Des médecins sénégalais à la rescousse
Le Conseil provincial de Tata fait dans l’inédit à l’insu du ministère et de l’Ordre concernés
L'information a fait le tour du Web: le Conseil provincial de Tata serait en train d’établir des contacts avec l’Ordre national des médecins du Sénégal pour recruter 20 praticiens afin d’exercer dans la région.
Il compterait avoir recours à ces blouses blanches pour combler le déficit existant à Tata en matière de médecine générale, de gynécologie et de chirurgie. Des postes que les médecins marocains bouderaient à cause de son climat ardu et de son enclavement, rapportent plusieurs sites électroniques.
S’agit-il d’une information avérée ou de simples rumeurs ? De fait, ni le ministère de la Santé, ni l’Ordre national des médecins marocains ni l’organisation ordinale sénégalaise compétente n’ont la moindre information à ce propos alors qu’ils sont les premiers concernés. « Nous avons appris cette information via le net comme tout le monde et nous ne disposons d’aucune donnée à ce sujet », nous a déclaré Rachid Khoudari, conseiller en communication au Cabinet du ministre de la Santé. Et de poursuivre : « S’agit-il d’un projet en cours de préparation ou en négociation ? Personne ne le sait. Pourtant, le recrutement de médecins étrangers n’est pas si simple puisqu’il est encadré par des conventions bilatérales et qu’il transite souvent par les services du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération ».
De son côté, Joe Mendy, vice-président de l’Ordre national des médecins sénégalais, nous a confirmé qu’il n’est pas au courant de l’existence d’éventuelles discussions entre le Maroc et le Sénégal relatives à l’embauche de médecins sénégalais.
Même son de cloche de la part du Conseil national des médecins marocains qui nous a confirmé qu’il n’a nullement été contacté ou consulté par quiconque concernant ce recrutement. « Je crois qu’il s’agit d’une proposition lancée par le Conseil provincial de Tata et de rien d’autre même si on trouve étrange de prétendre que des médecins marocains auraient refusé d’exercer dans cette région ». Et d’ajouter : « Pourtant, ce recrutement ne peut pas se faire à la légère puisque la médecine est une profession réglementée et encadrée par une série de dispositions législatives et que le recours à des médecins étrangers répond à une procédure bien précise. S’agissant du recrutement dans le secteur public, il faut qu’il y ait des postes budgétaires disponibles et la question est de savoir si le ministère dispose de tels postes ou non».
Des propos confirmés par Mohammed Jerrar, président du Conseil national des médecins dentistes qui nous a indiqué, lui aussi, que la médecine, la médecine dentaire et la pharmacie sont fortement réglementées par leurs organisations ordinales et que personne ne peut exercer des métiers sans s’inscrire sur les tableaux de ces Ordres. « Pour les étrangers, c’est le SGG qui autorise l’exercice de cette profession mais après consultation de l’Ordre. Il s’agit donc d’une compétence qui relève des prérogatives de l’Etat et qui est régie par des conventions et accords bilatéraux ».
Pour sa part, le Dr. Badredine Dassouli, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral, a un autre avis sur cette question. Il estime que tout recrutement de médecins sénégalais demeure absurde tant que la ville de Tata ne dispose pas des infrastructures sanitaires adéquates. Mais il pense néanmoins que le recrutement de médecins étrangers est une réalité palpable au Maroc. Ceci d’autant plus que des médecins chinois exercent au Maroc et qu’il y a des conventions signées dans ce sens. « Ce qui se passe à Tata n’augure rien de bon pour la profession puisqu’il ouvre les portes au recrutement par les cliniques privées de médecins étrangers notamment russes et en provenance de l’Europe de l’Est», a-t-il conclu.
Le 12 Juillet 2016
SOURCE WEB Par Libération
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