critiques du Chef du gouvernement à l’endroit de la Russie dans le dossier syrien lui ont valu un sévère et humiliant rappel à l’ordre par la voix de son ministre des Affaires étrangères. Un recadrage tant sur le fond que sur la forme hautement significatif
C’est connu, la politique étrangère est un des domaines réservés du roi. Si la Constitution ne dit évidemment pas que le Chef du gouvernement n’est pas habilité à y prendre part, la réaction par voie de communiqué de Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères, au mécontentement russe suite aux propos attribués à Abdelilah Benkirane fustigeant Moscou pour son implication dans le conflit syrien en est la preuve supplémentaire.
Dans le cadre d’un entretien mêlant politique intérieure et situation en Syrie accordé à Quds Press International News Agency qui en a publié des extraits le 30 novembre, ce dernier a, en substance, considéré que l’intervention russe était directement responsable du chaos syrien. « Ce que le régime syrien commet à l’endroit de son peuple, soutenu par la Russie et par d’autres, dépasse toutes les bornes, et il est impossible d’en saisir les causes réelles (…) Pourquoi la Russie détruit la Syrie de cette manière alors qu’elle se doit d’intervenir pour trouver une solution à la crise et non l’approfondir ? », a déclaré Benkirane.
Une cinglante mise au point
En réaction, Valery Vorobiev, ambassadeur de la Fédération de Russie à Rabat a été reçu à sa demande en audience ce lundi par Mezouar pour « exprimer la préoccupation » de son pays « suite à des déclarations médiatiques attribuées à un très haut responsable gouvernemental marocain accusant la Russie d’être responsable de la destruction de la Syrie », rapporte le communiqué des Affaires étrangères relayé par la MAP. Rédigé sous forme d’une cinglante mise au point, ce communiqué explique que les positions diplomatiques officielles du Maroc « interviennent à la suite d’une évaluation réfléchie et d’un processus d’interaction et de validation impliquant plusieurs acteurs et institutions » et non le fait « d’improvisions hasardeuses », et de « points de vue personnels » faisant référence aux propos de Benkirane, sans jamais le citer nommément.
« Sa Majesté demeure le garant de la constance et de la pérennité des positions diplomatiques du Royaume du Maroc, et du respect de ses engagements internationaux », conclut le communiqué qui recadre et désavoue Benkirane à deux niveaux : sur sa position exprimée réduite à de l’improvisation sans maîtrise des enjeux géopolitiques, mais aussi et surtout sur ses véritables prérogatives de Chef de gouvernement.
Comme ses prédécesseurs, Abdelilah Benkirane n’a aucune prise sur la diplomatie, comme d’ailleurs sur les autres domaines dits régaliens comme la Défense, les questions sécuritaires, les Affaires religieuses, mais aussi un certain nombre de dossiers et de ministères définis comme stratégiques et donc relevant selon l’exercice véritable du pouvoir, du seul cabinet royal, origine évidente de l’admonestation reçue après que Moscou ait froncé les sourcils, le jour même où le Conseil de sécurité de l’ONU devait statuer sur l’arrêt des hostilités à Alep…
En matière diplomatique, Salaheddine Mezouar est d’ailleurs soigneusement encadré par un trinôme qui régit la politique étrangère du pays : Nasser Bourita son second dans l’organigramme mais réel ordonnateur des dossiers sensibles au sein du ministère, le conseiller royal Taieb Fassi Fihri et l’incontournable patron du Renseignement extérieur (DGED), Yassine Mansouri.
Benkirane l’avoue lui-même sans effort de contrition lorsqu’il est interrogé sur le Sahara, l’engagement militaire au Yémen ou sur tout autre question relevant de questions internationales ou de sécurité. « C’est Sa Majesté qui décide sur ces questions », répond-il à chaque occasion.
Dans le cas d’espèce, à l’évidence il n’a pas jaugé à sa juste mesure la portée de sa parole de Chef du gouvernement dans un contexte particulier pour Rabat qui cherche à travers une nouvelle doctrine diplomatique à rééquilibrer ses alliances notamment avec la Russie de Poutine. La particularité du média choisi pour exprimer sa position pour le moins tranchée a certainement été aussi aggravante aux yeux du Palais : l’agence Quds Press International News Agency a été fondée en 1992 par Ahmad Ramadan, un syrien d’Alep très impliqué dans la cause palestinienne. Son influence a grandi depuis le soulèvement syrien lorsqu’il est devenu secrétaire général du Groupe d’action national pour la Syrie, une organisation islamiste nationaliste créée en avril 2011. Ramadan et son groupe sont perçus comme proches de l’ancien contrôleur général et Chef de la « faction d’Alep » des Frères musulmans, Ali Sadreddine al-Bayanouni. Ramadan a plus tard dirigé le Bloc national, qui était une des coalitions qui ont formé le Conseil national syrien en octobre 2011 dont il est responsable des relations publiques et membre de son Comité exécutif.
Le 06 Décembre 2016
SOURCE WEB Par Le Desk
Les tags en relation
Les articles en relation

La France appuie le Maroc et va présenter sa propre requête devant le tribunal européen
Visite de travail au pas de course de Harlem Désir, secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Il est venu porteur d’un message très fort d�...

Le Premier ministre russe en visite au Maroc en octobre prochain
Dmitri Medvedev, le Premier ministre russe est attendu au Maroc en octobre prochain, selon le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita. Une visite qui ...

Ban Ki-moon très remonté contre le Maroc
À ce qu’il paraît, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon n’a pas du tout apprécié la marche organisée à Rabat suite à ses propos sur le Sah...

CGEM: L'après-Mezouar acté
Réunion de crise le 16 octobre au QG de la CGEM pour prendre des résolutions au lendemain de la démission du président Mezouar (Ph. L'Economiste) La ...

Le roi Salmane d'Arabie saoudite en Russie pour une visite "historique"
Le roi Salmane d'Arabie saoudite est arrivé mercredi 4 octobre à Moscou pour la première visite officielle d'un souverain saoudien en Russie, ont con...

Gouvernement Akhannouch : en théorie tout est possible
Aziz Akhannouch n’en fait pas mystère : c’est le social qui donnera le ton à son mandat. Création d’un million d’emplois nets, enclenchement du méca...
La Russie préfère «maman» : Poutine rejette l'emploi des termes «parent 1» et «parent 2»
Vladimir Poutine a commenté le remplacement des termes «père» et «mère» par «parent 1 et 2», phénomène observé dans certains pays occidentaux, et a ...

COP22 : Royal passe le flambeau à Mezouar
Pour une justice climatique. C’est sous ce signe que s’est ouverte la COP 22 qui se tient à Marrakech. Un événement qui a débuté par la remise du flamb...

Paralysie gouvernementale : l’option d’un arbitrage royal fait son chemin
Paralysie gouvernementale : l’option d’un arbitrage royal fait son chemin Abdelilah Benkirane est face à une situation de blocage pour la formation du g...

Ban Ki-Moon, adversaire déclaré du Maroc
Avec le recul, il apparaît clairement que la sortie de Ban Ki-Moon sur le soi-disant Sahara "occupé" par les marocains n'était ni dérapage incontrôlé ...

Vidéo. CGEM. PLF 2019: les patrons globalement satisfaits, mais…
Sous la présidence de Salaheddine Mezouar, la CGEM revendique une nouvelle approche dans le traitement des Projets de lois de finances (PLF). Le patronat dit v...

Le Maroc paralysé par l’endogamie public-privé
Blocage, Hirak, zelzal, boycott et maintenant scandales d’Etat mettant en lumière les limites du mélange des genres et des conflits d’intérêts, le Maroc...