Système foncier national : La mise à nu…
Entre dysfonctionnements et impact négatif sur la compétitivité du pays
La direction de l’aménagement du territoire, relevant du ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, vient de franchir une étape ultime dont l’objectif est d’appréhender le système foncier dans ses multiples dimensions et d’analyser les déséquilibres majeurs dans sa gestion.
La très attendue Stratégie nationale de gestion du foncier commence à prendre forme. L’étude relative à son élaboration va bon train. La direction de l’aménagement du territoire, relevant du ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, vient de franchir une étape ultime dont l’objectif est d’appréhender le système foncier dans ses multiples dimensions et d’analyser les déséquilibres majeurs dans sa gestion.
Selon Driss Effina, chercheur en économie d’habitat et président du Centre indépendant des analyses stratégiques, «les travaux de diagnostic entamés dans le cadre de l’étude lancée par le ministère en vue de l’élaboration de la stratégie nationale de gestion du foncier ont permis de faire une radioscopie du système foncier national». Selon lui, il s’agit d’un état des lieux du système foncier national qui a permis de mettre en exergue le caractère rigide et désuet de la situation législative et réglementaire de l’espace foncier national, régissant les régimes de sécurisation foncière et les différents statuts d’appropriation du sol qui est à la base des problématiques foncières et des dysfonctionnements qui caractérisent les marchés fonciers. La dualité des régimes juridiques de la propriété due à la coexistence d’un régime traditionnel et d’un régime moderne d’immatriculation foncière et le cadre juridique et réglementaire qui régit une diversité de statuts fonciers où s’alternent les propriétés individuelles, religieuses, communautaires ou publiques font que les conditions de transmission et de mobilisation foncière sont lourdes, entravant la fluidité des transactions foncières et handicapant la promotion des investissements et le développement urbain et territorial», a précisé M. Effina. Une situation qui pourrait constituer un frein au développement et contribue à l’affaiblissement de la compétitivité de l’ensemble de l’économie.
«L’état des lieux du système foncier national a été approché à travers quelques indicateurs fonciers qui permettent d’apprécier de manière objective son évolution et son niveau de développement. Au stade actuel qui se caractérise par une maîtrise insuffisante des informations foncières, les indicateurs se rapportant à la sécurité juridique, l’offre foncière générée par la planification urbaine, la production foncière, la gestion du foncier public ou encore les transactions et les prix fonciers, permettent de souligner les situations de dysfonctionnements qui handicapent le système national foncier et limitent ses performances», explique M. Effina.
Et de poursuivre : «Le diagnostic des marchés fonciers a permis, quant à lui, une meilleure connaissance des mécanismes de fonctionnement des marchés, des logiques d’acteurs et la nature des goulots d’étranglement qui entravent le développement d’une offre foncière abordable pour les différents projets d’investissement et de développement».
A ce titre, M. Effina souligne que le diagnostic a mis l’accent sur la problématique de l’étalement urbain avec ses corollaires, des problèmes de déplacement et de transport, de réalisation et de gestion des réseaux d’infrastructure et de desserte des zones d’extension en voies de communication et en équipements socio-collectifs. Selon lui, ces situations sont aggravées par des projets immobiliers à l’affût de prix d’acquisition de terrains générant une faible charge foncière qui profitent des «largesses» du dispositif de dérogation en vigueur dans le domaine de l’urbanisme.
«La question foncière se trouve donc au cœur d’une double problématique: la nécessité de mobiliser le foncier urbain en quantité suffisante pour répondre aux besoins des extensions urbaines et du développement inéluctable de l’urbanisation dans les meilleures conditions de prix, de règles administratives et de marché et l’indispensable institution de normes minimales et de dispositions restrictives d’utilisation du sol pour cantonner cette mobilisation dans des volumes raisonnables et éviter une déperdition accélérée des terres agricoles et des impacts négatifs sur l’environnement et le développement durable».
C’est donc un diagnostic approfondi qui a été fait, permettant à la direction de l’aménagement du territoire de tirer des pistes de reformes pour corriger les dysfonctionnements existants.
Les priorités du ministère
Dans le cadre de l’étude relative à l’élaboration de la Stratégie nationale de gestion du foncier, la direction de l’aménagement du territoire a émis certaines orientations prioritaires pour recadrer le système foncier national. La première appelle à étendre et accélérer les procédures d’immatriculation pour couvrir prioritairement les espaces ouverts à l’urbanisation et potentiellement urbanisables et les espaces de projets et de développement économique et social en milieux urbain et rural.
La seconde vise à réformer le cadre juridique et réglementaire régissant les différents statuts fonciers pour assurer des conditions de mobilisation foncière plus adaptées aux besoins du développement économique et social avec l’assouplissement des procédures de mobilisation, la déconcentration des actes de gestion et une révision des effets juridiques des instruments de planification et d’urbanisme. Aussi, la direction souligne l’importance de développer les instruments de maîtrise et de régulation foncière afin d’accompagner les politiques sectorielles et d’accroître leurs performances à moyen et long termes (instruments de gouvernance, d’appropriation, d’aménagement, de financement, de constitution des réserves foncières…).
Il s’agit également d’optimiser les normes et les règles d’utilisation du sol et développer les instruments de l’urbanisme opérationnel afin d’accroître l’offre foncière et maîtriser le développement urbain en conformité avec les principes et objectifs du développement durable et d’accroître et diversifier l’offre foncière, la mettre en adéquation quantitative, territoriale et qualitative avec les besoins relatifs aux différents usages qui s’expriment au niveau local.
Enfin, la dernière orientation appelle à œuvrer pour que la charge foncière soit adaptée au pouvoir d’achat des ménages pour accéder à un logement adéquat et attractif pour promouvoir l’investissement immobilier, industriel, touristique et dans tous les autres secteurs d’activité, adaptée aux projets des TPE et PME et en mesure de renforcer les avantages comparatifs du Maroc dans un environnement régional et international plus concurrentiel pour drainer les investissements directs étrangers (IDE).
Pistes à explorer pour corriger les dysfonctionnements des marchés fonciers : Assainissement foncier et sécurité juridique
* L’extension du système d’immatriculation qui assure la sécurité de l’investissement et la fluidité des transactions foncières en accordant la priorité aux territoires de projets définis par les documents d’aménagement aux niveaux régional, urbain et local et par les différentes stratégies sectorielles.
* La révision des règles et des procédures d’immatriculation foncière pour en améliorer la performance.
* La consolidation de la sécurité foncière dans le régime traditionnel.
* L’accélération des procédures d’assainissement du foncier public en instituant notamment la pénalisation des occupations illégales.
* L’institution de juridictions spécialisées dans les affaires foncières dotées de compétences et de moyens plus appropriés.
Urbanisme et accroissement de l’offre foncière
Adéquation de l’offre foncière aux différents usages dans le cadre des documents d’urbanisme et nécessité de simplifier davantage les procédures d’élaboration, d’approbation et de mise à jour des plans d’aménagement.
– Révision des normes d’utilisation du sol et de densité pour optimiser l’utilisation du sol, diminuer le poids de la charge foncière et éviter l’étalement urbain.
– Elaboration de stratégie de mise en œuvre de chaque plan d’aménagement qui tienne compte des contraintes et des possibilités identifiées.
– L’importance des instruments d’aménagement foncier en milieu urbain qui transforment l’offre foncière théorique en offre réelle et des instruments d’opérationnalisation des zones d’urbanisation nouvelle (ZUN).
– L’accélération des procédures de production foncière pour les différents usages.
– L’accès à l’information foncière et aux règles d’occupation du sol en toute transparence.
– Le recadrage de la dérogation de l’urbanisme pour qu’elle constitue un instrument de promotion de l’investissement dans des territoires ciblés (territoires déficitaires) de diversification et d’adaptation de l’offre foncière et immobilière avec des produits de faible valeur immobilière temporaire (VIT).
Reconversion de secteurs d’habitat vétuste et de zones d’équipements mobilisant un potentiel foncier important
– L’action foncière doit également s’orienter vers la valorisation et la requalification du patrimoine bâti et non bâti existant dans le cadre du renouvellement urbain, friches urbaines et industrielles, zones d’habitat vétuste dans les centres anciens.
– Il s’agit également de terrains domaniaux supports d’équipements publics qui recèlent un grand potentiel foncier mobilisable moyennant des actions de reconversion.
– Plusieurs autres terrains publics et privés font l’objet d’utilisation non optimale (ces terrains constituent de nouveaux champs d’action à investiguer par le secteur public pour développer des activités de requalification foncière dans le cadre du partenariat avec les propriétaires concernés en tenant compte des occupants et affectataires des équipements publics).
Construction d’une politique foncière prévisionnelle
* Responsabiliser l’Administration des Domaines dans la reconstitution de la réserve foncière de l’Etat.
* Mettre en place les outils d’observation et de diagnostic des marchés fonciers aux niveaux local et territorial qui permettent d’appréhender leurs dysfonctionnements et leurs tendances afin de réajuster et orienter les stratégies de régulation.
* Mobiliser les ressources nécessaires à la constitution des réserves foncières publiques, planifier son utilisation, se projeter sur le long terme.
* Adosser les acquisitions foncières à effectuer dans le cadre de la reconstitution de la réserve foncière de l’Etat aux espaces définis par les instruments de planification territoriale à long terme: Schéma régional d’aménagement du territoire (SRAT), Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU) et autres études de planification sectorielle; soit un horizon de 10 à 25 années permettant d’anticiper les besoins fonciers et de maîtriser les coûts d’acquisition pour les finances publiques;
* Mettre en place les outils de maîtrise foncière (droit de priorité, utilité publique pour la constitution de réserves foncières, constitution de références de prix…).
* Envisager au niveau régional des instruments de portage foncier qui réalisent des acquisitions foncières pour le compte de l’Etat des établissements publics et des collectivités territoriales.
Fiscalité et lutte contre la rétention et la spéculation foncières
conservation-fonciere* Une fiscalité qui permet de récupérer une partie de la rente foncière, de mobiliser les ressources nécessaires aux aménagements et infrastructures urbaines et qui est également orientée pour sanctionner la rétention et le gel des terrains.
* Des prix de référence plafonnés pour les terrains qui intègrent le périmètre urbain.
* Etendre l’utilité publique aux terrains gelés au niveau du périmètre urbain pendant plus de 5 ans avec la possibilité de les mobiliser sur la base d’un prix de référence plafonné.
* Lutter contre la rétention foncière, majoration de la «Taxe sur les terrains non bâtis» pour les terrains non bâtis constructibles (instituer une taxe sur les logements vacants).
* Réduire la charge fiscale sur le foncier et les frais de transmission de la propriété foncière.
Différentes orientations de politique foncière
* Révision du cadre juridique et réglementaire qui limite l’intégration de certains statuts fonciers aux politiques de promotion de l’investissement et de développement économique et social.
* Assouplissement des règles et des procédures relatives à la mobilisation des terrains relevant des différents statuts fonciers.
* Mise en œuvre des orientations relatives à la «Melkisation» des terres collectives et la mobilisation du potentiel foncier collectif au profit de projets de développement.
* Optimisation de l’utilisation de la ressource foncière publique en adossant les affectations et les cessions foncières à un référentiel normatif et des études de marché et de faisabilité.
– Mobilisation du potentiel foncier domanial affecté à des équipements publics en milieu urbain et qui est susceptible de faire l’objet d’actions de reconversion urbaine et de recyclage foncier.
* Amélioration de la gouvernance du foncier public en mettant en place des dispositifs transparents d’accès à l’information foncière, des critères précis qui permettent de prioriser la cession.
* Recadrage des prix d’expertise administrative pour qu’ils reflètent la réalité des prix sur le marché tout en instituant des rabais.
Le 11 Juin 2016
SOURCE WEB Par Aujourd'hui le Maroc
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