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La galère sans fin du Samu social de Casablanca

La galère sans fin du Samu social de Casablanca

Le centre fêtera bientôt ses dix ans

Le projet médical et social vise les personnes sans-abri, en particulier les enfants

Le Samu connaît un déficit de moyens, de ressources humaines, d’équipements

L’équipe de nuit part en maraude à la rencontre des sans-abris. Plusieurs circuits sont pratiqués au cours de la semaine afin de rallier les différents lieux de squat (Ph. S.D.)

Il est 9 heures et tout est calme au centre du Samu social, situé dans le quartier de Bourgogne à deux pas de luxueuses enseignes. Les camions, rentrés de maraude, sont garés devant les bâtiments. Dans le hall, cinq jeunes hommes – traits tirés, jeans et sweats déchirés – patientent. L’un est visiblement blessé au visage. Ici, ils vont pouvoir bénéficier d’une douche chaude, de vêtements de rechange, de soins médicaux s’ils en font la demande. «Nous sommes le premier maillon de la chaîne de solidarité », explique le docteur Bahous – qui dirige le centre depuis sa création il y a presque dix ans et entend poursuivre le combat en dépit des moyens extrêmement limités qui lui sont alloués – 3,5 millions de dirhams par an. Trois axes structurent les activités de l’établissement: un accueil de jour, les circuits de nuit ou «maraude» pour aider les personnes sans-abri, et un centre d’hébergement d’urgence. La mission? Aller à la rencontre des plus vulnérables  et tenter de les accompagner dans un processus de réinsertion sociale. Les enfants et les jeunes femmes en sont les principaux bénéficiaires. Un peu plus loin, dans le petit cabinet médical, une doctoresse examine un magnifique nouveau-né âgé de deux jours. Sa mère, qui vivait dans la rue, a été prise en charge quelques semaines avant la naissance et a pu accoucher dans un cadre médicalement et humainement décent. La maman et son petit garçon vont être accompagnés pendant plusieurs mois: «Dans le cas des filles-mères, nous tentons une médiation avec le père ou avec la famille. Et si rien n’est possible, nous orientons ces jeunes femmes vers une formation. Nous essayons de les suivre tant qu’elles sont dans cette situation de grande

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Squat d’enfants sur le Boulevard d’Anfa, dans une ancienne villa en ruine (Ph. S.D.)

fragilité», confie la directrice. À l’étage, trois jeunes femmes paressent dans le dortoir. Chacune bénéficie depuis quelques jours d’un des 32 lits du Samu. Très insuffisant compte tenu des besoins. «Nous avons dessiné les plans pour surélever les lieux et abriter une centaine de lits, avec des boxs pour conserver un peu d’intimité». Faute de moyens, le projet n’a jamais vu le jour. Une jeune femme, handicapée mentale, est assise par terre, rieuse. Elle échange une plaisanterie avec le Docteur Bahous. «Elle est tombée enceinte deux fois dans la rue. Je la garde ici, de crainte que ça ne recommence».

Outre le budget versé par le ministère de tutelle, le centre poursuit son œuvre –2.000 personnes aidées par an, une centaine de repas distribués en maraude, et 40 pour les personnes hébergées — grâce à quelques dons ponctuels et mal répartis au fil de l’année. Le matin de notre visite par exemple, la chambre froide est vide, tout juste quelques pommes de terre dans une caisse. «Le pire c’est que pendant le Ramadan, nous ne savons plus quoi faire de la nourriture, il nous arrive d’en jeter!».

Dans la salle de jeu, une petite dizaine d’enfants s’affaire à découper du papier de couleur sous l’œil attentif de deux éducatrices. Ils ont passé la nuit dehors mais pour aujourd’hui au moins resteront au chaud. Et demain? Les travailleurs sociaux essaient de trouver des solutions: tentative de médiation familiale, et passage par le juge des mineurs qui envisagera un placement en centre. De belles initiatives ont vu le jour, en lien avec d’autres associations, comme Bayti qui chaque année permet à quelques adolescents de suivre une formation aux métiers de l’agriculture  en deux ans dans une ferme pédagogique à Kénitra.

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Les conditions de vie indignes provoquent, entre autres, maladies de la peau et troubles respiratoires (Ph. S.D.)

Plus tard, nous retrouvons l’équipe qui s’apprête à partir en maraude. Safir le chauffeur, Marwan, l’infirmier et Aziz l’assistant social procèdent à un debriefing avant de commencer leur tournée. A l’aide des cartographies précises des squats de la ville qu’ils ont établies au fil du temps, ils décident de leur itinéraire. Le camion démarre et s’arrête quelques mètres plus loin. Les travailleurs sociaux vont  à la rencontre de Mohammed, qu’ils suivent depuis quelques années, lui offrent café chaud et sandwich. L’homme au regard profond, debout devant sa maison faite de quelques cartons, indique qu’il va bien.

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Façade du Samu social, dans le quartier de Bourgogne (Ph. L’Economiste)

Nous reprenons la route, direction Boulevard d’Anfa. Dans une villa en ruine, au milieu des débris et ordures, squattent une dizaine d’enfants. La plupart dorment déjà.  Ce sont eux, surtout, que l’équipe de nuit cherche pour leur proposer soit un hébergement d’urgence, soit de passer en journée au centre pour rentrer dans un processus de réinsertion. Hicham note le nom et prénom de chacun d’entre eux, leur état. Ces informations permettront d’alimenter la base de données et de suivre les enfants dans la durée. Plus loin, à Mers Sultan, au passage du camion surgit soudain une vingtaine d’enfants, terrés dans un squat au pied d’une usine désaffectée. Ce sont surtout des garçons mais aussi deux toutes jeunes filles qui plongent régulièrement leurs visages dans des  chiffons imbibés d’enduit. Marwan l’infirmier prend le temps de soigner les plaies infectées. Aziz propose aux plus jeunes de passer la nuit au centre: «Alors on y va tous!» lui répondent-ils, portés par l’esprit de bande qui s’est substitué au cadre familial déstructuré. Le camion, salué par les cris des enfants, redémarre une demi-heure plus tard et s’enfonce dans la nuit pluvieuse pour poursuivre sa tournée aux quatre coins de la ville. «Notre but final c’est zéro enfant dans la rue» explique Salah Aisse, président de l’association. Un vœu qui restera une belle utopie si des moyens d’envergure ne sont pas débloqués.

Une association internationale

Le Samu social a été créé en 1993 à Paris par le docteur Xavier Emmanuelli afin de venir en aide aux personnes sans-abri. En 1998, le Samu social international voit le jour. Le but? Monter des structures de lutte contre la grande exclusion dans toutes les mégalopoles du monde, avec une méthode commune: intervention d’urgence, équipes mobiles et nocturnes (ou maraudes), rencontre des personnes les plus fragiles, notamment les enfants. Le Samu social de Casablanca a ouvert ses portes en septembre 2006.

Rue & addictologie

LA plupart des enfants qui vivent dans la rue inhalent en permanence des enduits de peinture. Ces substances toxiques permettent de survivre dans le milieu hyper violent de la rue, en coupant la faim et en agissant comme euphorisant. Elles entraînent des maux respiratoires et neurologiques souvent irréversibles. La désintoxication doit être envisagée comme une étape-clé du processus de resociabilisation. Au Samu de Casablanca, un médecin addictologue travaille plus particulièrement sur ce volet par des actions de sensibilisation.

Le 24 Mars 2016
SOURCE WEB Par L’économiste

 

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