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Usine PSA Maroc «Le low-cost ne nous intéresse pas!»

Usine PSA Maroc «Le low-cost ne nous intéresse pas!»

C’est un choix qui n’est pas générateur de valeur

«Nous n’avons pas l’intention de prendre le contrôle de Sopriam»

Entretien exclusif avec le directeur de la région Afrique-Moyen-Orient

il n’est pas logique que l’on construise une usine et qu’on développe le sourcing local au Maroc sans pour autant que nos produits soient plus présents et visibles sur le marché automobile (Ph. Khalifa)

- L’Economiste: Quels enjeux derrière les changements opérés dans le groupe PSA, tant au niveau du management que de l’actionnariat et des retombées sur le produit, le marché…?

- Jean-Christophe Quémard: Nous avons vécu en 2 ans des changements assez fondamentaux dans l’entreprise. Il y a eu deux événements majeurs. Primo: l’arrivée de Carlos Tavares à la tête du groupe. Secundo: la restructuration du capital. Ce qui s’est traduit par un tour de table qui repose sur trois principaux actionnaires de référence (ndlr: 14% chacun), mais avec un conseil de surveillance qui fait de PSA une entreprise indépendante. Aujourd’hui, il n’y a pas d’actionnaire majoritaire, ni de pacte d’actionnaires. On est devenu une société indépendante, mais avec 3 actionnaires (la famille Peugeot, l’Etat français et le groupe chinois DongFeng). L’arrivée de Carlos Tavares, l’un des plus grands managers  de l’automobile au monde qui connaît la voiture du sol au plafond, a impulsé une dynamique dans l’entreprise à travers un plan de retournement de l’entreprise (Back in the Race). Lors de la présentation des résultats annuels cette année, nous avons prononcé la fin du plan, car, deux ans auparavant, nous avions atteint les objectifs de redressement économique.

- Mais il y a eu un nouveau plan…

- Effectivement, nous sommes passés à un 2e plan qui s’appelle Push to Pass. C’est un plan de développement en 3+3 ans avec des objectifs assez précis sur le développement du groupe à la fois en termes de profitabilité et de chiffre d’affaires. Nous sommes dans l’exécution de ce plan. Le redressement de l’entreprise est fait.

- Quels impacts sur le produit, l’identité des véhicules, l’image…?

- Le groupe est un constructeur automobile avec trois marques, trois positionnements différents et trois différenciations importantes. Il s’agit de Peugeot, Citroën et DS. Il y a donc tout un travail de fond qui a été fait pour renforcer l’image de marque et développer le plan produit associé à nos marques. On voit aujourd’hui les premiers résultats de cette politique en termes de personnalité des véhicules extrêmement forte, que ce soit pour Peugeot ou Citroën. C’est aussi le cas pour la marque premium DS, qui incarne le luxe à la française. Bien évidemment, une marque premium met des années  à se développer. Ce sont donc 3 marques qui ont des personnalités différentes. Les briques sont en train de se construire. Demain, je vous assure qu’il n’ y aura aucune confusion entre les trois marques du groupe.

- Sur les 10 dernières années, le groupe a connu des déperditions de parts de marché en Afrique. C’est le cas aussi au Maroc avec Sopriam… Comment le groupe compte recoller aux attentes des marchés de la région?

- Très bonne question. C’est ma préoccupation, c’est mon métier et c’est ma mission. Je pense que le groupe a manqué de focalisation sur la région Moyen-Orient/Afrique pendant les 10 dernières années. C’est un peu difficile à dire. Le groupe a mobilisé beaucoup d’énergie dans son développement en Chine et sur sa survie en Europe. Pour des raisons que j’aurais du mal à expliquer de manière tangible, nous avons perdu beaucoup en termes de focalisation sur les marchés de la région.

- Mais il faut avouer que PSA a raté le virage du low-cost?

- On n’ira pas dans le low-cost, c’est un choix. Le low-cost n’est pas une voie pour nous.

- Jusque-là une bonne part des déperditions de PSA a été récupérée par le low-cost, notamment au Maroc…

- Absolument. Je pense que nos amis de Renault et de Dacia ont ouvert une voie. Nous n’avons pas prévu d’aller sur cette voie, parce que nous pensons qu’elle n’est pas génératrice de valeur.

- Vous confirmez que l’usine de Kénitra devra apporter des éléments de réponse pour mieux coller aux attentes des marchés de la région?

- C’est tout à fait vrai.  Notre vision pour la région consiste à dire que l’usine du Maroc devra produire 200.000 véhicules. L’ambition est de pouvoir commercialiser 1 million de véhicules sur les marchés de la région à l’horizon 2025. L’engagement est pris avec deux points de passage, soit 400.000 unités en 2018 et 700.000 en 2021. Ce plan repose sur plusieurs éléments. D’abord, on travaille sur une meilleure adaptation du plan produit à la région. Ce qui passe par des choses assez simples: une bonne climatisation, une motorisation qui résiste à la poussière, qui accepte tous les types de carburant… Un certain nombre de basiques qu’on avait un peu oubliés. Aujourd’hui, ma région pèse dans les choix produit et les choix de véhicules que le groupe compte produire. C’est vous dire que nous avons pris un certain nombre de décisions dans le plan produit, que je ne peux pas révéler pour le moment. L’enjeu est de produire des véhicules qui collent parfaitement bien aux attentes du marché. Par ailleurs, nous sommes en train de développer un sourcing local ainsi que la production  locale dans la région. L’objectif est que les deux tiers de la production de la région soient produits dans la même région. Aujourd’hui, on est à zéro. Nous sommes donc en train de mettre les premières briques. Et la toute première brique déjà posée est celle de l’usine de Kénitra. L’unité de production du Maroc a pour vocation principale de servir les marchés de la région. Autrement dit, les voitures qui seront produites à Kénitra iront au Moyen-Orient, au Maghreb, en Afrique de l’Ouest… Kénitra est pour moi la première brique. La deuxième brique sera en Iran. Je viens de signer avec notre partenaire historique une joint venture pour la production de voitures en Iran. Ce quinous permet de renouer notre accord commercial avec notre partenaire iranien. On produit aujourd’hui 350.000 Peugeot en Iran. Au-delà des 350.000 unités, l’usine iranienne devra produire des Peugeot 208, 301 et 2008 et éventuellement des Citröen.

- On parle d’une usine en Algérie?

- Effectivement, nous comptons monter une usine en Algérie. J’espère faire aboutir ce projet avant la fin de l’année. Ce pays a partiellement fermé son commerce automobile. Donc pour se développer sur ce marché, il va falloir produire localement.

- Quelle sera la valeur ajoutée de vos marques sur la région?

- Notre conviction profonde est que nos marques portent des valeurs et une expérience qui intéressent  tous les clients de la zone. Peugeot est aujourd’hui la première marque dans plusieurs pays.

- Mais ce n’est pas le cas au Maroc. Comptez-vous racheter Sopriam pour redynamiser les ventes et faire jouer des synergies entre la production et la distribution?

- Que ce soit clair, nous n’avons pas l’intention de racheter Sopriam. Il faut préciser que moins de 20% de la production de l’usine de Kénitra ira au marché marocain. Le reste est destiné à l’export. Pour autant, nous considérons que la place des marques  Peugeot, Citroën et DS n’est pas à la hauteur de la valeur intrinsèque de nos marques. Je tiens à le dire sans aucune arrogance. Au Maroc, il n’y a pas de raison que nos produits ne soient pas mieux représentés et perçus comme dans le reste du monde. Mieux, il n’est pas logique que l’on construise une usine et qu’on développe le sourcing local au Maroc sans qu’on soit plus présent sur le marché automobile. Mais l’usine existe parce qu’il y a aussi des débouchés en dehors du pays. En règle générale, la politique du groupe n’est pas de prendre le contrôle de la distribution. Autre élément important, le fait d’avoir une filiale commerciale n’est pas une fin en soi. D’ailleurs, il y a un tas de pays où nous avions des filiales et où  nous avons basculé vers des importateurs. Nous avons la conviction qu’un bon partenaire bien intégré dans le pays peut faire le travail au moins aussi bien que PSA.

- Comment expliquez-vous les derniers changements opérés dans le top management de Sopriam?

- Aujourd’hui, nous ne sommes pas satisfaits de la dégradation des résultats de nos marques au Maroc. Notre intime conviction est que nos produits collent au marché. Il n’y a donc pas de raison objective pour ne pas y arriver. Nous sommes actionnaire de Sopriam (ndlr: 8%), nous avons des discussions d’adultes avec la SNI. La SNI n’est pas satisfaite non plus des résultats commerciaux de Sopriam. Nous disons les choses franchement. Du coup, un certain nombre de décisions ont été prises. Le changement du management en est une et il y en aura sans doute d’autres. Aujourd’hui, nous avons un dialogue mâture avec la SNI. Et il n’y a pas plus marocain que la SNI. En plus, il y a un certain nombre de synergies très intéressantes avec le groupe, la banque pour développer les ventes, le marketing, la promotion du produit, des marques… Il y a beaucoup de choses à faire ensemble. Donc, soyons clairs, nous n’avons pas l’intention de reprendre Sopriam. En revanche, nous voulons développer nos marques. Nous pensons que nos marques ont un potentiel au Maroc. Le low-cost n’est pas la réponse. Je ne cherche pas à être numéro 1 au Maroc. Je cherche plutôt une place qui correspond à la valeur de mes marques. Sur ce sujet, il y a du boulot!

- Jusqu’où l’ambition d’écouler 1 million de véhicules est-elle soutenable, dans une région où les attentes ne sont pas les mêmes?

- Chaque marché est spécifique. Aujourd’hui, je ne vois pas d’endroit où je ne pourrais pas développer nos marques. En Iran, la part de marché de Peugeot est de 33%. Le groupe est numéro 1 en Tunisie. La marque Peugeot est numéro 2 en Algérie.  Ça ne m’intéresse pas d’être le numéro 1. Je veux juste développer  et installer des marques pour qu’elles répondent parfaitement aux attentes.

- Comptez-vous produire des moteurs dès le démarrage à Kénitra. Je dis bien produire pas assembler?

- Absolument, le premier véhicule sera assemblé avec un moteur produit dans l’usine de Kénitra. Dans la partie motorisation, il faut distinguer trois étapes. Il y a la production de pièces brutes, la fonderie… Ensuite, il y a l’usinage. Après, vient l’assemblage des différentes pièces. S’ensuivra la phase de l’habillage qui consiste à mettre le lien entre les pièces du moteur et le véhicule. Ce qui est réalisé systématiquement dans une usine de production de véhicules, c’est l’habillage du moteur. Donc, pas besoin d’habiller un moteur avant d’assembler un véhicule. A Kénitra, nous allons faire dès le démarrage de l’assemblage de moteurs.

Flux logistiques

Sur la composante logistique, les responsables de PSA se disent plutôt confiants. Selon eux, il y a une accélération sur le chantier du port de Kénitra. «L’arrivée de l’usine a été un élément déclencheur du grand chantier portuaire», tient à préciser Jean-Christophe Quémard. Mais a priori, le port ne sera pas opérationnel en même temps que le démarrage de l’usine. Mais comme l’usine est positionnée à l’export (à hauteur de 80%), au démarrage, les flux de l’export transiteront par le port de TangerMed. Mais au fur et à mesure, des quantités vont passer par le port de Kénitra, dès que les installations le permettront. Le passage par TangerMed sera temporaire, le temps que Kénitra ait sa plateforme portuaire complètement opérationnelle. Des négociations ont été menées avec le management de l’ONCF pour le convoyage de véhicules à raison d’un train par jour (250 à 300 véhicules par train) pour des flux provisoires vers le port de Tanger.

Le 13 Juillet 2016
SOURCE WEB Par L’économiste

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