Des ouvrages faisant lapologie du nazisme au Salon du livre de Casablanca
Le ministre de la Culture interpellé par un institut américain L’institut américain contre le racisme, le Centre Simon Wiensenthal, a officiellement saisi le ministre de la Culture marocain, Amine Sbihi, pour attirer son attention sur l’exposition et la vente libre d’ouvrages antisémites et faisant l’apologie du nazisme au dernier Salon du livre de Casablanca. L’information a été rapportée lundi 18 mars par le journal électronique «Médiapart» d’Edwy Plénel. Sous le titre «Un festival de livres antisémites au Salon du livre de Casablanca», l’article fustige, photos des livres exposés à l’appui, la présence d’ouvrages, traduits en arabe, tels que le tristement célèbre «Mein kampf» d’Adolf Hitler ou encore «Les protocoles des Sages de Sion», un livre présentant un supposé plan de conquête du monde par les juifs –Hitler y fait d’ailleurs référence dans «Mein kampf» et l’utilise comme argument justifiant la théorie du complot juif pour en faire ensuite l’un des principaux éléments de la propagande du troisième Reich. Le Salon du livre de Casablanca, «le plus important du Maghreb et du Moyen-Orient, a mis en vedette des classiques de l’antisémitisme» note ce journal en ligne, tout en s’interrogeant avec force sur cette apologie du négationnisme et du nazisme en terre marocaine. Ces livres édités par des maisons d’édition du Moyen-Orient qui n’ont jamais craint de faire des amalgames ont donc trouvé place sur les rayons et dans les allées du Salon international de l’édition et du livre sans que personne ne s’en inquiète. C’est d’autant plus surprenant que la censure est bien souvent bêtement d’Hitler n’aurait jamais dû se efficace dans notre pays. «Mein kampf trouver là, dans ce salon qui célèbre le livre et la lecture. Ce n’est pas du tout le message de ce salon qui s’est forgé une solide réputation dans la région. Mais ce ne sont pas là les premières dérives du SIEL où l’on pouvait parfois trouver des livres écrits à l’encre de l’intolérance et de l’extrémisme», soupire un éditeur de la place. Joint mardi matin par «Libération», le ministre de la Culture a admis qu’il pouvait bien y avoir de tels errements et que la place de livres, comme celui d’Hitler, devait être les bibliothèques «en tant que référence pour les chercheurs» et non à la portée du grand public. «J’ai moi-même fait plus d’une dizaine de fois le tour des stands. Et ces ouvrages en question ne sautaient pas aux yeux. Même dans les grands salons du livre, comme celui de Paris qui se tient actuellement, on peut trouver, en cherchant bien, des ouvrages nauséabonds, des livres antisémites, racistes, anti-maghrébins, anti-musulmans», nous a déclaré Amine Sbihi qui est aussi membre du bureau politique du PPS, un parti incarnant l’aile gauche du gouvernement conservateur d’Abdelilah Benkirane, Mohammed V en Sultan protecteur des juifs marocains Un tel dérapage donne pourtant à réfléchir surtout aux historiens qui s’empressent de rappeler l’histoire commune de Mohammed V, compagnon de la Libération et de la communauté juive marocaine. En héritier de la tradition séculaire de protection accordée par la monarchie chérifienne aux juifs marocains, plus connu sous le statut de la «dhimma», le Sultan Mohammed V avait en effet refusé de promulguer au Maroc, sous protectorat français depuis 1912, les dispositions racistes édictées dès octobre 1940 par le régime de Vichy, et notamment le port de l’étoile jaune. «Il n’y a pas de juifs au Maroc, il y a seulement des sujets marocains», avait répondu le Roi Mohammed V au représentant de l’administration coloniale française avant de l’inviter à «prévoir 150 étoiles jaunes supplémentaires pour les membres de la famille Royale» si cette disposition était imposée par la force. Refusant tout contact avec les autorités allemandes, Mohammed V avait par ailleurs «ostensiblement invité tous les rabbins du Maroc à la Fête du Trône en 1941», rappelle Serge Berdugo. «Mohammed V, qui jouissait d’une grande autorité morale, a laissé un souvenir impérissable chez les juifs marocains» avait coutume de dire Simon Lévy, le fondateur du Musée du judaïsme marocain de Casablanca et homme de gauche, aujourd’hui décédé. Un devoir de mémoire qui tranche avec ces livres faisant l’éloge du négationnisme et du nazisme, ces crimes contre l’humanité, qui ont souillé le Salon du livre dans un pays portant l’ouverture et la tolérance comme une marque de fabrique. Mercredi 21 Mars 2012 SOURCE WEB Par Narjis Rerhaye Libération